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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Israël a utilisé des armes chimiques au Liban et dans la bande de Gaza

Par Jean Shaoul
25 octobre 2006

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Israël a admis qu’il avait utilisé des bombes au phosphore durant la guerre contre le Liban de l’été dernier, quelques jours après avoir été accusé dans un documentaire de la télévision italienne d’avoir utilisé des missiles avec du métal dense et inerte, hautement cancérigène, contre les Palestiniens à Gaza en juillet et août.

Après avoir déjà affirmé que les bombes au phosphore n’avaient été utilisées que pour délimiter ses objectifs, le ministre israélien Jacob Edery, a aujourd’hui confirmé que « les forces de défense israéliennes ont utilisé des bombes au phosphore durant la guerre contre le Hezbollah, pour attaquer des objectifs militaires à découvert ».

Les armes au phosphore causent des brûlures chimiques et la Croix-Rouge et des organisations de défense des droits de l’homme soutiennent qu’elles doivent être considérées comme des armes chimiques. L’utilisation d’armes chimiques contre des civils ou contre des cibles militaires dans des régions civiles est interdite en vertu des Conventions de Genève. Les Etats-Unis ont insisté pour que Saddam Hussein soit jugé pour avoir utilisé des armes chimiques contre des civils.

Le gouvernement libanais a accusé Israël d’utiliser des armes interdites, y compris des bombes incendiaires au phosphore et des bombes thermobariques, lors de la récente guerre. Les médecins dans les hôpitaux du Sud Liban ont dit qu’ils soupçonnaient que les brûlures qu’ils voyaient étaient causées par des bombes au phosphore.

Israël a lancé plus d’un million de bombes à sous-munitions au Sud Liban dans les quelques jours avant le cessez-le-feu, ce qui a résulté en au moins trois morts par jours, surtout des femmes et des enfants, et qui a rendu la région presque inhabitable.

Le volte-face d’Israël sur la question de l’usage d’armes au Liban ne contrevenant pas aux ententes internationales ne peut que renforcer les déclarations des médecins palestiniens qu’Israël a utilisé des armes expérimentales au métal lourd contre la population de Gaza.

La chaîne de télévision par satellite publique d’Italie, RAI News 24, qui a documenté l’an dernier l’utilisation par l’armée américaine de phosphore blanc contre la population contre des civils lors de l’assaut contre Fallujah en Irak, a présenté des reportages en provenance de Gaza de blessures graves difficilement explicables.

Les médecins ont demandé de l’aide pour identifier la cause de blessures étranges qui étaient très petites, souvent invisibles aux rayons X, et de coupures aux membres inférieurs provoquées par une chaleur intense. Ils ont observé qu’un nombre inhabituellement élevé de blessés avait dû subir l’amputation d’une et des deux jambes plus haut que la mi-cuisse à cause de brûlures. Le docteur Habas al-Wahid, le chef de l’urgence de l’hôpital Shuhada al-Aqsa, a déclaré à la presse que les jambes des personnes blessées avaient été séparées du corps « comme si on avait utilisé une scie pour couper l’os ».

Des douzaines de victimes présentaient un corps entièrement brûlé et des blessures semblables à celles que causent les éclats d’obus, mais qui demeuraient indétectables sur les radiographies. Les médecins ont dit qu’ils avaient retiré de microscopiques particules de fibres de carbone et de tungstène, une substance très cancérigène, des blessures. Le docteur Juma Saka, de l’hôpital Shifa à Gaza, a dit que les médecins avaient trouvé des petits points d’entrée sur les blessures des blessés et des morts et de la poudre sur le corps et dans les organes des victimes. « La poudre était comme un morceau microscopique, et c’est ce qui a probablement causé les blessures », a dit Saka.

Les médecins ont remarqué plusieurs cas où les patients, après qu’il était sur le chemin de la guérison, mourraient soudainement après un jour ou deux. « Nous ne savons pas ce que cela veut dire, de nouvelles armes ou quelque chose d’ajouté à une arme qui existait déjà », a dit Saied Jouda, le directeur adjoint de l’hôpital Kamal Odwan à Beit Lahiya.

