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États-Unis: L'administration Bush exige que l'ONU sévisse à l'endroit de l'Iran

Par Peter Symonds
2 mai 2006

L'administration Bush a profité du rapport de vendredi dernier de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur le programme nucléaire de l'Iran pour émettre une nouvelle série de demandes et de menaces, dirigées autant vers ses rivaux européens et asiatiques que vers Téhéran.

Washington insiste pour que le Conseil de sécurité de l'ONU adopte une résolution contraignante sous le chapitre 7 de la Charte de l'ONU qui déclarerait Téhéran une menace à «la sécurité et la paix internationales» et qui préparerait le terrain officiellement pour des sanctions économiques et des actions militaires.

La Russie et la Chine ont tout de suite rejeté une telle résolution, bien conscients que les États-Unis l'exploiteraient comme justification peu convaincante pour une agression contre l'Iran. L'ambassadeur chinois à l'ONU, Wang Guangya, a déclaré la semaine dernière: «Je pense que le chapitre 7 signifie beaucoup de choses, incluant le pire scénario, et je ne veux pas élaborer là-dessus.»

Lors d'une période d'entrevues dimanche, la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, a accusé l'Iran de «se moquer de la communauté internationale». En réalité, c'est l'administration Bush qui est engagée dans une comédie diplomatique élaborée alors qu'elle intensifie ses efforts pour déstabiliser le régime iranien et établir des plans de guerre.

Cette situation ressemble étrangement aux mesures prises par l'administration Bush avant son invasion illégale et non provoquée de l'Irak en mars 2003. Washington utilise encore une fois la menace de l'action unilatérale pour intimider et menacer le Conseil de sécurité de l'ONU, particulièrement ses membres permanents qui disposent d'un droit de veto, afin que le Conseil impose des mesures punitives à l'Iran.

Même le discours est semblable. Au lieu de la soi-disant «coalition des volontaires», les représentants américains parlent maintenant d'une alliance «des pays de même sensibilité». «Je crois absolument que nous avons beaucoup de flèches diplomatiques à notre arc au Conseil de sécurité. Nous avons aussi l'appui des pays de même sensibilité qui pourraient et voudraient considérer d'autres mesures si le Conseil de sécurité n'agissait pas assez rapidement», a affirmé Rice, dimanche, sur le réseau CBS.

Vendredi dernier, le président Bush a déclaré aux médias: «Le processus diplomatique ne fait que commencer.» Toutefois, l'ambassadeur américain à l'ONU, John Bolton, a indiqué que les États-Unis tenteraient d'obtenir une résolution sous le chapitre 7 qui laisserait «peu de temps» à l'Iran pour se conformer avant de considérer des sanctions ciblées ou de possibles restrictions commerciales. «Nous croyons qu'il y a urgence et nous espérons que le Conseil agira le plus rapidement possible Un grand nombre de choses pourraient être entreprises avec ou sans le Conseil de sécurité», a-t-il affirmé.

Les États-Unis ont déjà commencé une nouvelle ronde d'intimidations diplomatiques. L'adjoint au secrétaire d'État aux Affaires politiques, Nicholas Burns, doit rencontrer aujourd'hui à Paris des représentants des autres pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU (la Grande-Bretagne, la Russie, la France et la Chine) ainsi que l'Allemagne pour décider quelles actions seront entreprises contre l'Iran. Burns a déclaré la semaine passée que le rapport de l'AIEA prouvait que l'Iran était un «hors-la-loi international» et a appelé à «une réévaluation fondamentale au niveau international de la façon d'agir face à l'Iran». Rice doit rencontrer les ministres des Affaires étrangères de ces mêmes pays à New York le 9 mai.

Bush et ses représentants disent tous que le rapport de l'AIEA conclut que l'Iran cherche à construire des armes nucléaires, ce que Téhéran a nié à plusieurs reprises, insistant que l'Iran ne fait qu'exercer son droit d'entreprendre des activités nucléaires pacifiques tel que le prévoit le Traité de non-prolifération nucléaire. Le rapport se limite à confirmer ce que Téhéran a publiquement annoncé, c'est-à-dire qu'il a recommencé à enrichir de l'uranium.

Bien qu'il soit assurément possible que le régime iranien cherche à construire des armes nucléaires, le rapport de l'AIEA n'offre aucune preuve qu'un tel programme existe. Comme dans le cas des soi-disant programmes nucléaires de l'Irak en 2002, l'AIEA est appelée à prouver quelque chose par la négative, à savoir que nulle part en Iran on ne trouve d'activités qui pourraient mener à la production de bombes nucléaires. Toutes les tentatives de Téhéran depuis trois ans de répondre aux demandes de l'AIEA ont été suivies par de nouvelles allégations provocantes de la part de Washington et par des demandes supplémentaires de l'AIEA pour un plus grand accès aux sites, aux documents et au personnel.

