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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Le 4 juillet et l’état de la démocratie aux États-Unis

Par Bill Van Auken
4 juillet 2007

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Nous publions de nouveau un article écrit par Bill Van Auken à l'occasion du 4 juillet 2006. Bill Van Auken fut le candidat au Sénat du Parti de l'égalité socialiste pour l'État de New York en 2006.

Ce 4 juillet a marqué le 230e anniversaire de la Déclaration d’indépendance, un document qui a déclenché une révolution contre le colonialisme et le despotisme, inspirant les peuples à travers le monde. La création d’une nouvelle nation, basée sur les concepts des Lumières tels que la démocratie, l’égalité et le respect de la loi, et annonçant la Révolution française, qui allait survenir treize ans plus tard, a eu des répercussions internationales sur plusieurs générations par la suite.  

Le document signé en 1776 avait un caractère profondément libérateur, proclamant le droit des personnes, pas seulement aux États-Unis mais partout, à employer des moyens révolutionnaires pour chasser les gouvernements qui bafoueraient leurs «droits inaliénables».

Ceux qui ont mené l’insurrection contre le monarque britannique étaient tout à fait conscients des implications internationales de leurs actions et de la signification historique mondiale de la Déclaration. Comme l’avait écrit Thomas Jefferson à John Adams – par une coïncidence historique émouvante et appropriée, ces deux hommes devaient mourir à la date du 50e anniversaire de la Déclaration d’indépendance –  «Les flammes allumées le 4 juillet 1776 se sont beaucoup trop propagées à travers le monde pour que les faibles machines du despotisme puissent les éteindre; au contraire, elle consumeront ces machines et tous ceux qui les font fonctionner.»   

La Déclaration d’indépendance était imprégnée des idéaux des Lumières et de leur aversion pour l’ignorance, l’exploitation et l’inégalité. Bien sûr, les marxistes sont tout à fait conscients des limitations intrinsèques à la réalisation de ces idéaux démocratiques, étant donné le contexte socioéconomique dans lequel ils se sont développés, caractérisé aux États-Unis du 18e siècle par les relations de propriété capitaliste et l’esclavage. Malgré tout, le contenu démocratique et le sens universel des premiers passages de la Déclaration sont indéniables:

«Nous tenons pour évidentes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient hostile à ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et les formes qui lui paraîtront les plus aptes à lui donner la sécurité et le bonheur.»

Quelqu’un pourrait-il affirmer sérieusement qu’un document contenant un langage similaire pourrait obtenir l’approbation d’une ou l’autre des deux Chambres du Congrès américain ou échapper à un veto de l’occupant actuel de la Maison-Blanche? Tout le contenu des politiques et des actions, au pays et à l’étranger, de ceux qui dirigent présentement le gouvernement américain équivaut à un rejet total des idéaux et des principes de 1776.

En grande partie, la Déclaration d’indépendance consiste en un réquisitoire détaillé contre le roi George III qui pourrait être réutilisé, avec un peu de révision, comme acte d’accusation envers l’actuelle administration républicaine et ses complices démocrates pour crimes de guerre, ou comme document justifiant politiquement les actes des Irakiens résistant présentement à l’occupation de leur pays par les États-Unis.

Le vieux roi britannique était accusé, entre autres, d’avoir «entrepris de rendre le pouvoir militaire indépendant de l'autorité civile et même supérieur à elle», un abus de pouvoir qui est devenu la marque d’une administration à Washington qui justifie sans cesse l’action de s’arroger des pouvoirs sans précédent en invoquant le statut de «commandant en chef» du président.

La déclaration accuse le monarque britannique «de mettre en quartier parmi nous de gros corps de troupes armées» et «de les empêcher par des procès bidon d’être châtiés pour les meurtres qu'ils auraient commis sur la personne des habitants de ces États.»

Elle poursuit: «Il a pillé nos mers, ravagé nos côtes, brûlé nos villes et massacré nos concitoyens.»

«En ce moment même, il transporte de grandes armées de mercenaires étrangers pour accomplir l'oeuvre de mort, de désolation et de tyrannie qui a été commencée avec une cruauté et une perfidie dont on aurait peine à trouver des exemples dans les siècles les plus barbares, et qui sont tout à fait indignes du chef d'une nation civilisée.»