Ces blessures ont été vues pour la première fois en juillet après qu’Israël eut lancé une offensive militaire massive contre Gaza à la fin de juin, prétendument pour retrouver le caporal Gilad Shalit, capturé par des militants palestiniens, et pour mettre fin au tir de roquettes Qassem vers Israël. La guerre qui a duré six semaines contre une population largement sans défense a détruit routes, ponts, maisons, usines de traitement de l’eau, centrales électriques et a tué au moins 286 Palestiniens et blessé 4200 autres selon un estimé des services d’urgence de Gaza. Dans l’ombre de la guerre barbare d’Israël contre le Liban, cette guerre a été peu couverte par la presse mondiale.

La majorité des morts et des blessures a été causée par des drones israéliens, des avions légers sans pilote contrôlés à distance qui ont attaqué des cibles préétablies.

L’émission a rapporté que les médecins de Gaza avaient accumulé des documents détaillés sur les blessures. Le docteur Mouawia, un chirurgien cardiovasculaire et directeur général des services d’urgence à Gaza, a expliqué, « Dans les principaux hôpitaux de Gaza, comme l’hôpital Shifa, nos collègues médicaux ont traité des blessures qui présentaient de petits trous, surtout aux jambes ; dans d’autres cas, on a retrouvé des fragments métalliques de diverses dimensions à l’intérieur du corps même et qui étaient en fait plus gros que les petites blessures. »

 « J’ai personnellement rassemblé sur un CD la documentation relative aux 86 cas que je suis prêt à montrer, en Italie ou ailleurs, pour que les gens sachent ce qui s’est passé ici dans les derniers mois, alors que l’opinion publique était surtout tournée vers la guerre au Liban », a-t-il poursuivi.

« Selon nous, Israël a utilisé des armes chimiques, comme de nombreux cas documentés le démontrent ; certaines personnes ont de graves brûlures aux organes internes sans qu’il n’y ait de blessures externes.

 « Dans les hôpitaux de Gaza, a ajouté Dr Mouawia, les médecins font face à une situation qui est vraiment difficile, aggravée par l’état de siège que nous avons à subir dans la bande de Gaza. C’est comme une prison à ciel ouvert : beaucoup de blessés sont morts à cause de la gravité des blessures causées par ces armes qui sont « différentes » des armes traditionnelles employées jusqu’à maintenant par l’aviation israélienne ». Il a affirmé qu’il n’y avait pas eu de nouveaux cas enregistrés depuis le mois d’août.

Après une longue recherche, des analyses d’échantillons des métaux trouvés dans les corps des victimes et une étude des blessures inhabituelles, les journalistes de l’émission en sont venus à croire que la cause la plus probable de ces blessures était des missiles très semblables à ceux fabriqués par les États-Unis : un explosif à métal dense et inerte (DIME).

Selon le magazine militaire Defence Tech, le DIME est un missile constitué d’une enveloppe de carbone qui éclate à l’impact en de minuscules éclats, déclenchant au même moment une explosion qui projette des lames d’une poudre très énergétique de métal lourd, comme le cobalt, le nickel ou le fer, en alliage avec du tungstène enveloppé de fibre de carbone. Il se transforme en poussière à l’impact, et perd son inertie très rapidement à cause de la résistance de l’air, brûlant et détruisant, dans un angle bien précis, tout ce qui se trouve dans un rayon de quatre mètres, contrairement aux éclats d’obus qui résultent de l’explosion d’une enveloppe de métal, conception courante des bombes actuelles.

Le métal est qualifié « d’inerte », car il n’est pas impliqué dans l’explosion, et non pas parce qu’il serait inerte chimiquement ou biologiquement.

