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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Blair s’associe aux attaques contre les musulmans de Grande-Bretagne

Par Chris Marsden
26 octobre 2006

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Le premier ministre Tony Blair a pris la tête de la sinistre campagne d’assauts contre la minorité musulmane britannique.

Cette semaine, Blair s’est servi de sa conférence de presse mensuelle pour se solidariser avec l’attaque menée par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Jack Straw, contre le voile intégral ou niqab en disant aux journalistes que c’était « une expression visible de séparation au sein de la société et la raison pour laquelle les gens ne faisant pas partie de cette communauté se sentent gênés ».

Blair a également soutenu la décision de la municipalité de Kirklees de suspendre de son poste une enseignante auxiliaire, Aishah Amzi, parce qu’elle refuse de retirer son voile en présence de collègues masculins.

A la question de savoir s’il était possible pour une femme portant le voile de contribuer pleinement à la société britannique, Blair a répondu qu’il s’agissait là d’une « question bien difficile… personne n’essaie de dire que les gens n’ont pas le droit de le faire. Ce serait aller trop loin. Mais je pense que nous devons nous poser la question de savoir comment intégrer correctement les gens dans notre société. »

Le cas d’Amzi et les propos de Straw font partie d’un débat plus large « qui surgit au petit bonheur la chance », a affirmé Blair. Cela se passe, sous des formes différentes, en Allemagne, en France, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas et au Danemark. C’est un débat sur le degré d’intégration des musulmans, a-t-il dit, et aussi « sur la manière dont l’islam s’adapte au monde moderne et comment il s’en s’accommode. » Il a ajouté que le sujet était déjà débattu « dans chaque village, ville et cité » du Royaume-Uni, les gens recherchant un équilibre entre « préservation d’une identité définie et intégration. »

Les déclarations de Blair représentent avant tout un affront contre les droits démocratiques de Mme Amzi. Elle avait attaqué la municipalité aux prud’hommes dans une situation où le premier ministre avait déclaré son soutien à son employeur et où le ministre des Relations intercommunautaires, Phil Woolas, avait exigé son « renvoi. » L’avocat de Mme Amzi a dit que les déclarations de Blair s’étaient « spécifiquement et directement » immiscées dans les débats aux prud’hommes et représentaient une atteinte au code déontologique ministériel.Celui-ci exige des ministres qu’ils respectent le fonctionnement de la justice. Il a dit qu’il envisageait d’obtenir une ordonnance judiciaire à l’encontre de Blair pour l’empêcher de s’exprimer davantage sur cette affaire.

Mais, l’enjeu est ici bien plus important. Ce que Blair qualifie de « débat », qui préoccuperait en quelque sorte spontanément les gens en Europe, est en réalité le fait que les élites dirigeantes en Europe cultivent délibérément des préjugés antimusulmans avec le soutien des médias, de vastes sections de la droite et des couches qui, pour la forme, tiennent un langage de gauche. L’objectif étant de transformer les musulmans en boucs émissaires sur lesquels tout rejeter et de détourner l’attention des problèmes sociaux croissants et de légitimer les affirmations du gouvernement selon lesquelles il mènerait la lutte pour la démocratie en Irak et en Afghanistan ainsi que pour légitimer ses mesures répressives imposées dans le cadre de « la guerre contre le terrorisme » autoproclamée.

Il n’existe pas de parallèle historique en Grande-Bretagne à l’actuelle ampleur que prend la xénophobie officielle, à l’intervention dans la vie culturelle et sociale, à la surveillance et aux mesures de répression et qui sont présentement dirigées contre les trois pour cent que représente la population musulmane. Cependant, on peut trouver des parallèles, dans les années 1950 avec la peur du communisme de la période McCarthy aux Etats-Unis et, de façon plus sinistre, avec l’antisémitisme cultivé par les nazis dans l’Allemagne d’avant-guerre.

