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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Selon un rapport des services secrets américains, les préparatifs de guerre contre l’Iran sont basés sur le mensonge

Par Bill Van Auken
10 décembre 2007

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Le président Bush a défendu la politique d’agression de son gouvernement contre l’Iran lors d’une conférence de presse. Il a insisté pour dire que les nouvelles preuves rassemblées par les agences américaines du renseignement et selon lesquelles Téhéran n’avait pas de programme nucléaire militaire en activité, ne modifieraient pas le moins du monde sa politique.  

Le service d’Evaluation du renseignement national américain (National Intelligence Estimate ou NIE) qui synthétise les estimations de seize agences d’espionnage américaines a renversé la conclusion tirée il y a deux ans que l’Iran cherchait à développer une arme atomique et affirmé au contraire que ce pays avait « arrêté son programme de production de l’arme atomique en 2003 ».

Il aussi exprimé aussi l’opinion que l’Iran ne serait pas capable de produire une arme nucléaire avant 2015, s’il essayait de le faire. 

Ces conclusions représentent une condamnation cinglante de la politique de la peur permanente et de l’existence d’une soi-disant menace nucléaire iranienne que poursuit Washington. Elles démontrent que, tout  comme lors des préparatifs de guerre contre l’Irak il y a cinq ans, la Maison-Blanche fait systématiquement campagne pour entraîner le peuple américain dans une nouvelle guerre basée, elle aussi, sur des mensonges.  

Bush s’est cependant emparé du fait que le document de la NIE fait état de l’existence d’un programme d’armement nucléaire dans le passé pour avancer l’argument que l’Iran pouvait reprendre celui-ci à n’importe quel moment. L’Iran pourrait se servir de son programme nucléaire civil pour produire un combustible utilisable dans des centrales nucléaires et pour accélérer ainsi la production d‘une arme nucléaire.

« Qu’est-ce qui permet de dire qu’ils ne pourraient pas commencer un autre programme de production de l’arme atomique en cachette ? » a-t-il demandé.

S’appuyant sur ce prétexte, il a argumenté, en des termes rappelant directement le discours utilisé avant l’invasion non provoquée de l’Irak, en faveur d’une guerre préventive.

Bush a déclaré à la fin de sa conférence de presse, répondant avec emportement à la question d‘un journaliste sur le « manque de crédibilité » de l’administration : « Si l’Iran arrive avec une arme nucléaire à un moment quelconque, le monde va dire, "que s’est-il passé en 2007 ? Comment se fait-il qu’ils n’ont pas vu le danger arriver ? Qu’est-ce qui a fait qu’ils n’ont pas compris qu’un pays qui a disposé une fois d’un programme d’armement [nucléaire] peut reconstituer un tel programme ?" »

Lorsqu’on lui a demandé spécifiquement si les nouvelles conclusions des agences du renseignements signifiaient que Washington allait laisser de côté l’« option militaire » contre l’Iran, Bush a insisté pour dire que « toutes les options [restaient] ouvertes ».

Si Bush a insisté pour dire que la NIE renforçait ses arguments en faveur d’une politique agressive à l’égard de l’Iran et confirmait l’efficacité d’une telle politique, ce document a eu, sur le plan international, l’effet d’une bombe. 

Il a apparemment rendu vain, dans un premier temps, les efforts de l’administration pour faire passer une nouvelle série de sanctions écrasantes pour l’Iran par le biais du Conseil de sécurité des Nations unies. « Officiellement, nous allons examiner le document avec attention, non officiellement nos efforts pour accélérer les choses du point de vue d’une autre résolution n’auront pas abouti », dit au New York Times un responsable europeen participant aux négociations sur des sanctions.  

La Chine, qui comme on l’avait rapporté, avait cédé à la pression américaine lors d’une réunion de membres du Conseil de sécurité à Paris, a maintenant laissé entendre qu’au vu de la NIE, sa position avait changé. A une question sur une probabilité réduite de sanctions, l’ambassadeur de Chine aux Nations unies, Guangya Wang, a répondu : « Je pense que les membres du conseil devront prendre cela en considération parce que je pense que nous partons tous du fait qu’à présent les choses ont changé ».

L’ambassadeur de la Russie qui s’était opposée à une aggravation des sanctions, a dit que la NIE confirmait la position de Moscou. « Nous avons toujours dit qu’il n’y avait pas de preuve qu’ils avaient un programme nucléaire militaire », a dit Vitaly Churkin.

Plus significatif encore est la manière dont le document contribue à discréditer non seulement la Maison-Blanche, mais encore tout l’establishment politique aux Etats-Unis. Car tout comme dans la période précédant la guerre en Irak, alors qu’ils se faisaient l’écho des mensonges de l’administration Bush sur des « armes de destruction massives », les médias et les démocrates ont rallié l’administration Bush dans sa tentative de faire croire à une menace imminente d’un programme nucléaire militaire iranien.

