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France: les CRS attaquent les étudiants occupant la Sorbonne.

Par Antoine Lerougetel
14 mars 2006

Les CRS ont délogé manu militari des étudiants qui occupaient la Sorbonne pour protester contre la loi du gouvernement gaulliste visant à détruire la sécurité d'emploi des salariés nouvellement embauchés. Sur ordre du premier ministre Dominique de Villepin, la police prit d'assaut le bâtiment occupé et en éjecta les quelques 300 étudiants qui l'occupaient.

Des équipes de cameramen à l'intérieur du bâtiment filmèrent les CRS en train de charger, matraque au poing et à renfort de gaz lacrymogène, à l'intérieur du bâtiment, détruisant les portes et barricades de fortune faites de chaises empilées. Il fallut moins de quinze minutes pour vider les lieux.

L'occupation de la Sorbonne faisait partie des actions menées par les étudiants dans toute la France contre le CPE (Contrat première embauche) du gouvernement. Cette nouvelle loi va imposer une période d'essai de deux ans aux jeunes salariés nouvellement embauchés, période pendant laquelle les employeurs auront le droit de licencier les salariés sans fournir de motif. Le projet de loi fut discuté à l'Assemblée nationale à toute vitesse et voté le 8 mars. Un jour avant, près d'un million de jeunes et de salariés dans toute la France était descendu dans la rue pour s'opposer à la précarité institutionnalisée que représente le CPE.

Depuis, les grèves d'étudiants ont fait boule de neige pour passer de dix à 45 universités sur les 88 que compte la France. Les professeurs d'université ont aussi entamé un mouvement de grève. Des assemblées générales de milliers d'étudiants se sont tenues dans diverses universités pour voter la grève illimitée. Quatre mille étudiants se sont massés dans un stade à Toulouse lors d'une des plus importantes assemblées générales.

Les organisations syndicales des étudiants et des lycéens ont appelé à des grèves et manifestations nationales mardi et jeudi de cette semaine, et samedi sera une journée nationale de protestation, à l'appel de toutes les fédérations nationales, aux côtés des organisations des étudiants et lycéens.

La dispersion violente de l'occupation de la Sorbonne a mis en évidence la crainte du gouvernement de voir ce point de ralliement de la révolte des étudiants et salariés de mai-juin 1968 redevenir le point de mire d'une opposition de masse. En 1968, suite aux émeutes entre étudiants et forces de l'ordre, 10 millions de salariés s'étaient mis en grève aux côtés des étudiants et avaient occupé leur lieu de travail, ce qui avait entraîné la fuite temporaire à l'étranger de Charles de Gaulle, le président de l'époque.

La lutte actuelle contre le CPE se développe au point de mettre en question la survie du gouvernement de centre droit de Villepin et du président Jacques Chirac. Libération fit remarquer que Villepin « est sur la corde raide ».

Patrick Devedjian, proche collaborateur de Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur et rival de Villepin à la nomination comme candidat de l'UMP gaulliste (Union pour un mouvement populaire) à la prochaine élection présidentielle, dit aux médias, « Le gouvernement est en difficulté indiscutablement. C'est le moment de serrer les rangs ».

En envoyant des CRS disperser l'occupation de la Sorbonne, le régime gaulliste a cherché à faire passer le message qu'il était déterminé à casser le mouvement de masse qui se développe parmi les jeunes et les salariés. Cela fut suivi, dimanche soir, par un entretien télévisé à une heure de grande écoute au cours duquel Villepin a repoussé les revendications des étudiants et réaffirmé l'intention du gouvernement d'imposer les dispositions du CPE, abolissant ainsi pour les deux premières années suivant l'embauche toute protection légale face à des licenciements abusifs.

Lorsque la journaliste Claire Chazal lui demanda si le CPE permettrait à un employeur de licencier une salariée enceinte pour la priver de ses droits statutaires de congé de maternité, Villepin répondit avec une malhonnêteté évidente que les salariés en CPE seraient protégés par tout le cadre de protection légale contre les licenciements abusifs.

Le premier ministre annonça qu'il entamerait des négociations avec les « partenaires sociaux », c'est-à-dire les employeurs et les syndicats, ainsi que les ministres du travail Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher. Ils discuteraient de la mise en place de « référents » qui aideraient les jeunes salariés pendant les deux premières années suivant l'embauche et aideraient ceux qui auraient été licenciés à retrouver du travail. Il est clair qu'il s'agit là d'un geste d'apaisement envers les syndicats, visant à s'assurer leur aide pour contenir, et le cas échéant, dissiper l'opposition de masse.

Arnaud Montebourg, personnalité en vue à la « gauche » du Parti socialiste, reconnut bien les calculs politiques qui se cachaient derrière les négociations proposées, déclarant, « Après avoir mis le feu par ses excèsvoici que M. Villepin appelle les syndicats à la rescousse pour faire les pompiers ».

Les bureaucrates des principales centrales syndicales acceptèrent aussitôt de participer à de telles négociations. Gérard Aschiéri de la FSU, principal syndicat enseignant, qualifia les garanties de Villepin d'«usine à gaz » mais dit qu'il prendrait part aux négociations, tout comme Bernard Thibault de la CGT (Confédération générale du travail), proche du Parti communiste.