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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Le Parti démocrate contrôle les deux chambres du Congrès

Par Patrick Martin
14 novembre 2006

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Le Parti démocrate a obtenu le contrôle du Congrès américain lors des élections de mi-mandat du 7 novembre, gagnant au moins 230 des 435 sièges de la Chambre des représentants et 51 sièges sur les 100 sièges du Sénat. Les deux derniers sièges au Sénat ont été obtenus jeudi dernier lorsque les républicains George Allen de l’Etat de Virginie et Conrad Burns de l’Etat du Montana ont concédé la victoire à leur adversaire.

Au total, six sénateurs républicains sortants ont été défaits. En plus d’Allen et de Burns, il y a Rick Santorum de la Pennsylvanie, troisième en importance dans le Parti républicain, Lincoln Chafee de Rhode Island, Michael DeWine de l’Ohio et James Talent du Missouri.

En plus de défaire six sénateurs sortants, les démocrates ont réussi à conserver quatre sièges qu’ils possédaient : New Jersey, Maryland, Michigan et Minnesota. La seule victoire républicaine dans une course serrée a été celle du Tennessee où le siège laissé vacant par le leader de la majorité républicaine au Sénat, Bill Frist, a été gagné par le républicain Bob Corker.

A la Chambre des représentants, les démocrates ont gagné au moins 28 sièges, bien plus que les 15 qu’il leur manquait pour être majoritaire, alors que huit sièges ne sont toujours pas décidés, en attente d’un recomptage ou un deuxième tour. Ces huit sièges étaient républicains et donc les démocrates ne peuvent qu’augmenter le nombre des sièges qu’ils détiennent à la Chambre des représentants.

Quelque 21 congressistes républicains sortants ont été défaits, près de la moitié d’entre eux dans le Nord-Est américain, y compris deux au New Hampshire, un au Connecticut, trois dans New York et quatre en Pennsylvanie. Trois autres républicains sortants ont été battus en Indiana et un dans chacun des Etats suivants : au Minnesota, en Iowa, au Kansas, au Kentucky, en Caroline du Nord, en Floride, en Arizona et en Californie. Les démocrates ont aussi pris sept sièges laissés vacants suite à une retraite ou une démission de leur titulaire républicain.

Parmi les sièges laissés vacants gagnés par les démocrates, il y a celui de l’ancien leader de la majorité en Chambre, Tom DeLay, du Texas, qui a dû démissionner après avoir été accusé de corruption et celui de Robert Ney de l’Ohio, le président du comité de l’administration de la Chambre des représentants, qui a démissionné après avoir plaidé coupable d’avoir accepté des pots-de-vin du lobbyiste républicain Jack Abramoff. Les démocrates ont aussi gagné le siège de Mark Foley en Floride, qui a démissionné après que ces courriels explicites destinés aux jeunes pages mâles du Congrès furent rendus publics.

Les deux éminents républicains du puissant comité des voies et moyens de la Chambre des représentants, qui gèrent la législation portant sur la fiscalité, ont été défaits : Clay Shaw de Floride et Nancy Johnson du Connecticut. Le président de la Conférence républicaine de la Chambre des représentants, Deborah Pryce, a une faible avance dans son district en Ohio, mais pourrait la perdre lorsque tous les votes seront recomptés.

Les républicains ont évité de peu une défaite encore plus désastreuse. En plus de huit sièges républicains qui sont toujours en danger, dix candidats républicains supplémentaires ont gagné par la peau des dents, avec des marges de cinq pour cent ou moins. Parmi eux, on trouve Thomas Reynolds de New York, la tête du comité républicain pour la campagne électorale de la Chambre des représentants.

Alors que plusieurs élections furent très serrées, le caractère généralisé de la défaite des républicains est bien montré par un fait frappant : pas un seul siège démocrate n’a été capturé par un républicain, que ce soit à la Chambre des représentants, au Sénat ou dans plus de trois douzaines d’élections au poste de gouverneur d’un Etat.

La déroute va plus loin que la perte de majorités serrées à la Chambre des représentants et au Sénat. Les démocrates ont gagné six postes de gouverneurs appartenant aux républicains, défaisant le gouverneur du Maryland Robert Ehrlich qui cherchait à se faire réélire et gagnant les postes de gouverneurs ouverts au Massachusetts, à New York, en Ohio, en Iowa et au Colorado. Avant les élections, les républicains détenaient 28 Etats et les démocrates 22. Après les élections, les chiffres étaient parfaitement renversés : 28 Etats étaient passés aux mains des démocrates et 22 allaient aux républicains. Ces derniers ont toutefois réussi à conserver trois des quatre plus grands Etats : la Californie, le Texas et la Floride.