Chacun de ces mots, «pillé», «mort», «désolation», «tyrannie», «cruauté», «perfidie» s’applique, et avec une plus grande force aujourd’hui, à la conquête et à l’occupation brutale de l’Irak par Washington.

Deux cent trente années après la révolution contre le colonialisme britannique qui l’a mis au monde, le gouvernement des États-Unis mène une guerre coloniale qui a pour but de subjuguer le peuple de l’Irak et de s’approprier la richesse pétrolière du pays.

Pour sa défense, le roi George pourrait au moins soutenir qu’il luttait pour préserver un empire existant et pour défendre son pouvoir sur des territoires et des sujets qui étaient reconnus depuis longtemps comme étant britanniques.

L’aventure coloniale américaine en Irak, au contraire, est une guerre d’agression non provoquée qui a été lancée sur la base de mensonges concernant des armes de destruction massive et des liens terroristes qui n’existaient pas. Elle a inévitablement produit toutes les horreurs et les crimes associés avec de telles interventions, où les soldats envoyés pour tuer et mourir sur la base de ces mensonges agissent encore plus comme des brutes, ce qui entraîne une suite sans fin de crimes de guerre. Cette entreprise criminelle est devenue une catastrophe politique, et même morale, à laquelle aucune section de l’establishment politique ne peut ni ne veut mettre un terme.

La Déclaration d’indépendance condamne aussi le monarque britannique «de nous priver dans plusieurs cas du bénéfice de la procédure par jurés» et «de nous transporter au-delà des mers pour être jugés pour de prétendus délits».

Encore une fois, les accusations contre le roi George ont une résonance contemporaine stupéfiante, dans le contexte où le gouvernement américain a proclamé son droit à détenir indéfiniment sans procès ou sans porter d’accusations ceux qu’il décrit comme «combattants ennemis», tout en pratiquant de façon routinière les «restitutions extraordinaires», transportant outremer les supposés suspects de terrorisme, dans le cas qui nous occupe non pour y être jugés mais pour y être torturés.

Dans une chronique pénétrante publiée dans le New York Times de lundi, le professeur d’histoire du Brooklyn College, Edwin G. Burrows, attire l’attention sur le sort des colons américains emprisonnés par les Britanniques à New York City durant la révolution. Il estime que 12.000 personnes ou plus sont décédées à cause des abominables conditions de détention, entassées dans des prisons improvisées dans des bâtiments privés et publics aussi bien que dans des navires en panne dans le port de New York, où elles manquaient de nourriture, d’eau et devaient supporter des conditions sanitaires effroyables.

Il note que le traitement brutal des insurgés américains avait été justifié par la monarchie britannique sur la base qu’ils «n’étaient pas des soldats mais des "rebelles" et que les définir comme des prisonniers de guerre revenait à reconnaître de facto l’indépendance américaine».

Le sort tragique des prisonniers américains, fait-il remarquer, a donné naissance au premier traité, signé en 1785 entre les États-Unis, nouvellement indépendants, et la Prusse, décrivant le traitement humain des prisonniers de guerre, un document qui a été un précurseur des Conventions de Genève.

Le professeur Burrows conclut en notant que même si un tel traité avait été en vigueur plus tôt, il n’aurait peut-être pas sauvé les prisonniers américains. «L’Angleterre était la superpuissance mondiale de l’époque, comme les États-Unis le sont aujourd’hui, et si le roi George ne voulait pas traiter humainement les prisonniers "rebelles", seuls ses principes et sa conscience pouvaient l’en empêcher.»

L’historien n’a apparemment pas senti le besoin d’expliciter les conclusions découlant de ses remarques. Les parallèles sont trop évidents avec l’utilisation par George W. Bush du terme «combattant ennemi» pour outrepasser les Conventions de Genève, pour nier les droits les plus minimaux établis par la loi internationale pour ceux qui sont capturés lors de la «guerre mondiale à la terreur» de Washington et même pour justifier leur torture.

Les fondateurs révolutionnaires de la nation ont subséquemment énoncé les «droits inaliénables» à «la vie, la liberté et la recherche du bonheur» dans la Charte des droits, garantissant la liberté de parole, de religion, de presse et de rassemblement, la protection contre la détention sans procès ainsi que les fouilles et saisies arbitraires.

