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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

La lutte contre la guerre exige de rompre avec le parti démocrate

L’ISO et l’impasse de la politique protestataire

Par Patrick Martin
5 juillet 2007

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Durant les sept mois écoulés depuis que le sentiment anti-guerre de masse existant aux Etats-Unis s’est exprimé dans une victoire du Parti démocrate, tant massive qu’inattendue (surtout pour les démocrates) aux élections du Congrès, Nancy Pelosi, Harry Reid et Cie ont maintes fois apporté les preuves qu’ils ne feraient rien pour arrêter effectivement le massacre en cours d’Américains et d’Irakiens. Ils ont adopté des résolutions qui n’engageaient à rien, voté des restrictions au déploiement de troupes américaines contre lesquelles Bush était sûr d’utiliser son veto, rejeté la seule méthode parlementaire sérieuse de mettre un terme à la guerre (couper les fonds) et ont finalement abandonné leurs poses anti-guerre de la façon la plus abjecte, sanctionnant une loi de financement d’urgence qui injectait cent milliards de dollars supplémentaires dans les guerres d’Irak et d’Afghanistan. 

Les six candidats à la candidature présidentielle démocrate considérés comme « majeurs », c’est-à-dire disposant d’un soutien financier important chez les riches et d’un soutien politique significatif dans l’establishment du parti et dans les médias contrôlés par le grand patronat, ont tous défendu la poursuite de l’occupation américaine de l’Irak pour un avenir indéterminé. Hillary Clinton, la favorite de cette course à la candidature a voté contre la loi de financement, mais a été nette sur le fait qu’elle avait seulement agi pour protester contre le refus de Bush de changer de tactique en Irak et que cela ne signifiait pas du tout qu’elle voulait réellement imposer une fin de la présence militaire américaine dans ce pays.  

Les démocrates « capitulent » moins devant Bush qu’ils ne jettent leur masque « anti-guerre » et montrent ce qu’ils sont en réalité : un parti de la classe dirigeante américaine qui défend les intérêts de l’impérialisme américain y compris son objectif de contrôler la richesse pétrolière de l’Irak et du Golfe Persique.

La perfidie des démocrates a provoqué colère et dégoût chez les opposants à la guerre en Irak les plus honnêtes et ayant des principes, tels que Cindy Sheehan. Après les votes de poursuite du financement de la guerre au Congrès et au Sénat, Sheehan avait publiquement démissionné du Parti démocrate, suggérant que le mouvement anti-guerre avait besoin d’une nouvelle direction politique.

Les organisations les plus engagées dans la politique protestataire et celles qui sont organiquement liées au Parti démocrate ont cependant tiré des conclusions très différentes. Elles minimisent la signification du fait que Sheehan, après deux ans de dures expériences politiques, a reconnu que le Parti démocrate n’était pas l’instrument grâce auquel un changement social progressiste pouvait être réalisé, mais qu’il était bien plutôt un des principaux obstacles à un tel changement.

Un exemple typique de ces organisations est l’ISO (International Socialist Organization) qui parraine ce week-end à Chicago une conférence qui rassemblera des centaines de jeunes gens et d’étudiants à la recherche d’une alternative au programme de guerre et de réaction sociale qui forme le consensus de l’establishment politique américain. L’ISO est incapable d’offrir une alternative réelle à ce programme : elle ne représente qu’une version aux allures un tant soit peu plus radicales de cette orientation pro démocrate qui a pendant longtemps constitué une camisole de force pour les travailleurs et les jeunes aux Etats-Unis.

L’ISO désavoue certes officiellement le Parti démocrate et le décrit de façon correcte comme l’autre pilier du grand patronat et de l’élite financière. Mais l’ISO n’en reste pas moins liée au milieu politique capitaliste de par l’ensemble de ses conceptions politiques. Sa perspective n’est pas de renverser et de remplacer la structure politique existante, et encore moins de construire un mouvement révolutionnaire qui mette fin au capitalisme américain et mondial. L’ISO n’a pas de plus haute ambition que celle de faire pression sur le Parti démocrate dans l’espoir de pousser le système politique existant vers la gauche.

