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Les démocrates cherchent comment s’accommoder avec l’administration Bush pour continuer l’occupation de l’Irak

Par Joe Kay
21 novembre 2006

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Au cours du week-end, les dirigeants démocrates ont promis qu’ils étaient prêts à travailler étroitement avec l’administration Bush pour forger une politique bipartisane pour continuer l’occupation de l’Irak. Ils ont aussi exprimé leur soutien à une augmentation substantielle du budget militaire et du recrutement de soldats.
Ces remarques ont été faites au cours de l’intense débat au sein des cercles dirigeants sur la façon de sauver l’occupation de l’Irak et de préserver les intérêts de l’impérialisme américain au Moyen-Orient. Alors que plusieurs options différentes sont considérées, la possibilité d’un retrait immédiat d’une partie ou de la totalité des troupes — la position de la vaste majorité de ceux qui ont voté pour les démocrates dans les élections ayant eu lieu il y a deux semaines seulement — a été marginalisée.
Steny Hoyer, le congressiste du Maryland qui a été choisi par le caucus démocrate comme leader de la majorité en Chambre la semaine passée, a donné le ton au Parti démocrate dans une entrevue sur l’émission This Week with George Stephanopoulos sur le réseau ABC News dimanche. Stephanopoulos a demandé à Hoyer comment il répondait au sénateur de l’Arizona, le républicain John McCain, qui a déclaré que les Etats-Unis doivent envoyer plus de soldats en Irak. Le journaliste a aussi noté qu’une des options sous considération par le Groupe d’étude sur l’Irak, un comité bipartisan, est l’augmentation de la puissance militaire américaine pour réussir à écraser les milices opérant à Bagdad.
« Si cette augmentation temporaire fait partie d’un plan de transition et de redéploiement des forces américaines », a dit Hoyer, alors il était prêt à lui donner son soutien. Hoyer a aussi répété la position de plusieurs démocrates et de l’état-major de l’armée selon qui le principal problème de la politique de l’administration Bush envers l’Irak est qu’il n’y avait pas eu suffisamment de soldats dès le début de l’invasion.
Les commentaires d’Hoyer représentent un signal clair à l’administration Bush que les démocrates appuieraient une augmentation du nombre des soldats si cela pouvait être présenté comme une étape vers un éventuel retrait. Pour souligner ce point, Hoyer a déclaré vers la fin de son entrevue que les soldats américains étaient en danger non parce qu’ils sont obligés de se battre en Irak, mais parce que « leur nombre insuffisant les expose quotidiennement au danger et à la mort ».
Le nouveau leader de la majorité a aussi été clair sur le fait que les démocrates ne considéraient pas restreindre le financement de l’occupation de l’Irak. « Nous n’allons pas retirer de fonds aux troupes au front, point final », a-t-il dit. Le pouvoir de financer ou non la guerre est le pouvoir ultime accordé au Congrès pour forcer la branche exécutive à changer sa politique étrangère. Rejeter cette possibilité signifie que l’administration Bush peut continuer la guerre en Irak, tel que Bush l’a promis, jusqu’à la fin de son mandat le 20 janvier 2009.
Ces déclarations soulignent la signification du vote des démocrates à la Chambre des représentants la semaine passée en faveur de Hoyer plutôt que de John Murtha, le candidat bénéficiant de l’appui de celle qui sera speaker de la Chambre, Nancy Pelosi. Murtha, qui a des liens étroits avec des sections des militaires et qui sur des dizaines d’années a constamment été dans l’aile droite du Parti démocrate, avait attiré l’attention il y a presque une année lorsqu’il avait demandé en Chambre le retrait immédiat des troupes américaines de l’Irak.
Dans la course pour le poste de leader de la majorité la semaine passée, Murtha a été attaqué par les médias et des démocrates pour son implication dans le scandale de corruption d’Abscam il y a presque 25 ans. Ce scandale a été dépoussiéré pour attaquer Pelosi et Murtha, mais la véritable question était la position de ce dernier sur la guerre.

Bien que Murtha ait été utile en attirant un appui anti-guerre pour les candidats démocrates au Congrès le 7 novembre, il n’existe pas d’appui significatif pour la position de retrait immédiat dans le comité électoral démocrate, pas plus que dans l’élite dirigeante américaine au complet. Bien que des questions de politique, d’intérêts régionaux, et même de personnalité ont sans aucun doute influencé le vote secret dans l’isoloir, celle de la guerre en Irak a été la plus importante. Les démocrates ont décidé par un vote écrasant de 149 à 86 qu’ils ne voulaient pas se présenter au nouveau Congrès avec un chef de la majorité fortement identifié dans la conscience du public à un appel pour le retrait des troupes.

La déclaration de Hoyer a été faite le jour suivant les remarques du chef des démocrates au Sénat, Harry Reid, durant la présentation radiophonique hebdomadaire des démocrates. Reid a appelé pour un « changement de cap » et a déclaré qu’il était « encouragé que le président écoute enfin les experts externes et les membres du Congrès », une référence en particulier au Groupe d’étude sur l’Irak. « Travaillant ensemble, a affirmé Reid, nous devons réaliser une nouvelle voie vers l’avant, une voie qui permettrait à l’Irak d’être stabilisée et à nos troupes de commencer à revenir à la maison. En Irak, et ailleurs, les démocrates prient pour que le président travaille avec nous, car nous sommes prêts à travailler avec lui. »

La semaine dernière, Reid a déclaré que l’une de ses plus importantes priorités au Sénat serait de fournir 75 milliards $ supplémentaires de financement pour l’armée, particulièrement pour rebâtir l’armée et les marines, sérieusement réduites par les pertes d’hommes et d’équipement en Irak et en Afghanistan. Le coût de l’invasion et de l’occupation de l’Irak s’élève déjà à environ 350 milliards $.

