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Urgence médicale: état des lieux à la Nouvelle Orléans aux lendemains de l'ouragan Katrina

Par John Mackay
24 mai 2006

Un récent article du New England Journal of Medicine met en lumière la tragédie qui se déroule actuellement aux lendemains de l'ouragan Katrina et met en évidence un système en crise. En outre, la tragédie en actuelle, qui est maintenant à peine évoquée dans les principaux médias, souligne la négligence et l'indifférence criminelles affichée par l'Administration Bush à l'égard des habitants de la Nouvelle Orléans.

Les auteurs de l'article, le Dr Ruth Berggren, maître de conférence en maladies infectieuses et le Dr Tyler Curiel, professeur en hématologie et en oncologie à la faculté de médecine de l'Université de Tulane, font partie de l'équipe médicale qui participe à la reconstruction du système de santé de la Nouvelle Orléans. Ils révèlent que, sept mois après l'ouragan Katrina, les services médicaux sont «primitifs au point d'être inacceptables» pour satisfaire les besoins d'une communauté dont beaucoup de membres ne sont pas encore retournés chez eux.

L'article, daté du 13 avril dernier, et intitulé «Après l'orage- infrastructure du système de santé à la Nouvelle Orléans après l'ouragan Katrina» souligne le manque d'aide gouvernementale pour la reconstruction du système de santé ainsi que pour satisfaire les demandes urgentes et immédiates de soins de santé d'une communauté dévastée par l'ouragan et par l'innondation de la ville qui a suivi. Une telle inertie a également mis en évidence le fossé existant entre ceux qui peuvent s'offrir une assurance maladie et ceux qui n'en ont pas les moyens.

En ce moment, la population de la ville de New Orleans a diminué d'à peu près 24 pour cent par rapport à celle d'avant l'ouragan, néanmoins seuls 15 des 22 hôpitaux sont ouverts, ce qui équivaut à 2000 lits, soit moins de la moitié des 4 400 lits habituels. Avant l'ouragan, selon le New Orleans Times-Picayune, New Orleans était en dessous de la moyenne nationale, en ce qui concerne les lits d'hôpitaux, avec 3,03 lits d'hôpital pour 1000 habitants contre une moyenne nationale de 3,26 lits d'hôpital pour 1000 habitants dans les villes américaines. Aujourd'hui, après l'ouragan et la diminution de la population, on trouve 1,99 lit d'hôpital pour 1000 habitants.

Les ressources actuelles des consultations externes comprennent des médecins qui peuvent proposer une consultation de généraliste et dans une mesure très limitée une consultation de spécialité. Tous ces services font face à des complications chez les patients souffrant de maladies chroniques non soignées - en particulier l'hypertension, le diabète et le SIDA.On ne dispose pas sur place d'accès à des tests de dépistage des maladies infectieuses comme la tuberculose ou le SIDA, et les équipements pour procéder à des tests généraux essentiels de laboratoire sont réservés à ceux qui ont une assurance maladie, ceux qui ne sont pas assurés devant se rendre à l'hôpital public de Bâton Rouge, qui se trouve à plus de 120 kilomètres.

Citant l'exemple d'un patient qui tousse, qui n'est pas couvert par l'assurance maladie et qu'elle soigne dans un service de consultation externe pour patients souffrant du virus HIV, le Dr Berggren écrit:«Il ne m'est pas possible d'effectuer un prélèvement de dépistage de la tuberculose à New Orleans. Il me faut envoyer ce patient en dehors de la ville où alors je vais devoir prélever un échantillon de ses crachats pour les envoyer au Texas.» Comme ce patient dépend du système de santé public de la Nouvelle Orléans, il devrait dépendre des services de laboratoire publics de la Nouvelle Orléans et celui-ci, suite à l'ouragan, n'est pas opérationnel.

Nombreux, parmi les pauvres qui n'ont pas d'assurance maladie, sont restés à la Nouvelle Orléans pendant l'ouragan et il est fort probable qu'ils ne disposent pas de moyen de transport pour sortir de la ville et avoir accès à ces services de santé.Le Dr Berggren a fait remarquer que « Le CDC, Centre de contrôle et de prévention des maladies (Center for Disease Control and Prevention) facilite ce genre de dépistage dans des pays en voie de développement comme Haiti. Pourquoi n'est ce pas le cas à l'intérieur de la Nouvelle Orléans ? »

Avant l'ouragan, les services de santé pour les pauvres à la Nouvelle Orléans relevaient du Charity Hospital et de l'Université d'Etat de Louisiane. Ces hôpitaux ont été détruits par l'inondation qui a succédé à l'ouragan et ils n'ont depuis pas été rouverts, pas plus que leurs services de consultation externe. Si des cliniques- relais commencent à s'ouvrir ici et là, une grande confusion règne chez les habitants de la Nouvelle Orléans qui ne savent pas où, ils peuvent avoir accès aux soins médicaux essentiels dans la ville ni combien cela leur coûtera.