Malgré toutes ses références élogieuses au socialisme et à la révolution russe, l’ISO a une perspective réformiste tout à fait explicite qu’elle expose dans son organe, Socialist Worker Online. Selon l’ISO, la guerre en Irak peut être stoppée par des protestations de masse dans la rue qui forceraient le Parti démocrate à agir pour un retrait des troupes américaines.

Socialist Worker Online exprima cette orientation vers le Parti démocrate dès le moment où les démocrates eurent regagné le contrôle du Congrès aux élections de novembre 2006. Une déclaration publiée le 17 novembre disait : « Les démocrates ne mettront pas fin à la guerre en Irak sans une considérable pression venue d’en bas. Et cela exige une vaste lutte de la base ». Un autre article publié le même jour ajoutait : « Livré à lui-même, le Congrès démocrate et encore moins la nouvelle administration Bush relookée, ne produiront de changements significatifs en Irak ou au Moyen-Orient ». La conclusion est claire : si les démocrates ne sont pas « livrés à eux-mêmes », mais sont soumis à des protestations, ils produiront « un changement significatif » et même « une fin à la guerre en Irak ».

Lorsque l’administration Bush ignora le résultat des élections et annonça une escalade de la guerre, l’ISO appela à participer massivement aux manifestations anti-guerre qui eurent lieu le 27 janvier 2007 à Washington et à San Francisco. Ces protestations, prétendit-elle seraient « un premier pas important face à l’escalade de Bush et à l’opposition confuse et contradictoire des démocrates ». 

L’ISO a maintenu cette orientation avec constance malgré les antécédents de la direction démocrate du Congrès. Le dernier éditorial de Socialist Worker Online daté du 8 juin, répète la perspective des protestations bien qu’il l’accompagne d’une critique verbale sévère des démocrates. « La spirale de crise en Irak offre aux démocrates une superbe occasion de prendre position contre la Maison-Blanche de Bush », déclare l’ISO. « Les démocrates avaient là une occasion de donner une voix à la majorité de l’opinion publique et d’accentuer la pression sur le régime de Bush. Au lieu de cela, ils se sont effondrés. »   

L’ISO note le fait incontestable que les démocrates et l’administration Bush ont un point de vue de classe commun : « Leur grande priorité est de maintenir la puissance économique politique et impériale des Etats-Unis… un retrait d’Irak serait la pire des défaites pour l’impérialisme américain ». L’éditorial conclut ainsi : « La clé d’une fin de l’occupation de l’Irak se trouve en dehors de Washington, elle réside dans le fait de se baser sur la colère vis-à-vis de l’inaction des politiciens et dans l’organisation d’une lutte anti-guerre plus grande, plus forte et encore plus déterminée ». En d’autres mots, des actions de protestations, allant peut-être jusqu'à la désobéissance civile.

L’ISO déclare qu’elle a des divergences politiques avec des tendances qui se disent pro-démocrates comme celles représentées par l’hebdomadaire The Nation et l’UJP (United for Peace and Justice). Ces divergences sont développées dans un commentaire par Sharon Smith, publié dans Socialist Worker Online du 9 février, à la suite des manifestations de Washington et de San Francisco.

Smith critique ceux dont l’orientation est de combiner les protestations de rue avec un lobbying du Congrès. « Un mouvement doit certainement chercher à faire pression sur les politiciens » écrit-elle. « La question est comment le faire efficacement. »

Elle continue en disant : « On peut avancer raisonnablement l’argument que faire du lobbying affaiblit le pouvoir potentiel de la colère protestataire. Le lobbying consiste en un difficile effort de parler à des politiciens au cours de conversations polies. La protestation, bien que tout aussi difficile, est nettement moins amicale. Occuper le bureau d’un député, ce n’est pas faire du lobbying. »

Il est clair que la dispute entre les libéraux et l’ISO est de nature purement tactique. L’un veut susurrer quelque chose à l’oreille des démocrates, l’autre veut le leur faire entendre à l’aide d’une trompe. Mais ils acceptent tous deux que les décisions qui déterminent la guerre et la paix restent dans les mains des représentants politiques de la classe capitaliste. Leur désaccord est relatif aux meilleurs moyens de faire pression sur les démocrates et de les amener à faire des concessions au sentiment populaire anti-guerre.