Les gangsters qui contrôlent aujourd’hui le gouvernement tentent de renverser tous ces droits démocratiques datant de plusieurs siècles : ils lancent des opérations illégales d’espionnage de masse contre pratiquement toute la population américaine et répudient entièrement le quatrième amendement de la Constitution.

L’administration a répondu à l’exposition limitée de certains de ces crimes dans les médias par une campagne d’intimidation crue, ses supporters républicains les plus importants au Congrès accusant certains quotidiens de «trahison» et demandant qu’ils soient sanctionnés selon le droit criminel. Le sinistre argument avancé est que la «guerre mondiale à la terreur» a rendu la liberté de presse – comme tant d’autres droits démocratiques associés à 1776 – impraticable.

Ce qui est en voie d’érection – sans grande opposition de la part de l’establishment politique – c’est une dictature présidentielle, libérée de tous les contre-pouvoirs que les fondateurs de la république américaine ont inscrits dans la Constitution, et en opposition directe au principe fondamental énoncé dans la Déclaration d’indépendance, à savoir que le «juste pouvoir» gouvernemental «émane du consentement des gouvernés».

Le Congrès a accompagné l’assaut mené par l’exécutif sur les droits démocratiques d’une campagne grotesque visant à amender la Constitution américaine en votant des mesures réactionnaires et antidémocratiques, comme de bannir le mariage gay ou de traiter comme un crime le fait de brûler un drapeau.

Dans une tentative de faire appel aux sentiments les plus primaires, la droite républicaine mène un assaut tous azimuts sur les fondements laïques de la révolution américaine et son affirmation de la liberté de religion et envers la religion, telle qu’incarnée dans la séparation de  l’Église et de l’État clairement énoncée dans le premier amendement. Il y a toute une série de tentatives pour donner force de loi à la bigoterie religieuse et enrayer le développement de la science dans des domaines allant de réchauffement de la planète à la recherche sur les cellules souches et le traitement des maladies transmissibles sexuellement.

La contradiction entre l’idéal démocratique de la révolution et la réalité sociale, politique et économique de la société américaine n’a jamais été si prononcée.

Ce qui sous-tend le fossé toujours grandissant entre les idéaux et la réalité c’est la polarisation sociale sans précédent entre la mince couche de l’élite financière et la classe ouvrière américaine – la grande majorité de la population. La première contrôle les deux grands partis et toutes les institutions du gouvernement, tandis que la seconde est en pratique sans la moindre représentation politique.

L’élite dirigeante de milliardaires et de multi-millionaires utilise son emprise sur le gouvernement pour répudier toute politique visant à atténuer les privations et inégalités sociales au moyen de programmes contre la pauvreté et pour la santé, l’éducation, etc. De telles mesures sont toutes rejetées comme étant des obstacles intolérables à l’accumulation sans contraintes de richesses personnelles. On dit plutôt à ceux qui font face à des catastrophes sociales de recourir aux bonnes œuvres philanthropes de milliardaires tels que Bill Gates et Warren Buffett.

Il est impossible de concilier les principes démocratiques contenus dans les documents de fondation des États-Unis avec le développement ininterrompu des inégalités sociales et économiques. Les tensions sociales sous-jacentes créées par cette polarisation doivent inévitablement prendre forme dans des luttes sociales et politiques impliquant les masses laborieuses, qui deviennent de plus en plus aliénées et hostiles envers un gouvernement qui est mené exclusivement par et pour les super-riches.

Il est approprié, en cette semaine du 4 juillet 2006, de rappeler une fois de plus l’affirmation contenue dans la Déclaration de l’indépendance concernant le droit du peuple de «changer ou abolir» tout gouvernement qui abroge ses «droits inaliénables», et de le remplacer par un nouveau système basé sur les principes «qui lui paraîtront les plus aptes à lui donner la sécurité et le bonheur».

Le Parti de l’égalité socialiste se prépare avec confiance pour le jour où les travailleurs américains exerceront ce droit universel, s’unissant aux travailleurs de par le monde dans une nouvelle révolution qui mettra fin à la guerre, à la pauvreté et à l’oppression, et érigeant une société socialiste organisée pour satisfaire les besoins de la majorité au lieu de la soif de profits d’une élite dirigeante.

(Article original anglais paru le 4 juillet 2006)


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