Les ambitions stratégiques des États-Unis

Pour l'administration Bush, les programmes nucléaires iraniens sont simplement un prétexte pratique pour faire pression sur l'ONU et pour monter une campagne de peur aux États-Unis. Les représentants américains ont de façon absurde décrit l'Iran comme la plus grande menace à la sécurité pour les États-Unis en sachant très bien que ce pays retardé économiquement, même avec une poignée d'armes nucléaires, n'est pas de taille à affronter l'armée américaine. Même si Téhéran devait se plier entièrement aux exigences de l'AIEA, la Maison Blanche a dressé une longue liste d'excuses tout aussi bidon pour faire pression pour un «changement de régime» à Téhéran.

Le plus grand atout politique de Washington est le régime bourgeois iranien lui-même qui, avec ses bravades nationalistes vides, joue exactement le jeu de l'administration Bush. La rhétorique xénophobe et antisémite du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui vise à consolider son gouvernement fragile, va directement à l'encontre d'une opposition unifiée des travailleurs au Moyen-Orient et internationalement. En réponse au dernier rapport de l'AIEA, Ahmadinejad a déclaré avec emphase: «La nation iranienne se fout de telles résolutions inutiles [de l'ONU].»

En attisant la confrontation avec l'Iran, l'administration Bush réalise ses vieilles ambitions d'assurer la domination sans partage des États-Unis sur cette région et ses ressources naturelles. En plus d'avoir d'immenses réserves de pétrole et de gaz naturel, l'Iran est stratégiquement situé à la croisée du Moyen Orient, de l'Asie centrale et du sous-continent indien de plus en plus crucial. Mettre en place un régime proaméricain docile à Téhéran contrecarrerait immédiatement les efforts des rivaux européens et asiatiques de Washington qui ont approfondi leur relation économique avec l'Iran depuis dix ans. La Russie et la Chine, tout comme l'Union européenne, le Japon et l'Inde ont tous des intérêts substantiels en Iran.

Les lignes de fracture qui apparaissent au sein du Conseil de sécurité soulignent les dangers non seulement d'un assaut militaire des États-Unis contre l'Iran, mais aussi d'un conflit plus large impliquant les grandes puissances pour le pétrole et les ressources. En réponse à l'agression américaine de l'Afghanistan et d'Irak, la Russie et la Chine en particulier ont forgé des liens économiques et stratégiques plus étroits au moyen de l'Organisation de coopération de Shangaï. Les deux pays ont tenu leur premier exercice militaire conjoint l'an dernier en Chine et en planifient un second l'an prochain.

Moscou, en particulier, a commencé à tranquillement remettre en question la présence américaine croissante dans les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale. Lors de sa dernière réunion l'an dernier, l'Organisation de coopération de Shangaï (OCS) a appelé les États-Unis à établir un échéancier pour le retrait de ses bases militaires d'Asie centrale. Le Pentagone a déjà été forcé de se retirer de sa base de Karshi-Khanabad en Ouzbékistan et fait face à une forte hausse de loyer pour sa principale base au Kirgistan.

Fait significatif, l'Iran a été admis au rang d'observateur, ainsi que l'Inde et le Pakistan, à la réunion de l'Organisation de coopération de Shangaï l'an dernier et cherche à y être admis en tant que membre à part entière. Lors d'une réunion de l'organisation à Pékin le mois dernier, le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Ivanov s'est empressé d'écarter tout soutien militaire à l'Iran contre les États-Unis, déclarant que «l'Iran a un statut d'observateur au sein de l'OCS, personne n'a donc la moindre responsabilité de lui offrir une protection. Je rejette tout de suite l' idée idiote que l'OCS va défendre l'Iran.» La réplique véhémente souligne toutefois le fait que la formation d'un tel bloc pose un défi aux ambitions américaines dans la région et soulève le risque de futurs conflits militaires.

Jusqu'à présent, la Russie et la Chine, ainsi que d'autres pays ayant des intérêts économiques en Iran tels que la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, ont évité toute confrontation directe avec les États-Unis. Ces puissances ont toutes voté pour la résolution de l'AIEA en février qui référait l'Iran à l'ONU puis en mars pour une déclaration présidentielle non contraignante au Conseil de sécurité qui donnait à l'Iran une limite de 30 jours pour cesser tout enrichissement d'uranium. En toute probabilité, Moscou et Pékin vont de nouveau chercher à calmer Washington dans les réunions à venir sur l'Iran et essayer de limiter l'ampleur de toute action que prendrait l'ONU.

Loin de ralentir les plans américains, tout soutien à une résolution sous le chapitre 7 concernant les programmes nucléaires de l'Iran sera un pas de plus vers la confrontation. Faisant face à une chute de son appui politique au pays et à un bourbier grandissant en Irak, l'administration Bush s'est désespérément accrochée à l'Iran comme un moyen de détourner l'attention publique tout en faisant avancer les ambitions stratégiques et économiques des États-Unis.


 

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