En présentant la NIE aux médias lundi, Stephen Hadley, le conseiller à la sécurité nationale, a reconnu que Bush était informé de l’existence de renseignements nouveaux sur le programme nucléaire iranien depuis le mois d’août de cette année. 

Bush a confirmé ces déclarations, disant lors de sa conférence de presse : « Je pense que c’était en août, Mike McConnell [le directeur du renseignement national] est venu et a dit, "nous avons de nouvelles informations". Il ne m’a pas dit en quoi consistait la nouvelle information. »

Le manque de curiosité intellectuelle du président américain est certes proverbial, mais l’affirmation que son directeur du renseignement l’a informé de l’existence de nouveaux renseignements sur le programme nucléaire iranien au mois d’août et qu’il s’est contenté d’attendre leur publication dans un rapport quatre mois plus tard n’est tout simplement pas crédible.  

La réalité est qu’au mois d’août l’administration menait une campagne de propagande majeure contre l’Iran, que Bush prononçait des discours accusant sans fondement l’Iran d’être responsable d’attaques contre les forces d’occupations américaines en Irak et qu’il menaçait le monde d’un « holocauste nucléaire ». A ce même moment, les Etats-Unis organisaient des provocations contre l’Iran, arrêtant ses responsables diplomatiques en Irak. C’est à ce moment aussi que la Maison-Blanche annonçait qu’elle déclarait le CGRI (Corps des gardiens de la révolution islamique), la principale force de sécurité en uniforme du pays, une « organisation terroriste ».  

Il est impensable que Bush et Cheney, au vu de la campagne bien connue de l’administration pour obtenir n’importe quels rapports des renseignements américains (y compris des rapports ostensiblement faux) pour justifier une guerre contre l’Irak, n’aient pas demandé à savoir quelles nouvelles informations on avait découvert sur le dernier des pays qu’ils avaient décider d’agresser.

En somme, Bush et Cheney prononçaient des discours évoquant un « holocauste nucléaire » et menaçant, comme lors de la conférence de presse de Bush le 16 octobre, le monde d’une « Troisième guerre mondiale », tout en sachant pertinemment que le programme nucléaire militaire contre lequel ils mettaient en garde n’existait pas. 

Un journaliste a demandé au président du Caucus démocratique au Congrès, Rahm Emanuel, de l’Illinois, lors de la réponse officielle du Parti démocrate à la conférence de presse de Bush, s’il croyait que Bush avait délibérément trompé le peuple américain sur la soi-disant menace iranienne.

“Non, je ne pense pas que le président ait tenté de le faire délibérément… je ne vais pas entrer dans ses motivations ; je ne le connais pas assez bien pour cela » a répondu Emanuel.

Ce dirigeant des démocrates du Congrès, partisan en vue d’une politique agressive contre l’Iran, ne peut pas énoncer le fait simple et évident que Bush a menti, parce qu’il sait que lui et son parti son impliqués jusqu’au cou dans la même tentative de tromper le peuple américain sur la question cruciale de la guerre. 

Dans l’intervalle, un porte-parole d’Hillary Clinton, sénatrice de New York et en tête dans la course à la candidature démocrate à la présidentielle, a déclaré que le rapport démasquait la tentative de l’administration « de déformer les renseignements afin de poursuivre ses objectifs idéologiques », tout en affirmant que ce rapport « confirmait » sa position qu’elle décrit comme une « diplomatie vigoureuse sous la direction de l’Amérique ».

Clinton a à maintes reprises exprimé son soutien au maintien de l’« option militaire » contre l’Iran et a voté avec les républicains en septembre dernier en faveur d’une résolution non contraignante déclarant le CGRI une organisation terroriste.

Les conclusions de la National Intelligence Estimate sont le produit d’une lutte prolongée au sein de l’administration et en particulier au sein de son appareil militaire et du renseignement. On en a retardé la publication de plus d’un an à cause des tentatives de Bush et de Cheney de forcer les agences du renseignement à taire des conclusions qui démasquaient les accusations de l’administration sur la prétendue production d’armes nucléaires par l’Iran et son prétendu soutien aux attaques contre les forces américaines en Irak.

La dernière version n’a non seulement pas donné à l’administration de « renseignements » soutenant sa thèse d’une menace iranienne imminente, elle répudie directement son affirmation de l’existence d’un programme iranien d’armes atomiques  se trouvant dans le NIE de 2005. Cela donne la mesure des tensions extrêmes et du malaise régnant tant dans le commandement militaire que dans la CIA sur la perspective d’une guerre américaine contre l’Iran. 

Le Directeur de la sécurité nationale, McConnell a déjà indiqué cette année que la NIE sur les activités nucléaires iraniennes ne serait pas déclassifiée, une position apparemment soutenue par Bush et Cheney. La décision de rendre publiques certaines de ses conclusions a pu être motivée par le fait qu’il serait sinon parvenu aux médias sous forme de « fuite » provenant peut-être même des services du renseignement eux-mêmes.  

