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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Pressions pour le départ de Wolfowitz sur fond de scandale et de tensions politiques à la Banque mondiale

Par Bill Van Auken
18 avril 2007

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Les demandes pour la démission de Paul Wolfowitz en tant que président de la Banque mondiale se sont fait plus pressantes durant le weekend après une rencontre des ministres des Finances du Groupe des sept (G7) à Washington. Plusieurs participants à cette rencontre ont suggéré que la position de Wolfowitz était intenable.

Le ministre français des Finances, Thierry Breton, par exemple, a décliné de répondre lorsqu’on lui a demandé s’il croyait que l’on devait congédié Wolfowitz, mais a tout de même ajouté que la Banque mondiale se devait d’avoir une « gouvernance éthique irréprochable ». C’était une référence claire au scandale miteux de la grande augmentation salariale et de la promotion dont a bénéficié la compagne de Wolfowitz, Shaha Riza, une Britannique d’origine libyenne. Elle faisait carrière au sein de la bureaucratie de la Banque mondiale avant que George W. Bush y nomme Wolfowitz à sa tête il y a un peu plus de deux ans.

« Je fais pleinement confiance au Conseil d'administration de la Banque mondiale » pour régler cette affaire, a ajouté Breton

Le ministre allemand au Développement, Heidemarie Wieczorek-Zeul a déclaré que Wolfowitz doit décider « décider lui-même si, au vu de cette erreur, il peut remplir sa mission de manière crédible ».

Le ministre suisse de l’Economie Doris Leuthard a déclaré « Ce n’est pas la crédibilité de la Banque mondiale qui est en jeu, mais bien celle de M. Wolfowitz. »

Le ministre brésilien Guido Mantega a fait écho à ces sentiments, ajoutant : « Il faut voir si Wolfowitz pourra conserver l'autorité morale nécessaire pour exercer ses responsabilités. »

Cependant, le comité du développement de la Banque mondiale, comptant 24 ministres des Finances ou du Développement représentant les pays membres au conseil d’administration de la Banque mondiale a émis un communiqué déclarant que « La situation actuelle est source de grande inquiétude pour nous tous. Nous devons faire en sorte que la banque puisse remplir sa mission efficacement et qu'elle maintienne sa crédibilité et sa réputation, ainsi que la motivation de son personnel. »

La journée précédente, Wolfowitz avait été hué à une rencontre avec le personnel de l’agence internationale de prêts, dont une majorité écrasante soutien les demandes pour son départ. L’Association du personnel du groupe de la Banque mondiale a émis un communiqué jeudi déclarant qu’« il semble impossible pour l’institution d’aller de l’avant avec confiance sous la direction actuelle, particulièrement quant à notre objectif d’aider les gouvernements et leurs gens à améliorer leur propre gouvernance. »

L’association a ajouté que « Le président doit reconnaître que sa conduite a compromis l'intégrité et l'efficacité de la Banque mondiale et dilapidé la confiance du personnel à son égard. Il doit agir honorablement et démissionner. » 

Il est largement admis que le conseil, qui dans les faits vote selon les dictats des gouvernements que représentent les membres du conseil ne va pas aller jusqu’à prendre une décision sur le sort de Wolfowitz espérant plutôt qu’il démissionne de lui-même.

Quant à elle, l’administration Bush a exprimé son fort appui et sa confiance dans l’ancien second du Pentagone au poste de président de la Banque mondiale, une institution qui emploie quelque 13 000 personnes de par le monde et qui prête environ 25 milliards par année.

Il devient de plus en plus évident que ce qui sous-tend ce profond désaccord sur le sort professionnel et personnel de Wolfowitz, ce sont les profondes tensions se développant entre les capitalismes américains et européens, non seulement sur le rôle de la Banque mondiale, mais aussi sur toute une série de questions économiques et politiques.

La nomination de l’ancien adjoint du secrétaire américain à la Défense et architecte clé de la guerre américaine d’agression contre l’Irak a été opposée dès le tout début par la majorité du personnel professionnel de la Banque mondiale — un sondage interne d’avril 2005 a trouvé que 90 pour cent du personnel y était opposé — ainsi que la majorité des gouvernements qui participent dans ses délibérations.

Wolfowitz était et demeure irrévocablement identifié aux mensonges sur les « armes de destruction massive » et sur les liens terroristes que l’administration Bush a utilisés pour justifier son invasion de l’Irak en 2003 — une guerre que Wolfowitz soutenait bien avant les attentats du 11 septembre 2001 et avant l’élection de Bush lui-même.

Cette nomination a largement été considérée comme une autre manifestation du mépris de l’administration droitière à Washington envers le reste du monde ainsi que de sa détermination à subordonner toutes les institutions internationales à sa campagne militariste pour imposer l’hégémonie mondiale américaine.

