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Grande-Bretagne: les travaillistes font passer le poids des impôts des riches vers les pauvres

Par Simon Whelan
7 octobre 2006

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Une étude réalisée par le groupe de réflexion « pro-capitaliste » Centre for Policy Studies (CPS) a révélé comment, sous le gouvernement du premier ministre Tony Blair, le fardeau de la charge fiscale repose davantage sur la classe ouvrière et les pauvres.

L’étude du CPS montre qu’en Grande-Bretagne les ménages les plus pauvres versent aujourd’hui une plus grande part d’impôts tout en recevant une part plus faible de bénéfices sociaux qu’avant le retour au pouvoir des travaillistes en 1997. Le rapport constate que si le cinquième des ménages britanniques les plus pauvres versait la même part du total des impôts et recevait la même part du total des bénéfices sociaux qu’en 1996/97, ils disposeraient d’au moins 500 livres sterling (759 euros) de plus.

Pour une section importante de la population, c’est une galère sans fin pour joindre les deux bouts. Charles Elphicke, est conseiller fiscal dans un important cabinet d’avocats et auteur de l’étude du CPS dont le titre est « Robin des bois ou Sheriff de Nottingham ? Les gagnants et les perdants de la réforme des impôts et du système des allocations sociales au cours de ces dix dernières années. » Il affirme que « Près de cinq millions de ménages disposent d’un revenu moyen avant impôt et allocation qui est d’à peine 4.280 livres sterling (6.420 euros). »

L’imposition supplémentaire prélevée sur le cinquième le plus pauvre des ménages britanniques s’élève à 56 livres sterling (84 euros) par ménage depuis l’arrivée au pouvoir de Blair. Le montant total des allocations perdues par cette section de la société, et qui peut le moins s’en passer, s’élève à 475 livres sterling (712,50 euros).

Immédiatement après la guerre, le principe au coeur du programme réformiste du Parti travailliste était un système d’imposition basé sur la redistribution progressive. Celui-ci a été remplacé par un système dégressif ciblant les pauvres, pour ce qui est à la fois des impôts directs et indirects, afin de transférer la richesse vers les ultra-riches. Le fait que le chancelier Gordon Brown ait été le principal architecte de ce système punitif fait voler en éclats les efforts entrepris pour le promouvoir comme successeur de Blair au motif qu’il serait un « social-démocrate » plus traditionnel.

Elphicke montre comment les cinq millions de ménages britanniques les plus pauvres paient au moins 1.000 livres sterling (1.500 euros) d’impôts sur le revenu et d’impôts locaux de leurs maigres salaires. Le cinquième des ménages britanniques le plus pauvre avait versé 6,9 pour cent de l’ensemble des impôts de l’année fiscale 2004/2005, dernière année fiscale pour laquelle les chiffres sont disponibles. Quand les travaillistes sont venus au pouvoir en 1997, le fardeau fiscal supporté par le cinquième des familles les plus pauvres était de 6,8 pour cent. Durant la même période, la part des allocations sociales versées aux Britanniques les plus pauvres passait de 28,1 pour cent au chiffre actuel de 27, 1 pour cent.

Le deuxième cinquième le plus pauvre de la société britannique n’a pas connu un sort meilleur. Le revenu moyen de cette section de ménages ouvriers est tout juste de 11.000 livres sterling (16.500 euros), soit moins de la moitié du soi-disant salaire moyen. Cette section de la classe ouvrière comprend des travailleurs spécialisés et des employés du secteur des prestations de service ; elle paie 10,1 pour cent des impôts de la nation alors que sa part en allocations a chuté de 26,2 pour cent à 25,2 pour cent, soit une perte de 427 livres sterling (610 euros) par ménage. C’est une situation stupéfiante où 40 pour cent de la population gagnent moins de 11.000 livres sterling et la moitié gagne moins de 22.000 livres sterling.