Cette technologie fait partie d’une nouvelle gamme d’armes à « faible dommage collatéral » conçues pour minimiser les dommages causés aux biens à proximité de l’explosion tout en ayant un impact létal beaucoup plus important, mais limité à une région relativement restreinte. Donc, elle est « idéale pour les zones densément peuplées » et « aide les combattants à empêcher de perdre l’appui populaire », selon les dires de ses enthousiastes défenseurs.

L’émission de télévision n’a pas abordé la question à savoir si les Forces de défense israéliennes (FDI) avaient développé cette arme elles-mêmes ou si elle leur avait été fournie par les Etats-Unis pour qu’elles en fassent l’essai, utilisant les Palestiniens comme cobayes.

Lorsque questionné par un journaliste, un porte-parole des FDI déclara qu’« Israël n’a pas utilisé d’armes illégales en vertu du droit international. » Mais puisque DIME est nouvelle arme, le droit international n’a pas encore jugé de sa légalité.

Evidemment, les FDI ont refusé de parler officiellement aux reporters italiens puisque ces derniers ne citent que Yitzhak Ben-Israel, major général des forces aériennes d’Israël et ancien dirigeant du programme de développement des armes pour l’armée. Il n’a pas nié que ce fût une arme de type DIME, disant qu’« une des idées est de permettre que ceux qui sont visés soient atteints sans causer de dommages aux badauds ou d’autres personnes ». 

Il a dit aux reporters que « c’est une technologie qui permet de frapper de très petites cibles ».

En d’autres termes, DIME serait l’arme parfaite pour le programme israélien d’assassinats ciblés d’opposants palestiniens au processus continu de suppression et d’humiliation du peuple palestinien.

Mais le grand nombre de morts par rapport au nombre des blessés dans la population de Gaza suggère que la supposée arme à « faible mortalité » — qui augmente la létalité dans une zone restreinte — pourrait avoir précisément l’effet opposé.

Le tungstène, le matériau qui sortirait en plus grande quantité de la zone ciblée, est aussi considéré comme hautement cancérigène et dommageable pour l’environnement. Le magazine New Scientis rapportait que dans une étude menée par l’équipe de John Kalinich de l’Institut de recherche en radiobiologie des Forces armées au Maryland, visant à simuler des blessures provoquées par des éclats, des fragments d’arme contenant un alliage de tungstène furent implantés dans 92 rats.  En 5 cinq mois tous les animaux développèrent un cancer rare appelé rhabdomyosarcoma.

Les effets cancérigènes des alliances de tungstène (ainsi que l’uranium appauvri) sont étudiés par l’armée américaine depuis au moins l’an 2000. Il a été trouvé que ces alliages causaient des transformations néoplasiques des ostéoblastes humains (cellules chargées de la synthèse du tissu osseux).

Le Dr Mark Witten, un chercheur sur le cancer de l’Université d’Arizona, a dit qu’il était préoccupé par le possible lien entre le tungstène et la leucémie. « Mon opinion est à l’effet qu’il devrait y avoir beaucoup plus de recherches sur les effets sur la santé du tungstène avant que les militaires étendent son usage », a-t-il déclaré.

Carmela Vaccaio, une docteure à l’université de Parma, a examiné des échantillons envoyés par les reporters italiens de la bande de Gaza et a décelé un très haut niveau de concentration de carbone, aussi bien que du cuivre et de l’aluminium et du tungstène, ce qu’elle considérait comme des matériaux très inhabituels. Dans son rapport, elle conclut que « ces résultats pourraient concorder avec l’hypothèse que l’arme en question est un DIME ».

Pour ajouter à leur souffrance, les survivants palestiniens de ce nouvel armement peuvent s’attendre à être victimes du cancer.

Plus tard, dans une déclaration émise après le programme, l’IDF a nié l’utilisation d’arme de type DIME ajoutant que « pour des raisons opérationnelles, l’IDF ne peut spécifier le type et l’utilisation des armes en sa possession ».

(Article original anglais publié le 24 octobre 2006)

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