Au cours de ces dernières semaines les ténors gouvernementaux se sont bousculés pour associer leur voix à la rengaine des attaques contre le voile (que seule une infime minorité de femmes musulmanes porte) comme étant un obstacle majeur à de bonnes « relations intercommunautaires », ou pour lancer un avertissement plus général de l’existence d’un danger d’extrémisme dans la communauté musulmane. Parmi eux on ne trouve pas seulement Blair et Woolas (qui est le ministre des Relations intercommunautaires), mais aussi le ministre des Finances, Gordon Brown, la ministre des Affaires constitutionnelles, Harriet Harman et le ministre de l’Intérieur, John Reid qui en a appelé aux parents musulmans pour surveiller leurs enfants et exigé que les «petits durs » musulmans soient maîtrisés. Ils ont été soutenus par Trevor Phillips, que Blair a nommé à la tête de la Commission pour l’égalité raciale.

Pour ne pas être en reste, le dirigeant des conservateurs, David Cameron, a profité d’un discours tenu lors du congrès de son parti pour promettre qu’il empêchera toute formation de « ghettos musulmans ». David Davis, le ministre de l’Intérieur du Shadow cabinet (gouvernement fantôme de l’opposition) entrera dans les annales pour avoir soutenu Straw et averti que les musulmans couraient le danger de tomber dans « un apartheid volontaire. »

C’est devenu une habitude pour Blair et d’autres personnalités du gouvernement que de proclamer que l’intégrisme islamique représente une menace existentielle pour la civilisation occidentale. Mais ces derniers temps, cependant, ceci a été dépeint explicitement comme une lutte entre le christianisme et l’islam. Le pape a ouvert la marche en affirmant que le christianisme était le fondement de la civilisation européenne et en impliquant, lors de son récent discours, que tandis que le christianisme était disséminé par la raison, l’islam l’était par la violence.

L’Eglise anglicane a à présent également déclaré que la Grande-Bretagne devrait être considérée comme un pays chrétien alors que le chef de l’armée britannique, le général Sir Richard Dannatt, a parlé d’une menace islamique contre le mode vie « judéo-chrétien » de la Grande-Bretagne. Ce message a été repris par d’autres, tels Melanie Phillips du Daily Mail qui a écrit que « le christianisme est en train d’être effacé du scénario national… C’est la raison pour laquelle la querelle sur la place du voile et de la croix dans la vie publique est tellement significative. Il ne s’agit pas de préjugés ou de discrimination. Il s’agit de survie culturelle. »

La conséquence de ce climat empoisonné a été une rafale d’attaques lancées par des éléments de droite qui se sentent ragaillardis par l’approbation officielle de leurs préjugés antimusulmans. Les organisations musulmanes ont dit qu’il y avait une recrudescence des attaques racistes physiques et verbales, notamment à l’encontre des femmes auxquelles on arrache le foulard ou le voile. Des bombes incendiaires ont été lancées contre des mosquées et des centres islamiques à Falkirk et Preston, qui ont aussi été attaqués par des bandes jetant des pierres.

Ce qui aurait été bien pire c’est si l’opinion publique avait manifesté des craintes, mais c’est bien plutôt les élites dirigeantes qui essayaient de les attiser. En fait, la grande majorité des travailleurs britanniques est opposée à cette chasse aux sorcières antimusulmane et à cet alarmisme. Un récent sondage a révélé que tandis qu’une faible majorité des interrogés est d’accord avec Straw pour dire que le voile est « une expression visible de séparation, » près de 80 pour cent ont dit que les femmes musulmanes avaient le droit de le porter. Parmi les jeunes, seuls 31 pour cent partagent la déclaration de Straw. Et 74 pour cent de l’ensemble des personnes interrogées sont opposées à toute restriction juridique du voile.

