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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Grève et occupation d’usine chez Volkswagen en Belgique

Par Helmut Arens
28 novembre 2006

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Plus de 5000 travailleurs de l’usine Volkswagen (VW) à Forest (Bruxelles) sont en grève depuis vendredi dernier. Depuis le début de la semaine, les ouvriers occupent 24 heures sur 24 une partie du site Volkswagen pour empêcher que des voitures nouvellement assemblées ne quittent l’usine et que des machines ne soient démontées.

Des spéculations circulaient depuis des mois concernant l’avenir du site Volkswagen de Bruxelles et des rumeurs de restructuration et de fermeture avaient plusieurs fois été démenties par la direction de Volkswagen en Allemagne. Puis, vendredi dernier, l’annonce était tombée selon laquelle la direction de VW avait décidé de transférer l’ensemble de la production de son modèle Golf de Bruxelles vers l’Allemagne comme prévu dans le plan de restructuration et de suppression d’emplois afin d’« optimiser » la capacité de production en répartissant sur les sites allemands de Wolfsburg dans le nord de l’Allemagne et de Mosel en Saxe (Allemagne de l’Est).

Mercredi, un porte-parole de l’entreprise a déclaré que la démarche était le seul moyen de faire front à la concurrence internationale. En conséquence, 4.000 travailleurs sur un total de 5.400 sont menacés de perdre leur emploi à Bruxelles. Mis à part la Golf, seule la Polo continuerait à être produite en faible quantité sur le site.

Les travailleurs de Volkswagen à Bruxelles ont réagi avec colère à l’annonce faite vendredi soir en érigeant pendant plusieurs heures un barrage routier sur la voie d’accès à Forest. L’on s’attend à ce que les protestations se poursuivent tout au long de la semaine. Les syndicats ont appelé à ce que des piquets de grève soient installés sur le site dès lundi prochain.

Lorsqu’un représentant de l’entreprise a tenté de s’adresser aux travailleurs pour les calmer en leur soumettant la perspective d’accroître la production de la Polo, qui est actuellement produite à Pampelune en Espagne, les travailleurs ont réagi avec incrédulité et rejeté cette perspective. « Ils essaient de monter les effectifs les uns contre les autres », a déclaré un syndicaliste belge à la presse.

Bien que la direction de VW écarte la fermeture de l’usine de Bruxelles, de nombreux travailleurs sont convaincus qu’une telle démarche est tout à fait possible.

Le syndicat allemand de la métallurgie, IG Metall et le comité d’entreprise au siège de VW à Wolfsburg ont joué un rôle particulièrement méprisable dans ces développements. La décision de délocaliser la production de la Golf de la Belgique vers l’Allemagne a été prise dans le contexte de l’augmentation des heures de travail, de 28,8 à 33 heures par semaine sans majoration salariale et que le syndicat allemand a accepté au nom des travailleurs allemands. En échange, la direction de VW promettait d’accroître la capacité de production de ses usines allemandes. Les conséquences de ce marché se font à présent sentir aux dépens des travailleurs en Belgique.

L’on ne peut accorder aucune crédibilité à l’affirmation du membre du conseil d’entreprise général représentant les salariés au conseil d’entreprise et au conseil de surveillance de VW, Bernd Osterloh, qui est aussi le président du comité d’entreprise européen de VW quand il dit avoir été surpris par la nouvelle concernant l’avenir de l’usine de Bruxelles. Osterloh a essayé de se justifier dans un communiqué en déclarant : « Il n’avait jamais été envisagé, et ceci avait aussi été discuté avec la direction, d’allonger la semaine de travail dans les usines en Allemagne aux dépens des usines d’autres pays. » L’objectif était plutôt « de répartir équitablement dans le cadre de notre travail international les chances et les risques du marché ». Selon le Financial Times Germany, les représentants des syndicats belges ont accusé le syndicat allemand de trahir les travailleurs des autres sites européens.

La mesure dans laquelle le comité d’entreprise de Wolfsburg a été littéralement acheté par la direction de VW a été révélée clairement par les événements de ces derniers mois. L’ancien président du comité d’entreprise de VW, Klaus Volkert, recevait en plus de son traitement régulier, une prime à laquelle s’ajoutait une prime spéciale d’un montant de 693.300 euros par an, près de 60.000 euros par mois ! Des voyages luxueux avaient également été organisés pour les membres du comité d’entreprise, y compris la fréquentation de bordels. Il y a quelques jours, Klaus Volkert a été interpellé en Allemagne. Selon des articles de presse, il a été arrêté et inculpé d’obstruction à la justice.