Les démocrates ont réalisé des progrès importants au niveau des législatures des Etats, augmentant leur représentation dans toutes les régions du pays, même au Sud, leurs premiers gains dans la région depuis 1982. Les démocrates ont enlevé aux républicains le contrôle de neuf législatures, y compris la Chambre du Michigan, la Chambre de l’Indiana, le Sénat du Wisconsin, ainsi que la Chambre et le Sénat de l’Iowa.

Au New Hampshire, traditionnellement républicain, le gouverneur démocrate John Lynch a été réélu et les démocrates ont de plus gagné le contrôle des deux chambres. Ils y ont le contrôle entier du gouvernement de l’Etat pour la première fois depuis 1874. Les démocrates ont fait de même au Colorado, une première depuis 1960 et en Iowa pour la première fois depuis 1964.

Les deux congressistes sortants du New Hampshire, deux républicains, ont été battus par leurs adversaires démocrates, ce qui indique que le sentiment anti-guerre et anti-Bush est particulièrement fort en Nouvelle-Angleterre. Les démocrates ont maintenait une majorité de 21 contre 1 dans cette région.

Au Vermont, le congressiste indépendant en poste depuis longtemps, Bernard Sanders, a gagné le siège laissé libre par le départ à la retraite du sénateur James Jeffords. Sanders, un social-démocrate, fera partie du caucus du Parti démocrate. Il est le premier candidat se décrivant comme socialiste à gagner un siège au Sénat américain.

Les sondages faits à la sortie des bureaux de scrutin ont confirmé que la question centrale pour les électeurs était la guerre en Irak, qui est opposée par une majorité importante dans toutes les régions du pays. L’opinion publique est beaucoup plus hostile à la guerre que la posture tiède qu’ont prise les candidats démocrates. Ils ont surtout concentré leur tir sur la façon dont l’administration Bush a mené la guerre et appelé pour une nouvelle stratégie pour défaire la résistance irakienne plutôt que critiquer la légitimité de la guerre.

Le Washington Post proguerre a admis dans son analyse du vote que « L’élection est devenue en grande partie un référendum national sur M. Bush et la guerre en Irak, selon les sondages effectués à la sortie des bureaux de votes. Soixante pour cent des électeurs quittant les bureaux de scrutin mardi ont affirmé qu’ils s’opposaient à la guerre en Irak, et 40 pour cent ont affirmé que leur vote était un vote contre M. Bush... Huit électeurs sur dix qui ont dit approuver la guerre en Irak ont voté républicain et 8 électeurs sur 10 qui ont dit désapprouver ont voté démocrate, selon les sondages. »

Ces sondages ont montré qu’environ 40 pour cent des électeurs « s’opposaient fermement » à la guerre en Irak, alors que 56 pour cent des électeurs appuyaient le retrait d’une partie ou de toutes les troupes américaines. Dans de très nombreux Etats, il y avait une étroite corrélation entre le sentiment anti-guerre et le vote pour les candidats démocrates, malgré le fait que peu de démocrates ont défendu le retrait des troupes américaines.

Comme l’a fait remarquer le New York Times, décrivant avec une évidente admiration la duplicité de la campagne démocrate, « Dans des districts plus libéraux, les démocrates ont demandé le retour des troupes. Dans des districts plus conservateurs, ils ont demandé un plan pour la victoire. Mais dans presque chaque district, ils ont attaqué les faux pas de l’administration en Irak et ont accusé le Congrès à majorité républicaine de ne pas avoir assez fait de supervision. »

Au New Jersey, par exemple, près de la moitié des électeurs ont affirmé que la guerre était extrêmement importante dans leur décision pour la course au Sénat, et les deux tiers de ceux-ci ont voté pour le démocrate Robert Menendez, qui avait voté contre la résolution d’octobre 2002 qui autorisait la guerre.

En Ohio, 56 pour cent ont exprimé leur désaccord face à la guerre, et parmi ceux-ci, 82 pour cent ont voté pour le candidat démocrate au Sénat, Sherrod Brown, qui avait aussi voté contre la résolution de guerre de 2002. Alors que 34 pour cent des électeurs de l’Ohio ont dit qu’ils votaient pour montrer leur opposition à Bush, seulement 19 pour cent ont affirmé qu’ils votaient pour démontrer l’appui qu’ils lui portaient.

Les électeurs du Rhode Island ont exprimé les plus forts sentiments anti-Bush et anti-guerre, avec 75 pour cent en désaccord avec la feuille de route de Bush, 56 pour cent fortement en désaccord, et 73 pour cent affirmant qu’ils étaient contre la guerre, dont 52 pour cent qui s’opposaient fortement. Parmi ceux qui étaient opposés à la guerre, 65 pour cent ont voté pour le démocrate Sheldon Whitehouse, qui a facilement gagné malgré le fait que le candidat sortant, Lincoln Chafee, avait été le seul candidat républicain à s’être opposé à la résolution de guerre.

