wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Forum social américain à Atlanta : politique identitaire et appels aux démocrates

Par Kate Randall
21 juillet 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Du 27 juin au 1er juillet s’est déroulé le premier forum social américain à Atlanta en Géorgie, sous le mot d’ordre : « Un autre monde est possible, une autre Amérique est nécessaire ». La perspective politique qui domina l’événement, lequel a attiré environ 10.000 personnes à travers le pays, fut celle de la protestation et du repli identitaire.

La conférence d’une durée de cinq jours a démontré la connexion organique entre cette soi-disant politique « de gauche » et une orientation vers le Parti démocrate.

De nombreuses personnes parmi la foule, surtout constituée de jeunes, avaient été motivées à participer en raison de préoccupations au sujet de la guerre en Irak, du désastre de l’ouragan Katrina, des inégalités sociales, des attaques contre les immigrants, de l’injustice raciale et de la brutalité du système carcéral.

Toutefois, sous le prétexte d’offrir une approche « à la base », les organisateurs n’ont offert aucune analyse sérieuse des causes de la guerre en Irak ou de la crise sociale aux Etats-Unis et ont tenté de canaliser l’opposition à l’administration Bush derrière les démocrates.

La perspective politique réformiste des organisateurs du forum social américain fut démontrée par la liste de 35 organisations qui faisaient partie du comité organisateur national, y compris des groupes comme le Comité d’entraide de la Société des Amis américains (Quaker) et le Centre pour la justice sociale, de tendance libérale.

Les syndicats et la bureaucratie ouvrière furent aussi très bien représentés dans les comités de planification du forum, parmi lesquels se trouvaient le Syndicat international des employés des services (SEIU), le Comité d’organisation des travailleurs agricoles (FLOC) de l’AFL-CIO, le Conseil du travail d’Atlanta et les Travailleurs en communications d’Amérique.

Parmi les commanditaires du forum se trouvaient l’Organisation nationale des femmes, Amnistie internationale, l’AFL-CIO, le syndicat UNITE HERE et une vingtaine de fondations caritatives privées, dont un grand nombre disposant de plusieurs millions de dollars.

Le forum social américain est une ramification du forum social mondial, qui fut lancé en 2001 à Porto Alegre au Brésil, sous les auspices du Parti des travailleurs brésilien, dirigé par l’actuel président du Brésil, Luiz Lula da Silva. Le forum social mondial fut grandement influencé par le mouvement français Attac à la suite des manifestations anti-mondialisation contre l’Organisation mondiale du commerce à Seattle, Washington, en 1999.

Depuis 2001, une série d’événements régionaux, dont le forum social européen, le forum social asiatique et le forum social méditerranéen, ainsi que divers forums locaux et nationaux, se sont déroulés. Tous ces événements ont défendu un type d’« activisme social » qui prétend être « au-dessus de la politique », bien qu’il encourage en fait un programme réformiste qui ne s’oppose pas au système capitaliste.

L’événement d’Atlanta a poursuivi cette tradition. Toutes les formes de politique identitaire — les nationalismes noirs, latinos et autochtones, le féminisme et les droits homosexuels et transsexuels — furent défendues. Ces questions furent discutées amplement à travers un réseau étourdissant d’ateliers, dans lesquels des propositions de manifestations et d’« organisation » étaient formulées.

Cependant, la ligne politique centrale du forum fut énoncée le plus clairement lors des séances plénières en soirée. Ces séances portèrent sur les questions de l’ouragan Katrina, de l’impérialisme américain et de la guerre, des droits des autochtones, des genres et de la sexualité ainsi que des droits des travailleurs.

La première soirée de ces séances plénières instaura le cadre politique dans lequel allaient évoluer les autres séances et ateliers. A la séance sur « La reconstruction de la côte du golfe du Mexique après Katrina : défis, visions et stratégies », une politique raciale, en opposition à une perspective de classe et socialiste, fut ouvertement défendue.

La perspective mise de l’avant lors de la séance sur l’ouragan Katrina fut énoncée dans la description du programme de cette séance distribué aux participants, où l’on pouvait lire ce qui suit : « La destruction de la Nouvelle-Orléans et de la côte du golfe du Mexique à la suite des ouragans Katrina et Rita a levé le voile sur les forces historiques que sont le génocide, l’esclavage, le militarisme, ainsi que l’exploitation, la suprématie blanche et le sexisme. »

Cette représentation du désastre masque les questions fondamentales de classe à la base de ce désastre et la réaction de l’administration Bush. Katrina a surtout mis à nu les divisions de classe qui dominent la société américaine. L’incompétence et l’indifférence démontrées par le gouvernement ont présenté sous une forme condensée la perspective d’une élite dirigeante qui pille la société depuis des décennies afin d’enrichir davantage une aristocratie financière. L’absence scandaleuse de préparation et de protection adéquate contre un ouragan d’importance dans une région reconnue comme étant très vulnérable était le produit d’un détournement de la richesse sociale visant à accroître énormément la richesse personnelle des couches les plus privilégiées, au détriment des infrastructures de base et des besoins sociaux.

Au même moment, sous les auspices de la « Gulf Opportunity Zone » (Zone d’opportunité du golfe), le désastre fut exploité et la région rendue disponible comme source de profits.