Il ressort clairement de l’arrogance affichée par la direction de VW qu’elle est tout à fait consciente du contrôle qu’elle exerce sur le comité d’entreprise. Reinhard Jung, président du conseil d’administration de VW, a dit avec insistance que le transfert de la production en Allemagne ne signifiait pas la fin du plan de rationalisation de la production. Volkswagen, dit-il, devait réagir à la surcapacité qui règne en Europe de l’Ouest où le marché de l’automobile est, en grande partie, saturé. « Pour cette raison Volkswagen a introduit un vaste programme de restructuration dans ses usines allemandes. La suppression de près de 20.000 emplois en est un élément important et qui a déjà été en grande partie réalisé. D’autres optimisations sont prévues en Allemagne », a annoncé Jung.

Bien que les travailleurs soient touchés sur tous les sites VW, le comité d’entreprise européen s’obstine dans son refus à organiser une lutte commune et s’efforce comme par le passé de monter un site contre l’autre.

De nombreux travailleurs manifestent de ce fait leur colère non seulement contre la direction de VW, mais aussi contre les comités d’entreprise. Ils ont exprimé leur inquiétude et leur indignation dans de nombreuses déclarations qu’ils ont faites à la presse belge. Les travailleurs ont décrit les effets catastrophiques que les pertes d’emploi vont avoir dans une région qui est déjà sévèrement affectée par le chômage. La réponse amère d’un travailleur avait été, « Puisque rien n’a changé depuis vendredi, on ne voit pas pourquoi on reprendrait le travail. »

Mardi, la Confédération des Syndicats chrétiens, CSC, affichait sur son site web un article intitulé: « Catastrophe sociale chez Volkswagen Forest » dans lequel elle disait : « … le coût du travail a été fortement raboté… l’effort a été porté à 5,63 pour cent. Cette diminution va être quasi doublée… [et] portée à 10,7 pour cent sans conditions complémentaires, et ce au plus tard le 1er juillet 2007. L’entreprise ne peut donc invoquer ni le coût salarial, ni la productivité, ni la flexibilité pour justifier cette décision. La catastrophe de Forest touche l’ensemble du pays : l’usine occupe 38 pour cent de Wallons, 56 pour cent de Flamands et 6 pour cent de Bruxellois. Ceux-ci seront durement touchés aussi par les pertes d’emploi que cette restructuration va entraîner chez les sous-traitants. Mardi après-midi, les représentants syndicaux ont rencontré le premier ministre, Guy Verhofstadt. Celui-ci a contacté VW en Allemagne pour tenter d’obtenir pour Forest la production des nouveaux modèles… Une délégation de Ford Genk est attendue cette semaine … » En 2003, quelque 3000 emplois avaient été supprimés à Ford Genk.

Les travailleurs de Meritor (habillage intérieur des portes), Johnsson Control (sièges) et Alcoa (cadres en aluminium) ainsi que d’Automative Park se sont joints aux manifestations ayant lieu devant l’usine VW. Des milliers d’emplois seraient également menacés de suppression si la production de la Golf était perdue. Au cours de ces dix dernières années, 3000 travailleurs ont déjà été licenciés en Belgique suite à la fermeture de l’usine Renault de Vilvorde et General Motors (OPEL) à Anvers en avait licencié près de 4000.

Le climat social est très tendu en Belgique. Mercredi, entre 1200 et 1500 travailleurs de la fonction publique s’étaient rassemblés pour protester devant les bureaux du ministre du Budget Guy Vanhengel (Libéraux Evere, VLD) et du ministre-président Charles Picqué (Parti socialiste, PS). Les fonctionnaires concernés travaillant principalement dans les Centres publics d’Action sociale (CPAS) et les hôpitaux publics, exigent une augmentation de 20 euros bruts par mois. La plupart d’entre eux gagnent moins de 1.000 euros par mois.

A Anvers-Central, les cheminots du Syndicat Indépendant pour Cheminot (SIC) ont débrayé. Deux trains sur trois circulent en moyenne depuis lundi. Les cheminots protestent contre les nouveaux horaires que la direction de la Société nationale des Chemins de Fer belge (SNCB) projette d’appliquer à partir de la mi-décembre. Les nouveaux horaires signifient une détérioration des conditions de travail. Il est possible que d’autres dépôts se rallient au mouvement en solidarité.

A Nivelles, le groupe français de la papeterie l’Arjo Wiggins est menacé de fermeture, 147 emplois sont touchés. Les travailleurs d’Exxon Mobil ont décidé après une assemblée générale de reprendre le travail après six jours de grève, mais l’accès à l’usine reste bloqué. 450 travailleurs empêchent que les matières premières ne pénètrent dans l’usine.

De plus, les contrôleurs et les techniciens des aéroports wallons de Liège et de Charleroi sont en grève pour protester contre les mauvaises conditions de travail. La direction de Kraft Foods Belgium qui emploie 1700 salariés projette de supprimer 93 emplois et de les délocaliser en France et en Allemagne.

Compte tenu de ces nombreux conflits sociaux, le gouvernement belge, la direction de Volkswagen et les syndicats font tout leur possible pour garder le contrôle de la grève chez Volkswagen à Forest et empêcher qu’elle ne se transforme en une confrontation sociale plus grande.

(Article original paru le 23 novembre 2006)

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