Néanmoins, l’approbation officielle concédée à l’islamophobie représente un danger croissant pour les musulmans britanniques. Cela a incité Jonathan Freedland du Guardian à poser la question de « ce que cela doit être, que d’être un musulman en Grande-Bretagne. Je suppose qu’il doit y avoir un sentiment de crainte en allumant la radio ou la télévision et même de se rendre chez le marchand de journaux. Que vont-ils dire de nous aujourd’hui ? » Les politiciens tout comme les médias « s’en sont pris maintes fois à une seule petite minorité, d’abord en les aiguillonnant puis en les pilonnant comme si elle représentait le seul grand problème de la vie nationale. »

Freedland conclut, « J’essaie de m’imaginer comment je me sentirais si ce torrent de gros titres remplaçait le mot “musulman” par “juif” : Les juifs créent l’apartheid, les juifs dont on devrait interdire les étranges coutumes et habits. Je ne serais pas juste effrayé. J’irais chercher mon passeport. »

Du point de vue des droits démocratiques de tous les citoyens britanniques, les mesures prises directement par le gouvernement et ciblant les musulmans sont encore pires. Après les menaces et mises en garde adressées aux parents, aux imams et aux groupes musulmans pour qu’ils identifient et répriment les extrémistes, le gouvernement a à présent entrepris de regrouper toutes sortes d’institutions dans un réseau de surveillance qui aura pour objectif de cibler les musulmans.

Le 16 octobre, le Guardian a divulgué un document rédigé par le ministère de l’Education et proposant que l’on demande aux maîtres de conférences et au personnel des universités et autres établissements d’études supérieures d’espionner les étudiants de « type indien » et musulmans qu’ils soupçonnent être impliqués dans l’extrémisme islamique. Ils sont instruits de transmettre au service du renseignement (Special Branch) des informations sur les étudiants. Le document reconnaît ensuite que les universités rechigneront à communiquer des informations de crainte que cela revienne à « collaborer avec les “services secrets” » et qu’il y aura « des inquiétudes sur le fait que la police cible certaines couches de la population estudiantine (c’est à dire, les musulmans) ».

Le document appelle au contrôle des tracts et des orateurs d’associations islamiques et parle d’utilisation suspecte de l’ordinateur par des étudiants « indiens ». Ruth Kelly, secrétaire d’Etat aux Communautés, a également tenu une réunion à huis clos avec des représentants de vingt municipalités de Londres. Elle a dit à des autorités locales-clé d’identifier « les points chauds » sensibles à l’extrémisme islamique et elle a demandé aux fonctionnaires de l’administration locale de voir s’ils faisaient suffisamment d’efforts pour s’attaquer à l’extrémisme dans les établissements scolaires et universités.

Paul Mackney, secrétaire général du syndicat des universitaires, a averti que les universités « sont absorbées par une sorte de maccarthysme islamique qui a de graves implications pour la liberté d’enseignement, les libertés civiques, et le brouillage des limites entre ce qui est illégal et ce qui pourrait être indésirable. »

Toutefois, de telles pratiques relevant du maccarthysme ne se limiteront pas aux seuls musulmans, ce qui est aussi le cas des attaques contre les droits démocratiques qui sont présentement mis en œuvre. La politique radicale pratiquée sur les campus universitaires ne se limite pas vraiment à une poignée d’associations islamiques ou d’étudiants musulmans. Une fois que la dénonciation de ceux qui sont perçus comme une menace est devenue la norme, il sera facile d’étendre cette ordonnance judiciaire plus largement aux universités et partout ailleurs dans la vie publique.

Il est impératif que les travailleurs et tous ceux qui sont soucieux de préserver les droits démocratiques montent au créneau pour lutter politiquement contre les attaques qui sont présentement menées contre les musulmans en Grande-Bretagne et de par l’Europe. C’est une question de principe que la persécution de minorités religieuses et ethniques par l’Etat et les médias soit combattue. Et, sans une telle contre-offensive, il ne peut y avoir de combat vraiment efficace contre le militarisme et la guerre ainsi que la présente usurpation des libertés civiques fondamentales.

(Article original anglais paru le 20 octobre 2006)

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