La perspective protestataire de l’ISO conduit celle-ci à déformer la situation politique de façon quasi hallucinatoire. Un commentaire plus récent (18 mai) de Sharon Smith imagine une « course vers la gauche » entre les démocrates et les républicains. Elle déclare : « Le pendule de la politique oscille vers la gauche à une vitesse qu’on n’a pas vu depuis les années 1960 où le sénateur Robert Kennedy, qui avait construit sa carrière politique pendant l’ère McCarthy sur la base d’un anticommunisme forcené, s’était mué, à la fin des années 1960, en candidat anti-guerre à la présidence. »

Smith met l’accent sur le prétendu changement d’attitude politique de la part d’Hillary Clinton, qui « était résolument montée sur un cheval anti-guerre » dans le premier débat démocratique de la candidature à la présidentielle. Elle en conclut : « Ceux qui recherchent le changement social ne devraient pas s’en remettre aux politiciens de l’un des deux partis, mais ils devraient en même temps reconnaître que le courant dominant de la politique se déplace vers la gauche dû à la pression venue d’en bas. Cette pression doit continuer pour que de réelles réformes puissent être obtenues. »  

Le Parti de l’égalité socialiste et le World Socialist Web Site rejettent catégoriquement toute cette orientation. Notre perspective n’est pas de pousser le Parti démocrate à gauche, activité stérile s’il en fut, mais de construire un parti politique indépendant de masse de la classe ouvrière et de se débarrasser de l’impérialisme et de la guerre.

L’ISO, malgré ses mentions occasionnelles de Lénine et Trotsky (Socialist Worker Online publie en ce moment une suite d’articles de circonstance célébrant les 90 ans de la Révolution russe) n’a rien à voir avec la perspective indépendante et révolutionnaire incarnée par ceux-ci et qui s’appuyait sur la classe ouvrière 

L’ISO dit dans le résumé de sa déclaration programmatique : « Nous soutenons des candidats véritablement de gauche et l’action politique qui favorise l’indépendance vis-à-vis du système bipartite américain dominé par les intérêts patronaux. » Ce que cela signifie dans la pratique, c’est que l’ISO s’oriente vers le Parti vert américain, qu’elle prend part aux campagnes électorales des Verts et que ses membres dirigeants se présentent aux élections sous l’étiquette du Parti vert.

Le Parti vert est un parti tiers réformiste basé sur un programme explicitement capitaliste. Il se considère comme un groupe de pression poussant le Parti démocrate vers la gauche, tout en prenant fait et cause pour des modifications du système électoral américain (représentation proportionnelle et vote de préférence) qui finirait par permettre aux Verts de jouer un rôle similaire au Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD), participer, au Congrès, au maquignonnage avec les deux principaux partis. En d’autres mots, l’objectif du Parti vert est de devenir un « joueur » dans la politique bourgeoise, un soutien de « gauche » du système existant, répandant des illusions dans la possibilité d’obtenir des réformes sociales par un mélange de politique électorale et de protestation.  

Le rôle de l’ISO et des Verts est de servir de dernière ligne de défense à la politique capitaliste. Un mouvement de masse contre la guerre et l’inégalité sociale apparaîtra inévitablement aux Etats-Unis. La tâche essentielle des marxistes n’est pas de faire de la claque pour un tel mouvement ou de le chloroformer à l’aide d’illusions quant à la possibilité de substituer la protestation à une lutte pour obtenir une transformation fondamentale de l’ordre social tout entier.

Notre tâche est de préparer la classe ouvrière aux tâches politiques qui seront celles d’un tel mouvement de masse : une rupture intransigeante non seulement d’avec les démocrates, mais aussi d’avec les groupes prétendument de gauche aux allures radicales qui se précipiteront pour combler le fossé ouvert par la fracture du monopole politique du grand patronat et pour détourner la classe ouvrière d’une lutte pour le pouvoir politique et le socialisme.

(Article original anglais paru le 16 juin 2007)

Lire aussi :

Les groupes contestataires anti-guerre américains passent sous silence la démission de Cindy Sheehan du Parti démocrate [11 juin 2007]

Résolution adoptée par la conférence d’urgence contre la guerre de l’IEES/PES
Pour la fin de l’occupation en Irak ! Non à la guerre contre l’Iran ! Pour un mouvement socialiste international contre la guerre !
[8 juin 2007]


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