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Grande-Bretagne: suicide d’un jeune soldat en relation avec la guerre en Irak

Par Julie Hyland
6 septembre 2006

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Jason Chelsea, 19 ans, a été enterré le 25 août. Ce jeune soldat d’infanterie originaire de la ville de Wigan, près de Manchester, s’est suicidé le 14 août en avalant une dose mortelle d’antalgique et en se tailladant les poignets. Ce suicide a eu lieu quelques jours à peine avant qu’il accomplisse son premier service actif en Irak avec l’unité du King’s Lancaster Regiment.

Jason s’était engagé dans l’armée britannique à l’âge de 16 ans, après avoir fièrement annoncé à ses parents que ce serait le but de sa vie.

Selon sa famille, le jeune homme était terrifié à l’idée de ce qui l’attendait en Iraq. Sa peur n’était pas seulement motivée par le danger qu’il courait lui-même, quelque 115 soldats britanniques ont déjà été tués en Irak, mais par le fait qu’il puisse être forcé d’appliquer des mesures moralement répugnantes contre la population civile.

Durant les jours qui ont précédé le suicide, Jason avait dit à ses parents que des officiers supérieurs l’avaient averti qu’il pourrait recevoir l’ordre de tirer sur des enfants considérés représenter une menace.

La veille de sa mort, il a écrit un mot à ses parents disant, « Je suis vraiment désolé, maman et papa. Je ne suis pas le fils qu’il vous faut. Je dois en finir. Je ne suis que rebut. »

Jason a ensuite avalé 60 comprimés d’antalgique et s’est tailladé les poignets.

Sa mère, Kerry, a dit que sur son lit de mort il lui avait dit, « Je ne peux pas aller là-bas et tirer sur de jeunes enfants. Je ne peux vraiment pas aller en Irak. Peu importe de quel bord ils sont. Je ne peux pas faire ça. »

Son père, Tony, a dit, « Mon fils s’est senti très, très seul devant tout ce qui lui arrivait. Il était très triste et a gardé pour lui tout ce qui le mettait dans cet état. Ce n’est qu’après avoir avalé les comprimés qu’il nous a fait part de ses peurs sur ce qui pourrait arriver en Irak.

« A l’entraînement, on les a fait lutter avec des mannequins. Jason a dit qu’on leur avait également dit qu’ils auraient peut-être à se battre contre des enfants et qu’ils auraient peut-être à leur tirer dessus parce qu’ils transportaient des bombes. Il a dit que la ligne de conduite (en cas d’attentat suicide) était de tirer d’abord et de poser des questions après. »

Sa mère a ajouté : « Jason a dit que durant son entraînement pour l’Irak, on lui avait dit que des enfants, parfois pas plus vieux que deux ans, sont porteurs de bombes et que le moment viendrait peut-être où il devrait tirer pour sauver sa vie et celle de ses amis. Je crois qu’ils doivent repenser l’entraînement qu’ils donnent aux jeunes soldats avant de les envoyer en l’Irak. »

Le journal The Independant a rapporté que le ministère de la Défense a ouvert une enquête sur la mort du jeune homme et que tandis que le règlement officiel destiné aux troupes britanniques ne prévoyait pas de mises en garde contre des attentats suicides perpétrés par des enfants, « des sources du ministère de la Défense ont confirmé que les détails des directives adressées aux soldats étaient du ressort de chaque régiment. »

Le suicide de Jason a eu lieu exactement deux ans, jour pour jour, après l’enterrement d’un autre soldat britannique qui s’était donné la mort au sujet de la guerre en Irak.

Peter Mahoney, 45 ans, père de quatre enfants, est mort d’un empoisonnement au gaz carbonique après s’être empoisonné lui-même le 3 août 2004 dans la voiture familiale. Mahoney, qui portait, au moment de sa mort, son uniforme militaire de la Territorial Army (TA) fut découvert par sa femme, Donna.

Peter était un critique éloquent de l’invasion de l’Irak et l’on avait rapporté qu’il avait été profondément désillusionné par ses expériences en Irak où il faisait partie du Royal logistics corps. Juste avant sa mort il avait dit à son journal régional de Carlisle que son opinion sur la guerre, à savoir que c’était un acte d’agression que le premier ministre Tony Blair et le président George Bush avaient cherché à légitimer par des mensonges, était largement partagée par d’autres soldats.

« Le consensus général parmi les soldats était que nous étions en Irak pour que George Bush puisse prendre le contrôle des champs pétrolifères », avait-il dit au journal.