Les démocrates tentent de repousser la question du retrait des troupes à un lointain futur, alors que la tâche immédiate est la « stabilisation », c’est-à-dire un nouveau bain de sang contre les organisations hostiles à la présence américaine en Irak. L’armée américaine planifie depuis longtemps d’importantes opérations contre les milices chiites à Bagdad, particulièrement celles contrôlées par Moqtada al-Sadr.

L’une des principales questions qui sont débattues présentement à l’intérieur de l’establishment politique est la nécessité d’une augmentation des troupes américaines en Irak. Le sénateur démocrate Carl Levin, le prochain président de la commission des Forces armées au Sénat, s’est opposé à une augmentation du nombre de soldats lors d’une entrevue dimanche à l’émission de CNN « Late Edition ». Toutefois, Levin a aussi clairement exprimé que sa position — que les États-Unis devraient annoncer le début du retrait de forces américaines de l’Irak d’ici quatre à six mois — n’est pas un appel à la fin de l’occupation.

Levin a bien insisté qu’il ne défendait pas un calendrier précis pour le retrait de « toutes ou même la majorité des troupes » et a déclaré qu’une présence militaire américaine considérable se poursuivrait indéfiniment. « Nous ne parlons de retrait total des troupes » dans aucune de nos propositions, a-t-il affirmé. Levin espère ainsi que le fait de menacer le gouvernement irakien avec un retrait partiel servira à faire pression sur les différentes factions de la couche dirigeante en Irak afin qu’elles en arrivent à une certaine entente entre eux.  

Une question sur laquelle se sont généralement entendues les différentes factions de l’élite dirigeante est le besoin d’une augmentation des effectifs de l’armée américaine au complet, ce qui est perçu comme une condition préalable pour l’augmentation des forces américaines en Irak. Dimanche, l’éditorial du New York Times « The Army We Need » (L’armée dont nous avons besoin) exprimait la perspective que « la puissance totale permise de l’armée devait être augmentée de 75 000 à 100 000 de plus que ce que M. Rumsfeld prévoyait pour les prochaines années ». Le Times exprimait là la position d’importants démocrates qui font pression depuis longtemps pour que soit augmenté le nombre de soldats dans l’armée et les marines. 

Dans son témoignage devant le comité du Sénat sur l’armée la semaine dernière, le général John Abizaid, le plus haut commandant américain pour le Moyen-Orient, rejetait l’idée d’un retrait des troupes, mais disait également qu’une augmentation était impossible étant donné les responsabilités pesant actuellement sur l'armée. Le moment de ce témoignage est significatif, ayant lieu immédiatement après les élections, comme s’il avait pour but de détourner l’attention de toute discussion sur le retrait des forces américaines.

En filigrane du débat sur l’augmentation du nombre des soldats en Irak, on trouve la question de la conscription. Le démocrate Charles Rangel, président du comité des voies et des moyens de la Chambre des représentants, réitérait à l’émission Face the Nation sur CBS son appui à la réintroduction de la conscription. « Si nous sommes pour défier l’Iran et la Corée du Nord et que certaines personnes appellent pour plus de soldats en Irak, dit-il, nous ne pourrons le faire » sans la conscription. « Je ne vois pas comment quelqu’un peut appuyer la guerre sans la conscription. »

Rangel a promis que son premier geste lors de la nouvelle session du Congrès l’an prochain allait être de réintroduire une loi pour initier la conscription, une proposition qui a été appuyée par plusieurs stratèges démocrates.

Le sénateur républicain Lindsey Graham, parlant après Rangel, a dit qu’il appuyait lui aussi une augmentation de la taille de la présence militaire, mais qu’il croyait cela possible avec une armée de volontaires. Mais si ce n’est pas possible, poursuit Graham, « Nous regarderons les autres options. »

Dans le débat sur la façon de sauver l’occupation, les démocrates s’appuient largement sur le Groupe d’étude sur l’Irak, mis sur pied par quelques congressistes républicains pour proposer une nouvelle stratégie américaine en Irak. Les anciens membres de l’équipe du premier président Bush et de l’administration Clinton, qui ont certaines différences sur la tactique avec des individus tels que le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense sortant Donald Rumsfeld, sont bien représentés au sein de ce groupe.

Les dirigeants démocrates, incluant Reid, ont déjà déclaré qu’ils appuyaient pleinement Bush pour sa nomination du secrétaire à la Défense, Robert Gates. Gates est un agent de longue date sous Reagan et a servi comme directeur de la CIA sous Bush senior. Il a joué un rôle majeur dans le scandale Iran/Contra, et a également été impliqué dans la campagne des Etats-Unis d’appui au fondamentalisme islamique en Afghanistan, incluant Oussama Ben Laden durant la guerre commanditée contre l’Union soviétique dans les années 80.

Reid a dit hier que Gates allait facilement être confirmé dans les prochaines semaines.

Les déclarations des démocrates dans les derniers jours soulignent le fait central qu’il n’existe aucune section de l’establishment politique qui est opposé à la guerre, même si c’est la position de la majorité de la population américaine. Au contraire, au lendemain des élections les démocrates tentent de forger un nouveau consensus pro guerre pour défendre les intérêts de l’élite dirigeante américaine. L’élite dirigeante répond à la population américaine allant vers la gauche en allant plus clairement vers la droite.

(Article original anglais publié le 20 novembre 2006)

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