Le CPS est une organisation pro-tory mise sur pied en 1974 par Margaret Thatcher et Sir Keith Joseph afin d’aider le Parti conservateur dans l’application de sa politique de démantèlement de l’Etat providence. Le CPS cherche à profiter de l’occasion aux dépens des travaillistes, mais ne prône en aucune manière le retour à une redistribution des richesses.

Bien au contraire, les couches sociales les plus privilégiées exigent que leur fardeau fiscal à eux soit encore réduit. Par exemple, les journalistes copieusement rémunérés des quotidiens Times et Telegraph propagent la fiction que les couches de la classe moyenne supérieure paient plus que le taux d’inflation pour des choses telles les écoles privées, les impôts locaux et les coûts énergétiques. Les ultra-riches sont également injustement pénalisés, affirment-ils, parce qu’ils dépensent plus en produits de luxe tels les voitures de sport, les hôtels particulier et autres dépenses dont les prix augmentent plus vite.

Leur argumentation se base sur l’affirmation que le gouvernement est passé de l’indice des prix de détail (IPD) à l’indice des prix à la consommation (IPC) pour mesurer l’inflation et fixer les niveaux des impôts et des allocations. Ceci ne comprend pas les prix de l’immobilier, les frais scolaires, les factures de gaz et d’électricité ni les besoins vitaux tels les domestiques, se plaignent-ils.

Un article du journaliste du Telegraph et conseiller médiatique du Parti conservateur, George Trefgarne, donne une idée de la hargne éprouvée à l’égard de la classe ouvrière. Il écrit : « Donc, si vous êtes jeunes et, disons, portez des survêtements, vivez d’allocations sociales dans une HLM, consommez des aliments précuits et jouez aux jeux vidéo, alors en effet il n’y a pas eu d’inflation ces dernières années. Mais, pour les gens de la classe moyenne, qui, eh oui, boivent du jus d’oranges fraîchement pressé (OJ) et qui achètent leur maison et paient des frais de scolarité et bien sûr des impôts, ou pour les personnes plus âgées qui nécessitent des soins à domicile coûteux, les prix ont flambé. Peut-être que l’IPC au lieu de signifier « indice des prix à la consommation » devrait plutôt être « indice des prix “Chav”» [“Chav” sert à décrire des personnes peu cultivées et portant en général vêtements de marque et bijoux clinquants.]

En réalité, l’IPC inclut le prix de l’immobilier, de l’électricité et du gaz, les frais de scolarité et le coût des domestiques et inclura aussi à partir de l’automne les droits d’inscription pour les études universitaires. Tandis que le gouvernement est passé à l’IPC pour calculer l’inflation, il utilise en réalité encore l’IPD pour calculer l’impôt, le montant des allocations et des retraites. L’IPD inclut les produits de luxe tel le champagne et les frais pour les écoles privées, mais ceux-ci ont en fait augmenté moins rapidement que les denrées de première nécessité, tels le fuel et le prix de l’immobilier.

Selon une étude faite par John Hawksworth, qui est à la tête du département de macroéconomique du PricewaterhouseCoopers, c’est la section la plus pauvre de la classe ouvrière qui a souffert le plus de la hausse de 29 pour cent des prix de l’énergie tout au long de l’année dernière. Cette hausse a touché de manière disproportionnée le tiers le plus pauvre des ménages britanniques qui dépense pour l’énergie une part plus grande de ses revenus que les plus nantis.

Hawsworth a évalué le taux d’inflation de dix groupes de revenu dans lesquels il a classé la population britannique en fonction de la manière dont elle dépense son argent. Les grosses factures de gaz et d’électricité sont la raison pour laquelle depuis 2005 l’inflation est devenue plus forte pour les quatre groupes au revenu le plus faible. Les deux déciles les plus pauvres de la société britannique paient en fait des taux d’imposition plus élevés que les 30 pour cent les plus riches ; ceci est dû en grande partie à la proportion du budget que les familles plus pauvres consacrent aux factures de gaz et d’électricité et, à un degré moindre, à la nourriture.

(Article original anglais paru le 25 septembre 2006)

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