Le plus grand bouleversement électoral est survenu en Virginie, où le sénateur sortant George Allen, un fervent partisan de la guerre, a été battu dans les banlieues populeuses de la Virginie du Nord, où le Pentagone et ses sous-contractants sont les plus importants employeurs. Le démocrate James Webb, ancien républicain et secrétaire à la Marine dans l’administration Reagan, s’était opposé à la guerre en la qualifiant de « gaffe stratégique » qui détournait les ressources militaires américaines de cibles potentielles telles que l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord.

La seule exception à la victoire des démocrates dans toutes les luttes serrées pour le Sénat a été le Tennessee, un des quelques Etats parmi lesquels les sondages montrent qu’il y a encore une très faible majorité de personnes appuyant la guerre. Les sondages à la sortie des bureaux de vote ont découvert que 49 pour cent des électeurs appuyaient la guerre en Irak et 48 pour cent étaient contre, presque exactement la même proportion que pour la victoire du républicain Bob Corker sur le démocrate Harold Ford. Ford s’est attiré la grande majorité du vote anti-guerre au Tennessee malgré le fait qu’il ait fait campagne en tant que solide partisan de la guerre et en se vantant de son vote à la Chambre des représentants pour la résolution de guerre de 2002.

Il n’y a que dans un seul autre Etat que le candidat qui appuyait le plus la guerre a prévalu. Il s’agit Joseph Lieberman, le sénateur démocrate sortant du Connecticut, qui a perdu les primaires démocrates contre Ned Lamont, qui avait alors fait appel au sentiment anti-guerre. Lieberman a mené la campagne électorale en tant qu’indépendant, mais est de facto devenu un candidat républicain, appuyé par la Maison-Blanche de Bush et la plupart des sénateurs républicains en poste. Il a défait Lamont par 50 pour cent contre 40 pour cent, aidé par le fait que Lamont a virtuellement laissé tomber la question de la guerre durant presque toute sa campagne

Lieberman a promis de se joindre au caucus avec des démocrates en janvier, en échange d’un accord par lequel il conserverait son ancienneté et son membership de comité. Cependant, il est libre de passer du côté des républicains, ce qui du jour au lendemain mettrait un terme au contrôle de la Chambre haute par les démocrates, divisant le sénat 50/50 et donnant au vice-président Dick Cheney le vote décisif.

D’autres détails du sondage à la sortie des bureaux de vote sont indicatifs de la crise politique à long terme que confronte le Parti républicain, alors que son appui a sérieusement chuté parmi les groupes démographiques dont l’influence croit le plus rapidement. Parmi les électeurs hispaniques, l’appui pour les républicains a chuté, passant de 40 pour cent en 2004 à 30 pour cent cette année. Les électeurs plus jeunes, ceux qui sont âgés de 18 à 29 ans, votent démocrate dans une proportion de 60 contre 38 pour cent, une augmentation des 55 contre 45 d’il y deux ans. La guerre en Irak était de loin la question la plus importante parmi les jeunes d’âge collégial.

La colère croissante provoquée par la détérioration des conditions économiques et sociales a été l’autre facteur important dans le vote. L’indication peut être la plus évidente du fossé qui existe entre le Washington officiel et les masses ouvrières est la remarque prononcée par Bush lors d’une conférence postélectorale mercredi, que la guerre avait surclassé la « bonne » performance économique dans l’esprit des électeurs.

 « La chose étonnante de cette élection et ce qui m'a étonné quelque peu, a dit Bush, c’est que l’économie est forte. Et très souvent, les élections de mi-mandat sont décidées par l’économie. 

« Et, vous savez, évidemment il y avait un sentiment différent dans l’électorat. L’économie — les bonnes nouvelles économiques ont été distancées par la dureté de cette lutte et de la dureté de la guerre. »

En réalité, la majorité de ceux qui sont allés voter le 7 novembre considérait l’économie comme un autre point négatif pour l’administration Bush et ont voté en conséquence. Selon les sondages à la sortie des bureaux de vote, 39 pour cent des électeurs, ont dit que l’économie était extrêmement importante dans leur vote, et parmi ceux-là, 6 sur 10 ont voté démocrate.

Cet état de fait a été particulièrement évident en Ohio, durement touché par le déclin de l’industrie manufacturière américaine. Une grande majorité des électeurs de l’Ohio — 62 pour cent contre 37 pour cent — voit l’état de l’économie de l’Etat négativement. Parmi ceux qui voyaient l’économie négativement, 75 pour cent ont voté pour le candidat démocrate Brown. Parmi ceux qui voyaient l’économie positivement — généralement gagnant des revenus élevés — 71 pour cent ont voté pour le républicain De Wine.

Il a eu des marges similaires en Pennsylvanie, un autre Etat lourdement dépendant de la production manufacturière. Au Missouri, 46 pour cent des électeurs considèrent que l’économie est la principale question, devançant même celle de l’Irak, et la démocrate Claire McCaskill a obtenu 61 pour cent des voix contre le républicain James Talent.

(Article original anglais publié le 11 novembre 2006)

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