Depuis qu’il a été nommé à la tête de la Banque mondiale il y a deux ans, Wolfowitz a été à la hauteur des attentes.

Le scandale impliquant un traitement de faveur pour une personne avec laquelle il a eu liaison romantique n’est que la dernière controverse — et la plus embarrassante au niveau personnel — impliquant Wolfowitz depuis sa nomination à la tête de la Banque mondiale.

Néanmoins, cette affaire a une signification qui ne trompe pas, par ce qu’elle dévoile à la fois sur les mœurs de ceux qui occupent les plus échelons de la politique capitaliste américaine et sur l’ampleur du cynisme et de l’hypocrisie qui régissent la politique étrangère américaine.

Wolfowitz a fait connaître ses relations avec Riza au printemps 2005, lors de ses négociations pour le lucratif contrat de cinq ans pour le poste de directeur du conseil de la banque. Le comité d’éthique de la banque a établi que le fait que Riza occupe un poste qui allait être sous la responsabilité de Wolfowitz serait en contravention du règlement de la banque sur les conflits d’intérêts.

Comme l’a révélé le Washington Post dimanche dans un article écrit par Karen DeYoung, l’entente que Wolfowitz a obtenu pour sa compagne faisait partie d’une campagne agressive et avaricieuse pour obtenir des privilèges et des avantages sans précédents pour lui-même et ses copains. Dans le cas de Wolfowitz, cela signifiait la négociation de clauses lui permettant de donner des conférences et de publier des livres, une source de revenus importants.

Dans le cas de Riza, Wolfowitz avait ordonné au directeur du personnel de la banque d’augmenter son salaire à 193 590 $ — une hausse de 60 000 $ — alors qu’elle était transférée de l’office de presse pour le  Moyen-Orient de la Banque mondiale vers le département d’Etat américain. Elle travailla — gagnant même plus que la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice — sous la supervision de la fille du vice-président Dick Cheney, Elizabeth, qui avait obtenu à peine deux mois plus tôt son propre poste privilégié en tant que numéro deux au Bureau des affaires proche-orientales du département d'Etat. La fille de Cheney — qui a quitté le poste l’an dernier — y aurait été un des principaux défenseurs de l’agression américaine contre la Syrie et l’Iran.

Assurément, le fait d’accorder une hausse de salaire valant plus que le revenu annuel total de 75 pour cent des foyers américains ne semblait pas troubler Wolfowitz. Au Pentagone, il avait été impliqué au coeur d’une affaire de corruption de plusieurs millions de dollars avec son allié irakien Ahmed Chalabi et Halliburton,le principal entrepreneur militaire en Irak anciennement dirigé par Dick Cheney. 

Des rémunérations sans précédents imposées pour sa compagne et ses copains

Avec la publication des détails du contrat salarial de sa compagne — décrit par l’organisation du personnel comme « ne reflétant vraiment pas » les politiques du personnel — son bureau avait fait circuler une fausse affirmation selon laquelle l’entente avait été approuvée par les autorités compétentes de la Banque mondiale. En fait, comme il est maintenant documenté, Wolfowitz — avec l’avocat de Riza — avait imposé les conditions, outrepassant les recommandations du comité d’éthique de l’institution et empêchant le personnel compétent de participer aux négociations du contrat.

Incroyablement, Riza a déclaré qu’elle avait été « persécutée » par cet accord lucratif, et a exigé « que l’on mette fin aux attaques publiques et privées injustifiées et malveillantes ».

De façon semblable, Wolfowitz s’est fait accompagné à la Banque mondiale par deux membres républicains de droite de l’état-major de la Maison-Blanche — Robin Cleveland et Kevin Kellems — qu’il avait nommés, rapporte le Washington Post, « à des postes importants et récompensés de contrats à durée indéterminée et de salaires non imposables d’un quart de million de dollars, malgré leur manque d’expérience ».

Il est significatif que seulement quelques mois après sa nomination à la Banque mondiale, Wolfowitz ait nommé Suzanne Rich Folsom, juge et une activiste républicaine, à la tête du Département de l’intégrité institutionnelle de l’agence, qui mène les enquêtes internes sur la corruption. Elle a obtenu cette position après que les neuf candidats sélectionnés pour le poste par le propre comité de recherche de la banque aient tous été rejetés en faveur de la loyaliste de l’administration Bush.

L’arrogance et l’évidente corruption personnelle de Wolfowitz étaient d’autant plus frappantes étant donné sa tentative de faire d’une campagne contre la corruption gouvernementale internationalement son cheval de bataille lors de son mandat à la Banque mondiale. Comme la « guerre contre le terrorisme » et la croisade pour la « démocratie », cette campagne devint de plus en plus clairement une feuille de vigne pour la poursuite des intérêts mondiaux des Etats-Unis.

