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Canicule et panne d’électricité dans le quartier de Queens (New York): le coût humain de la privatisation des compagnies d’électricité

par Bill Van Auken, Candidat du Parti de l’égalité socialiste (SEP) pour le Sénat de New York
26 juillet 2006

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Plus d’une semaine après que l’infrastructure vieillissante de Con Edison (compagnie d’électricité) ait cédé sous l’impact de la canicule, plongeant les résidents d’une grande partie du quartier Queens de New York City dans l’obscurité et la chaleur étouffante, 10.000 personnes au moins étaient toujours sans électricité lundi.

Au plus fort de la panne, plus de 100.000 personnes ont été touchées principalement dans les quartiers ouvriers de Astoria, Woodside, Sunnyside, Long Island City et Hunters Point. La plupart sont restés sans électricité pendant une semaine entière. Les familles ont été obligées de jeter la nourriture et n’avaient aucun moyen de s’éclairer ou de se maintenir au frais dans leur logement. Les personnes âgées et malades ont été soumises à une souffrance intense. Les petites entreprises, dont de nombreux restaurants et magasins d’alimentation ont subi des pertes considérables.

Et à présent, les premiers rapports faisant état de décès dus à la panne d’électricité apparaissent. La famille d’un résident de Woodside, Andres Rodriguez, peintre de 61 ans, a accusé la panne de courant d’avoir causé sa mort, après qu’il ait succombé à une crise cardiaque suite à l’extrême fatigue occasionnée par trois nuits d’insomnie. Il ne fait aucun doute que dans les jours à venir d’autres décès similaires seront reportés.

La responsabilité pour cette grande souffrance humaine dans une ville qui se vante d’avoir une des plus importante concentration de richesse du monde incombe purement et simplement à la gestion socialement irresponsable de la plus grande compagnie américaine de service, gestion basée sur la recherche à court terme de bénéfices au dépens du maintien d’un système électrique vital dont dépendent des millions de personnes.

En tant que candidat du Parti de l’égalité socialiste pour le Sénat de New York, je demande que soit faite une enquête complète et indépendante sur la manière dont Con Ed et la ville ont fait face à cette catastrophe. De plus, en réponse à la négligence et au manque de responsabilité de la compagnie du fait de sa course aux profits, mon parti demande que Con Ed soit retirée des mains du privé et devienne entreprise de service public, dirigée dans l’intérêt des habitants de New York et sous leur contrôle démocratique.

Les habitants des quartiers touchés du Queens ont, à juste titre protesté, disant qu’ils ont été traités comme des «citoyens de deuxième ordre».

La réaction de Con Ed à cette dernière panne n’a pas seulement été désespérément lente mais elle présente de forts relents d’incompétence. Les trois premiers jours, l’entreprise a déclaré que seuls 1.200 à 2.100 «clients» se trouvaient sans électricité. Puis il est apparu qu’en réalité la crise avait privé de courant plus de 25.000 «clients», c’est-à-dire foyers, entreprises et dans certains cas des blocs entiers d’appartements. En plus des 100.000 personnes sans électricité, quelques centaines de milliers de plus subissaient des réductions d’électricité, ce qui signifie dans de nombreux cas qu’ascenseurs, air conditionné et réfrigérateurs ne fonctionnaient pas.

Pendant ce temps, le maire républicain milliardaire de la ville, Michael Bloomberger a commencé par ignorer la crise, refusant même de visiter la zone affectée pendant les trois premiers jours de la panne de courant. Même par la suite, son principal souci politique n’a pas été la souffrance des habitants du Queens mais plutôt de prendre la défense de Con Ed face à la montée des demandes d’enquête criminelle et appels à la démission de son PDG, Kevin Burke. Bloomberger a indigné les habitants du coin en qualifiant d’«agaçante» la tentative par Con Ed de dissimuler l’étendue de la panne et de «désagrément» leur souffrance.

De nombreuses personnes ont fait remarquer à juste titre que si la panne de courant avait touché le quartier Upper east side de Manhattan, quartier des millionnaires, où le maire Bloomberger vit, ou bien les institutions financières de Wall Street, la réaction aurait été très différente. La compagnie d’électricité a un long bilan de service de moins bonne qualité dans  les quartiers ouvriers ou, comme cela avait été le cas lors de la panne de courant de 1999 à Washington Heights, de couper délibérément le courant dans ces quartiers pour garder toutes les lumières allumées dans les quartiers plus cossus de la ville.

Cherchant à faire taire les critiques contre Con Ed, Bloomberger a déclaré, «plutôt que de montrer du doigt Con Ed et de calomnier tous les gens qui y  travaillent, je veux que tous leurs employés continuent à travailler autant qu’ils peuvent jusqu’à ce que l’on rétablisse la situation pour tous.» Le maire qui est lui-même un ancien PDG a ajouté, «Ce n’est pas notre réseau – leur compagnie, leur réseau – et c’est à eux d’y aller et de le réparer, et s’en prendre au PDG juste parce qu’on veut trouver quelqu’un sur qui rejeter la faute n’a pas beaucoup de sens.»

Cette défense de la malfaisance des grandes entreprises se base sur la tentative mensongère de  mettre sur un pied d’égalité les ouvriers de Con Ed, qui sont soumis jour après jour à des heures supplémentaires obligatoires exténuantes, et les individus qui se font des millions en supervisant une politique qui subordonne le besoin en électricité de la population à leurs propres profits et ceux des autres grands investisseurs de Con Ed.

