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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Plus de trente morts à l’université de Virginia Tech

La plus grave tuerie ayant jamais eu lieu aux Etats-Unis

Par David Walsh
19 avril 2007

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Lors d’un incident tragique ayant eu lieu lundi matin et qui représente la plus grave tuerie de l’histoire américaine, un tireur a abattu au moins 32 étudiants et membres du personnel universitaire et en a blessé des dizaines d’autres sur le campus de l’université Virginia Tech à Blackburg, dans l’état de Virginie. Après la fusillade, le tireur a retourné son arme contre lui.

Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions précises de cet incident, l’identité du tueur n’ayant pas été encore établie. On ne peut qu’exprimer son horreur devant cet événement et exprimer sa sympathie vis-à vis des victimes et de leur famille. Des milliers de vies ont été changées à jamais. La petite ville paisible de Blackburg ne sera plus jamais comme avant.

La fusillade de Virginia Tech a fait plus de morts que celle du lycée Columbine à Littleton dans le Colorado en avril 1999 et que celle de l’Université du Texas en 1966 où un ancien Marine, Charles Whitman, avait tiré sur la foule du haut d’une tour. Encore une atrocité, encore un record américain.

Les téléspectateurs du monde entier ont une fois de plus vu des scènes où des jeunes gens ensanglantés étaient transportés en toute hâte hors de bâtiments scolaires américains, alors que d’autres couraient et trébuchaient, en état de détresse et de choc. On pouvait entendre sur une bande vidéo le son terrible de coups de feu tirés avec soin et avec calcul.

Il y a déjà plusieurs questions troublantes. Selon certains reportages, les premiers tirs se sont produits dans une résidence universitaire peu après 7 heures du matin, lundi. Deux personnes, un homme et une femme, ont été tuées au West Ambler Johnston Hall, un bâtiment où logent près de 900 personnes. La police a commencé une enquête sur les lieux du crime. Elle avait alors estimé que c’était un incident isolé et qu’elle contrôlait la situation, comme l’ont expliqué plus tard des responsables lors d’une conférence de presse. Comment en était-on arrivé à une telle conclusion ?

Il semble qu’il n’y ait pas eu de tentative systématique d’avertir les étudiants qu’un tireur pouvait se trouver sur le campus. Les étudiants ont continué à vaquer à leurs occupations habituelles sans être alertés du danger qu’ils courraient. Un courriel qui indiquait qu’un « incident impliquant des armes à feu » venait de se produire et incitait « la communauté universitaire à la prudence » n’a été envoyé qu’à 9h 26, quelques minutes seulement avant que commence la deuxième fusillade, beaucoup plus meurtrière celle-là.

Le tireur a réussi à tuer trente étudiants et membres du personnel universitaire au Norris Hall, un bâtiment réservé aux ingénieurs et se trouvant à un peu moins d’un kilomètre de la résidence universitaire. Plusieurs personnes se sont blessées en sautant par les fenêtres pour fuir la tuerie.

Jason Piatt, un étudiant, a dit sur CNN : « Je suis outragé qu’il y ait eu des morts lors d’une fusillade dans un dortoir à 7 du matin et que le premier courriel mentionnant cet événement ne parlait ni d’une fermeture du campus ni d’une annulation des cours. »

MSNBC a interviewé Derek O’Dell, un autre étudiant de Virginia Tech, qui a dit que le tireur avait une vingtaine d’année et portait une veste de cuir noir. O’Dell était dans une salle de classe à Norris Hall lorsque le tireur est entré et a commencé à tirer. O’Dell a été touché au bras. « Il est entré dans la pièce et a commencé à tirer, a expliqué l’étudiant. Il a vidé un de ses chargeurs. Nous sommes entre quinze et vingt à avoir été touché dans la classe où j’étais. Il n’a rien dit, il a simplement commencé à tirer. » Le tireur a quitté la pièce et les étudiants se sont précipités pour barricader la pièce, mais l’homme est revenu et a tiré encore.

Tiffany Otey a rapporté qu’elle et 18 autres étudiants étaient en examen lorsque les tirs ont commencé. Le groupe d’étudiants s’est barricadé dans le bureau d’un professeur. Elle a décrit « des tirs continus », au moins « 50 coups » et le chaos dans l’édifice alors que les étudiants couraient et criaient.

Le site web de la BBC a reçu un grand nombre de réactions et de témoignages d’étudiants de Virginia Tech.