« Toute cette question d’armes de destruction massive n’était pour nous qu’un rideau de fumée. Il était clair qu’il n’y avait aucune preuve de leur existence. D’après ce que nous avons vu, le régime de Saddam ne disposait pas d’armes sophistiquées. Les troupes irakiennes utilisaient d’anciennes armes russes. Elles lançaient des bâtons et des pierres, autant avoir des catapultes. »

Sa femme avait expliqué qu’en conséquence Peter avait quitté la TA, mais que « l’Irak l’avait changé. Je ne sais pas ce qui est arrivé parce que je n’étais pas dans sa tête, mais ça l’a changé. C’était un homme brisé. Je ne sais vraiment pas ce qui s’est passé là-bas. »

Cinq soldats britanniques, au moins, ayant un rapport avec l’Irak sont morts dans des circonstances suspectes, mais l’armée ne tient pas de registre des chiffres exacts. Le nombre de ceux qui désertent ou qui sont « portés disparus » est aussi également en augmentation.

Le gouvernement Blair a mis de nombreux soldats dans des situations impossibles. Ils sont les combattants sur le terrain d’une occupation illégale que de nombreux Irakiens ne peuvent accepter. Considérés comme une armée d’invasion hostile, ils sont confrontés à une résistance féroce et croissante. Bush et Blair ont, à maintes reprises, insisté pour dire que les soldats étrangers ne quitteront pas l’Irak tant que l’opposition ne sera pas éliminée, c'est-à-dire que la résistance doit être réprimée par le sang. C’est dans ce contexte que les sévices ont eu lieu à Abou Ghraib et dans d’autres cas.

La nouvelle loi militaire de 2006 prévoit clairement que les soldats britanniques doivent répondre à tout ordre donné, quelle qu’en soit sa légitimité. Conformément à ses dispositions, tous ceux qui refusent de prendre part à « l’occupation militaire d’un pays ou d’un territoire étrangers » peuvent être condamnés à l’emprisonnement à vie.

En avril, une cour martiale a condamné un médecin de la Royal Air force britannique à huit mois de prison pour refus d’obtempérer à un ordre donné quand il a refusé de suivre l’entraînement et refusé un troisième déploiement en Irak.

Le docteur Kendall-Smith a dit avoir refusé de servir à Basra parce qu’il croyait que l’invasion de l’Irak était illégale et qu’il ne voulait pas être complice d’un « acte d’agression » allant à l’encontre de la loi internationale. En ordonnant son emprisonnement, le juge a déclaré, « Ceux qui revêtent l’uniforme de Sa Majesté ne peuvent pas sélectionner et choisir les ordres auxquels ils veulent obéir. Ceux qui cherchent à le faire doivent faire face aux graves conséquences. »

Dans le même temps, le gouvernement pratique des coupes de plus en plus sévères dans le budget de l’équipement militaire dans le but de faciliter le financement de ses aventures impérialistes à l’étranger. Un document confidentiel divulgué le mois dernier et concernant les dépenses financières insiste sur la nécessité de prendre des mesures « hautement efficaces » de réduction des coûts qui feront « mal » et qui résulteront en « une entrave sérieuse de la capacité opérationnelle. »

Selon le Sunday Telegraph, le Land Command (commandement des forces terrestres) qui est chargé de l’approvisionnement et de la formation des troupes britanniques a été sommé de réduire son budget de plus de 40 millions de livres sterling dans les huit prochains mois.

Ce document a été rédigé au moment même où une commission d’enquête concernant le sergent Steven Roberts, du 2nd Royal Tank Regiment, a indiqué qu’il aurait survécu s’il avait été protégé par un gilet pare-balles.

Il y avait eu enquête suite à une campagne massive organisée par la famille de Roberts. Il avait été le premier soldat à mourir en 2003 sur le champ de bataille en Irak. Il était mort après avoir donné son gilet pare-balles à un autre soldat, faute de matériels militaires suffisants.

Au début du mois, Pauline Hickey, dont le fils Christian, âgé de 30 ans est mort lorsqu’une bombe déposée sur le bord de la route a explosée à Basra en octobre 2005, a dit que le manque de matériel militaire avait également joué un rôle important dans la mort de son fils. Christian avait même dû recourir à l’argent qu’il avait reçu pour son anniversaire pour s’acheter ses bottes de combat, a-t-elle dit. Un comité multipartite parlementaire (le Defence Select Committee) a reconnu que les troupes britanniques en Irak sont « sous-équipées » et aux limites de leurs capacités.

(Article original anglais paru le 2 septembre 2006)

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