Un certain nombre d’articles de presse ont déclaré que la NIE concordait avec les résultats obtenus par l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), le groupe de surveillance des Nations unies qui a effectué des inspections détaillées des équipements nucléaires iraniens. Le directeur général de l’agence, Mohamed ElBaradei, a salué le rapport, disant qu’il aiderait à désamorcer la crise internationale croissante.

Les divergences entre les estimations des services du renseignements américains et les résultats obtenus par l’agence des Nations unies sont cependant énoncées clairement dans la déclaration d’un responsable de l’AIEA au Times : « Malgré les campagnes répétées de calomnies, l’AIEA est restée ferme et a conclu à maintes reprises que depuis 2002 il n’y avait pas eu de preuves d’un programme d’armement nucléaire secret de l’Iran. Cela confirme aussi l’évaluation du directeur général selon laquelle ce que les inspecteurs de l’AIEA ont vu en Iran ne représentait pas de danger imminent ». 

Autrement dit, l’agence onusienne n’a trouvé aucune preuve de ce que le programme d’armement nucléaire, dont le NIE prétend maintenant qu’il existait en 2003, ait jamais existé.

Dans ce sens, le passage de la part des services du renseignement américains d’une évaluation dans laquelle ils disaient en 2005 avec « grande confiance » que l’Iran était engagé dans une tentative de « développer des armes nucléaires » à celle, deux ans plus tard, où ils disaient avec une « confiance » tout aussi « grande » que les Iraniens avaient arrêté un tel programme en 2003, représente la substitution d’un prétexte bidon pour une guerre par un autre. 

Aucune preuve ne fut jamais présentée pour soutenir l’existence d’un programme d’arme nucléaire iranien. Et l’actuel NIE ne donne aucune indication de quelles activités précisément furent stoppées en 2003.

Des accords signés par Téhéran en 2004 et 2005 à la suite de négociations avec les principaux pays européens en vue de réduire partiellement son programme nucléaire, touchaient à des activités liées entièrement au programme civil d’énergie nucléaire du pays et ne violant pas le Traité de non-prolifération nucléaire. 

Et pourtant, comme l’a montré la conférence de presse de mardi, la Maison-Blanche peut maintenant prétendre, sur la base de la nouvelle NIE, que l’Iran aurait essayé de construire des armes nucléaires auparavant et pouvait recommencer à tout moment, ce qui nécessiterait le maintien de sanctions draconiennes et la préparation d’une intervention militaire. 

Les médias ont réagi à la publication de la NIE en affirmant de façon enthousiaste que ses conclusions avaient pour l’essentiel désamorcé la menace de guerre. Le Washington Post écrivait que ce que le document avait établi pouvait « enlever la possibilité d’une action militaire préventive avant la fin de [la] présidence [de Bush] ». Le New York Times a lui spéculé sur le fait qu’il y avait de ce fait « moins de zèle pour un autre conflit militaire. »

Mais la déclaration faite par Bush lors de sa conférence de presse suivait de près celle du conseiller pour la sécurité nationale Hadley la veille. Celui-ci avait répété la menace de Troisième guerre mondiale du président. « La communauté internationale doit comprendre que si nous voulons éviter une situation où nous devons soit accepter un Iran en passe de se procurer l’arme nucléaire, ayant la possibilité de se procurer l’arme nucléaire, soit la possibilité d’avoir à nous servir de la force pour l’arrêter, avec toutes les implications d’une Troisième guerre mondiale, alors il nous faut intensifier la diplomatie » a déclaré le conseiller à la sécurité nationale.

La menace d’une autre guerre plus sanglante encore existe et elle est toujours actuelle. Son origine ne réside pas dans un programme nucléaire militaire non existant, mais dans les conflits inter-impérialistes croissants et avant tout dans la croisade prédatrice menée par le capitalisme américain pour pallier à son déclin économique en recourant à la force militaire.

Washington reste déterminé à établir son hégémonie sur les vastes ressources énergétiques du Golfe persique et de l’Asie centrale. Il a déclenché deux guerres dans les six dernières années pour réaliser cet objectif et il y a toutes les raisons de croire qu’il en prépare une troisième.

Le rapport qui existe entre la menace d’une attaque de l’Iran et la possibilité d’une Troisième guerre mondiale se trouve moins dans une prétendue prolifération d’armes nucléaires que dans les tensions croissantes engendrées par les tentatives faites par les Etats-Unis pour mettre sous leur coupe une région dont dépendent, sur le plan énergétique, ses principaux rivaux économiques, l’Europe de l’Ouest, la Chine et le Japon. 

(Article original anglais paru le 5 décembre 2007)


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