A la Nouvelle Orléans, les troubles nerveux et les suicides post traumatiques sont actuellement des problèmes de santé urgents très préoccupants, comme ce serait le cas dans n'importe quelle ville touchée par une catastrophe naturelle majeure. Il n'y a pas assez de services de psychiatrie ni de soignants pour faire face à la crise actuelle. Avant l'ouragan Katrina, la Nouvelle Orléans manquait déjà de lits dans les services psychiatriques pour les malades mentaux lourds. A présent, le service pour ces patients au Charity Hospital est fermé.

Le Dr Berggren a écrit:«Nous avons connaissance d'un certain nombre de suicides au sein de la communauté médicale, ce qui nous inquiète fortement. Même si la ville ne nous a fourni aucun chiffre, nous sommes inquiets parce que les suicides sont également en augmentation.» Il y a des cas de suicides à la fois parmi le personnel médical et les patients. Après l'ouragan, deux médecins se sont suicidés et leurs collègues pensent que leurs suicides étaient liés aux conséquences de l'ouragan et qu'ils souffraient de névrose post-traumatique.

Beaucoup de gens pensent que la mortalité a aussi augmenté de façon importante après l'ouragan même s'il est difficile d'obtenir des chiffres précis. Le Département de Santé de l'Etat de Louisiane n'est toujours par arrivé à finir la compilation des données de 2005. Comme indicateur rudimentaire, les avis de décès ont augmenté de 25 pour cent dans le Times ­ Picayune en janvier 2006 par rapport à janvier 2005. Le stress qui aggrave les problèmes de santé sous jacents est considéré comme responsable de certains de ces décès.

Interrogé sur l'aide apportée par le gouvernement à ce problème, et en particulier à la lutte contre le nombre élevé de névroses post traumatiques et autres urgences médicales faisant suite à la catastrophe à la Nouvelle Orléans, le Dr Curriel a déclaré:«Si nous regardons la réponse du gouvernement lors de la phase chronique (après l'ouragan), celle-ci ressemble beaucoup à la réponse apportée lors de la phrase aigue. Devant la presse, ils tiennent un beau discours sur l'argent qui a été mis de côté et sur les ressources mises à disposition, mais la première semaine après Katrina, quand nous étions coincés à l'intérieur de Charity Hospital, entourés par les eaux, nous avions beaucoup de mal à voir où étaient les secours, même si le gouvernement en parlait à la télévision. Dans la phrase chronique, les choses n'ont pas changé.»

On a évoqué la promesse gouvernementale de mettre de côté 2.1 milliards de dollars pour aider les services de santé après l'ouragan, néanmoins il n'y a, à cette heure, dans la ville, aucune clinique financée par l'état. Le Dr Curriel a déclaré:«Nous en sommes encore à nous occuper de patients dans des tentes ou dans des grands magasins, certains patients ont même été soignés dans le zoo Audubon, c'est tout à fait scandaleux. »

Selon les auteurs de l'article, 40 médecins sur les 600 travaillant dans les cliniques Ochsner de la ville ont donné leur démission suite à l'ouragan. En tout 1500 employés des cliniques sur 7400 ont donné leur démission. Les raisons invoquées sont nombreuses : mise au chômage de l'épouse, fermeture des écoles des enfants, ou manque de logement.

Une infirmière de la Nouvelle Orléans qui a dû démissionner parce qu'elle n'en pouvait plus a expliqué que «les salles d'attente sont bondées, le personnel est stressé et il y a un manque criant de matériel. Il est difficile de satisfaire nos critères de qualité quand le système est tellement tendu.» Le manque de personnel crée des longues attentes dans de nombreux hôpitaux. A cause du manque d'anésthésistes, les opérations non urgentes ont été ajournées dans certains hôpitaux.

Si les organismes gouvernementaux ne fournissent pas une aide urgente, coordonnée et efficace, les auteurs de l'article craignent que des souffrances humaines disproportionnées et des décès vont continuer à rendre la vie très difficile dans l'agglomération de la Nouvelle Orléans. Parlant récemment de l'immense tâche de reconstruction, Fred Lopez, vice président de l'Ecole de Médecine à l'Université publique de Louisiane a fait remarquer:«La semaine épouvantable que nous avons vécue à l'intérieur du Charity Hospital après le passage de Katrina est celle que tout le monde a pu voir sur CNN, mais c'était pour nous la semaine la plus facile de ces 6 derniers mois.»


 

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