La réalité c’est que la main d’oeuvre de la compagnie d’électricité a été réduite de plus d’un tiers ces trente dernières années et ceux qui y travaillent sont soumis à des cadences de travail impitoyables. Les travailleurs eux-mêmes ne cessent d’avertir que Con Ed ne pratique pas les inspections et la maintenance nécessaires, tout ça pour réduire les dépenses et augmenter les profits.

Investissement radicalement réduit pour le système de transmission

Une étude de la Commission de planification énergétique de l’Etat de New York, datant de 2000, a découvert entre temps que la compagnie avait radicalement réduit de près de 200 millions de dollars entre 1988 et 1999 les investissements de capitaux pour son système de transmission d’électricité. Après la panne de courant de 1999, un comité d’experts choisi par Con Ed a découvert que Con Ed avait besoin d’améliorer l’entretien de son équipement de transmission. Alors que la demande d’électricité n’a fait qu’augmenter depuis, il n’y a aucun signe que la compagnie s’est conformée aux conclusions du comité.

A présent la ville laisse une fois de plus entre les mains de Con Ed la conduite de l’enquête sur sa propre panne catastrophique. Il reste à voir si une telle investigation révélera ou non la cause première de la panne d’électricité qui a commencé quand 10 des 22 câbles d’approvisionnement de cette zone ont fondu lors de la vague de chaleur de la semaine dernière. Une chose est sûre, c’est qu’une telle enquête faite de l’intérieur va dissimuler les vraies causes sous jacentes de cette catastrophe qui fait partie de la crise à échelle nationale confrontant une infrastructure énergétique qui a été soumise à plus d’une décennie de dérégulation et subordonnée toujours un peu plus directement aux profits.

Même lorsque la panne d’électricité du Queens semblait finalement se résorber, des centaines de milliers de gens à St Louis, Missouri, en sont maintenant à une semaine entière sans électricité, et des centaines de milliers de plus en Californie sont confrontés à des coupures de courant.

L’exigence de gains immédiats de profits à court terme, exercée par la bourse, s’est traduite par la réduction radicale d’investissement pour l’équipement, l’entretien, la formation du personnel ainsi que pour la recherche et le développement de nouvelles formes d’énergie durables du point de vue de l’environnement et qui font cruellement défaut.

Comme c’est le cas pour quasiment toute autre facette de la vie sociale aux Etats-Unis, ce sont les travailleurs qui paient pour cette situation alors que l’élite financière l’exploite pour accroître immensément sa propre richesse personnelle.

La rupture d’approvisionnement en électricité pour des centaines de milliers de gens à New York City et ailleurs aux Etats Unis est une condamnation de ce système et des fausses affirmations des grandes entreprises et de leur porte-parole politiques qui disent que le “marché libre” est capable de répondre aux besoins complexes de la société moderne. Au contraire, notamment dans le secteur de l’énergie, c’est la cause d’incompétence et de négligence flagrantes, comme on a pu le voir à New York City, et de criminalité absolue comme dans le cas d’Enron.

En plus d’une enquête complète et indépendante sur cette crise, je demande l’annulation de toutes les mesures de dérégulation qui ont libéré de tout contrôle social l’industrie de l’électricité et laissé la population à la merci d’une énorme entreprise à but lucratif.

Con Edison est une entreprise qui a 25 milliards de dollars à son actif et 12 milliards de dollars de revenus, et dont des dizaines de millions de gens dépendent pour un service qui peut devenir une question de vie ou de mort. Une telle ressource vitale ne peut être subordonnée à la course aux profits et aux caprices de Wall Street. Elle doit être retirée des mains du privé et transformée en une entreprise de service public sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière, avec indemnisation complète des petits actionnaires. Une telle démarche peut à elle seule poser les bases d’un développement rationnel du système d’énergie et de sa gestion basée sur la responsabilité sociale.

Bien sûr, les républicains comme Bloomberger vont être contre une telle revendication, mais ce sera aussi le cas des démocrates dont certains ont lancé des appels démagogiques à la démission du PDG de Con Ed et pour une enquête criminelle sur les pratiques de l’entreprise. Mais ces pratiques sont loin d’être une aberration. Elles sont plutôt la règle dans l’industrie de l’énergie qui est gérée en vue des profits. Ces mêmes politiciens qui invoquent «l’expropriation» pour aider des promoteurs immobiliers tels Bruce Ratner à expulser de force de leur logement et de leur petite entreprise des familles ouvrières installées sur leur terrain invoquent le droit sacré à la «propriété privée» quand il s’agit de défendre Con Ed.

Contre la politique des deux partis représentant le grand capital, Le Parti de l’égalité socialiste défend la réorganisation de la vie économique dans l’intérêt des larges couches de travailleurs, plutôt que du un pour cent de multimillionnaires et milliardaires. Ce n’est que sur cette base que l’on trouvera les ressources pour résoudre les énormes problèmes sociaux -  allant des problèmes d’éducation de basse qualité, au niveau de vie qui ne cesse de diminuer, en passant par les soins de santé insuffisants et le manque de logement à prix abordable – auxquels les habitants de New York et de tout le pays sont confrontés.  

 

 

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