On invoqua la corruption comme prétexte pour arrêter de prêter à des pays lorsque cela servait les objectifs de la politique étrangère de Washington, tout en ignorant la corruption ou cela serait en conflit avec les intérêts américains.

Ainsi, l’Ouzbékistan, qui avait reçu un demi-milliard de dollars en prêts de la Banque mondiale depuis 1992, a vu ses vivres soudainement coupés sur ordre de Wolfowitz en septembre 2005, deux mois seulement après que le dictateur du pays, Islam A. Karimov, eut mis un terme à une entente avec les Etats-Unis, ordonnant aux troupes et aux avions de guerre américains de quitter le pays.

Cependant, dans le cas de l’Irak, de l’Afghanistan, du Pakistan et d’autres régimes d’importance stratégique pour les opérations militaires des Etats-Unis, la question de la corruption s’évanouit.

Selon le Washington Post, « tant les employés que la direction [de la Banque mondiale] avaient manifesté des inquiétudes sur ce qu’ils décrivent comme étant l’insistance de Wolfowitz à ce que la banque accélère ses emprunts à l’Irak et l’ouverture de son bureau là-bas ». Le gouvernement irakien est universellement connu pour être l’un des plus corrompus au monde, et tout compte fait, la Banque mondiale a été incapable de recruter le personnel qualifié pour un tel bureau, en raison des inquiétudes justifiées que soulèvent les conditions de guerre civile qui règnent dans le pays.

Les critiques internationales de Wolfowitz ont beaucoup de raisons pour demander sa destitution de la Banque mondiale. Cependant, derrière cette tempête portant sur les politiques réactionnaires et sur l’éthique d’un homme qui, au sens le plus strict du terme, est un criminel de guerre, on trouve de puissantes forces économiques internationales et des tensions politiques qui apparaissent de plus et plus à la surface. 

La crise que confronte Wolfowitz à la Banque mondiale est inséparablement liée à la débâcle de l’entreprise criminelle à laquelle son nom sera toujours associé : la guerre américaine en Irak.  Les dénonciations des ministres d’un gouvernement après l’autre sont une indication additionnelle de l’isolement politique de l’administration Bush à l’étranger comme au pays.

Plus fondamentalement encore, le sort de cet ancien responsable du Pentagone est une manifestation du changement dans la position du capitalisme américain dans les affaires économiques et politiques globales.

La Banque mondiale — avec le Fonds monétaire international — était l’une des institutions clé mise sur pied sous l’hégémonie américaine après la Seconde Guerre mondiale avec l’objectif de reconstruire le capitalisme européen et créer les conditions pour l’expansion du capitalisme américain lui-même.

Etant donné le rôle proéminent des Etats-Unis dans la création de l’institution, aussi bien que la prédominance du capital américain dans les affaires de l’économie mondiale durant la période d’après-guerre, le gouvernement des Etats-Unis avait eu le droit de désigner le président de la Banque mondiale, aussi bien qu’un nombre de votes au bureau de direction qui lui assurait, dans les faits, un droit de veto.

Cette part, cependant, a été réduite en raison du déclin relatif de la domination de l’économie américaine et de la montée de puissants rivaux capitalistes en Europe et en Asie. Alors que Washington détenait un peu plus que 37 pour cent des droits de vote lors de la fondation de la Banque mondiale, ce pourcentage est aujourd’hui réduit à 16 pour cent. Les quatre autres actionnaires les plus puissants dans la banque après les Etats-Unis — le Japon, l’Allemagne, la France et l’Angleterre — peuvent maintenant bloquer les Etats-Unis s’ils votent ensemble. La Chine, qui a droit à moins de trois pour cent du vote, fait un appel puissant en faveur d’un renforcement de sa position aux dépens des Américains.   

Néanmoins, le quartier général de la banque demeura à Washington, et le gouvernement américain continu d’exercer une influence décisive sur ses décisions.

Mais dans la mesure où l’impérialisme américain demeure la puissance globale dominante aujourd’hui, ce n’est pas en raison de sa puissance économique ou de sa capacité de production. C’est plutôt une tentative de compenser par la production de matériel militaire son déclin économique relatif. Ceci génère inévitablement d’immenses conflits et des tensions inter-impérialistes

Alors que pour la plupart d’entre eux, les rivaux de Washington en Europe et en Asie, ce sont pliés aux demandes de l’impérialisme américain, ils ne l’ont pas fait sans ressentiment amer à l’égard de la domination de Washington et avec une détermination à poursuivre leurs propres intérêts en tant que puissance capitaliste. Dans ce scandale scabreux flottant autour Wolfowitz, ils ont trouvé un moyen de réaliser ces objectifs.

(Article original paru le 16 avril 2007)

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