Bethany Zimmerman écrit : « Les étudiants retournent maintenant aux résidences. Un de mes amis se trouve dans le bâtiment derrière Norris et il est entouré par des étudiants et par les enseignants qui se trouvaient à Norris. Une fille a raconté qu’elle avait vu de nombreux corps ensanglantés. On nous conseille de demeurer dans les résidences, mais l’université tarde à nous communiquer l’information, bien que les reportages des médias aient été la meilleure source d’information jusqu’à maintenant. Pourquoi ne nous a-t-on pas avertis après la PREMIERE fusillade ? »

 « Un de mes amis », raconte Brandon, une autre étudiant « était dans l’une des classes où la fusillade s’est produite et, d’après la scène qu’il a décrite, c’était le chaos total. Cela ressemblait à une scène d’un film, quelque chose que l’on regarde sans jamais imaginer que cela puisse nous arriver, à nous ou à quiconque que l’on connaît. » 

Jamal Albarghouti, un diplômé palestinien en ingénierie civile, a saisi, à l’aide de la caméra de son téléphone portable, des images très troublantes de la scène. Sur la séquence, on peut apercevoir la police autour de Norris Hall et entendre les lents coups de feu. Albarghouti, qui est originaire de la Cisjordanie, a déclaré à CNN qu’il avait été dans des villes où la violence avait éclaté, y compris dans les territoires occupés et à Riyadh, en Arabie Saoudite, où un attentat terroriste s’était produit. Jamais il n’aurait pu s’attendre à un tel incident sur le campus de Virginia Tech. « Blacksburg est l’une de plus belles villes que j’ai vues. On ne peut l’imaginer, tout le monde est si triste, si choqué. »

Le campus de Virginia Tech, situé à près de 400 kilomètres au sud-ouest de Washington DC, avait été fermé à la rentrée en août dernier, durant une chasse à l’homme pour retrouver un prisonnier en fuite qui avait tué un garde d’hôpital et un shérif adjoint. Au cours des dernières semaines, il y a eu deux alertes à la bombe. Les autorités ne savent pas encore s’il y a un lien entre ces menaces et les fusillades de lundi.

Il est à noter que Virginia Tech a des liens historiques étroits avec l’armée américaine. Selon un article du Richmond Times-Dispatch de mai 2005, l’université est « celle qui, parmi les universités et les collèges, a produit le plus d’officiers de la Navy et des Marines, à l’exception de l’Académie navale américaine ». Entre 2000 et 2005 Virginia Tech produit près de 220 officiers de la Navy et des Marines.

Le Corps des cadets de Virginia Tech est l’un des six collèges militaires importants en dehors des académies militaires fédérales. Virginia Tech est l’une des deux seules universités où l’on trouve un corps de cadets à temps plein. Selon le site web de ce dernier, « Depuis 1872, le corps de cadets a produit des leaders exceptionnels pour le Commonwealth et la nation. Sept de nos anciens étudiants ont obtenu la Médaille d’honneur, un nombre dépassé seulement par West Point et Annapolis. Plus de cent de nos diplômés ont été promus au rang de général et d’amiral. »

A la suite du massacre de Blacksburg, George W. Bush a prononcé un discours creux, déclarant que « les écoles devraient être des lieux de sécurité, de refuge et d’apprentissage. Lorsque ce refuge est violé, l’impact se fait sentir dans chaque classe américaine et chaque communauté américaine. Aujourd’hui, notre nation pleure aux côtés de ceux qui ont perdu des êtres chers à Virginia Tech. Nous gardons les victimes dans nos cœurs, nous les élevons dans nos prières, et nous demandons à Dieu de réconforter ceux qui souffrent aujourd’hui. » Et ces paroles viennent d’un homme à qui les bombes larguées sur les écoles irakiennes ou afghanes n’ont en rien troublé le sommeil.

Un ancien agent du FBI a soutenu, lors d’une interview dans un talk-show, que de tels incidents « faisaient partie du risque d’avoir une société libre et ouverte... Ces événements sont rares et inhabituels. » Pas si rares et pas si inhabituels que ça. Les fusillades sur les lieux de travail, dans les collèges et sur les campus constituent un élément que trop saillant de la vie américaine moderne.

Quelles que soient les circonstances immédiates, cet incident est clairement, comme Columbine et d’autres tragédies, la manifestation de courants sociaux plus profonds et celle d’une société profondément dysfonctionnelle.

(Article original paru le 17 avril 2007)

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