A la séance sur Katrina, de nombreux membres de l’audience, résidents de la côte du golfe du Mexique, ont exprimé leur immense colère face à l’administration Bush et la FEMA (Agence fédérale de gestion des crises). Les victimes de Katrina ont parlé avec émotion de la lutte pour retourner à la Nouvelle-Orléans, pour reconstruire leurs maisons, trouver des emplois et s’occuper de leurs familles dans cette économie dévastée.

Certains décrivirent comment on interdit à des résidents de retourner à leur maison, comment on laissa des prisonniers mourir noyés, et comment les logements, les transports et les infrastructures de base étaient encore dévastés deux ans après la catastrophe. Des Latinos décrivirent comment ils avaient été amenés dans la région, pratiquement comme des esclaves, pour travailler à la reconstruction.

Les expériences évoquées par ceux qui ont vécu directement l’ouragan et ses conséquences ont souligné l’élément central du désastre Katrina : la mise à nu de la profonde division de classe aux Etats-Unis. Cependant, ceux qui se sont adressés à la foule de la tribune ont insisté que Katrina n’était qu’une question de race, pas de classe.

Viola François Washington, du Fond populaire d’aide aux victimes d’ouragan, s’est opposée le plus directement à une analyse de classe. Elle mentionna l’horrible traitement qu’avaient reçus les résidents d’un quartier noir pauvre — par opposition au meilleur traitement des résidents d’un quartier blanc plus riche — et déclara : « Ce n’est pas une question de classe, c’est une question de racisme. »

La fonction essentielle de ce type de politique raciale est d’empêcher le développement de la conscience socialiste dans la classe ouvrière. Cela sert donc à renforcer l’idéologie bourgeoise et, en termes politiques objectifs, défendre l’ordre capitaliste.

Au cours de la même soirée, la deuxième séance plénière intitulée : « L’impérialisme, la guerre, le militarisme et les prisons aux Etats-Unis : Vers des Etats-Unis oeuvrant pour la paix et la justice économique et environnementale » a illustré les implications politiques de la défense d’une politique raciale et identitaire, à savoir une orientation vers le Parti démocrate.

Judith LeBlanc de la coalition anti-guerre Unis pour la paix et la justice (UFPJ) a prononcé un discours qui présentait essentiellement un programme politique. LeBlanc, membre du Parti communiste, s’était aussi exprimée devant l’Assemblée nationale de l’UFPJ entre le 22 et le 24 juin à Chicago.

Lors de son discours à Atlanta, LeBlanc déclara : « Nous avons fort à faire pour faire réagir les 70 pour cent de gens qui sont d’accord avec nous sur la question de la guerre, pour faire réagir ces 70 pour cent contre les mensonges de la droite sur la guerre au terrorisme. Ce qui est nécessaire pour le mouvement anti-guerre d’aujourd’hui est de devenir un mouvement stratégique pour mettre fin à la politique droitière de la guerre préemptive sans fin. »

Elle demanda « Comme pouvons-nous éveiller, mobiliser et organiser ces 70 pour cent ? Ce dilemme est vieux comme le monde. Durant des décennies nous avons fait face à ce dilemme consistant à organiser la juste réaction du peuple à l’oppression en un mouvement politique pour forcer un changement fondamental. »

LeBlanc énonça ensuite sa proposition pour résoudre ce dilemme. « Notre défi est de collaborer avec des gens avec qui nous ne sommes peut-être d’accord que sur la question de la guerre », déclara-t-elle. Elle précisa par ensuite qui étaient ces « gens » : les démocrates au Congrès et les groupes « de gauche » qui oeuvrent à l’intérieur et autour du Parti démocrate.

Elle fit remarquer que la Conférence des maires américains et la Fédération américaine des salariés des États, comtés et municipalités (AFSCME) avaient présenté des résolutions appelant au retrait des troupes américaines d’Irak. « Des pressions du monde ouvrier et de la communauté s’organisent », soutint-elle.

Mais elle réserva ses plus vifs éloges à des sections du Parti démocrate. « Nous avons un long chemin à faire au Congrès avant l’affrontement final avec Bush », a-t-elle affirmé. « Cela fait une grosse différence qui représente nos communautés et qui réside à la Maison-Blanche. »

Elle présenta ensuite le « Caucus pour un retrait d’Irak », formé à la Chambre des représentants par le Parti démocrate, comme le champion de la cause anti-guerre et anti-Bush. « Qui s’est opposé le premier et le plus énergiquement à la guerre au Congrès? Ce sont les femmes et les femmes de couleur :  Lynn Woolsey, Barbara Lee, Maxine Waters. Elles luttent pour nous maintenant, nous devons donc lutter pour que chaque candidat, à tous les niveaux, prenne position. Ils ne le feront peut-être pas parce qu’ils pensent au fond d’eux que c’est la bonne chose à faire, mais parce que nous les avons à l’oeil, parce que nous faisons de la fine stratégie. »

Cela impliquait clairement qu’il fallait mobiliser toutes les énergies et toutes les ressources pour chasser les républicains à l’élection présidentielle de 2008 et élire un démocrate.

En fait, le « Caucus pour un retrait d’Irak » a joué un rôle clé pour faciliter les objectifs de guerre de l’administration Bush. Certains de ses membres dirigeants ont voté en mai pour approuver des crédits de guerre supplémentaires et abandonner tout échéancier de retrait des troupes américaines d’Irak. Leur opposition à la guerre a toujours été combinée à des appels de « soutien à nos troupes » et à l’affirmation que la poursuite de l’occupation de l’Irak drainait les fonds pour la « guerre à la terreur », qu’ils soutiennent. Ils ont suggéré à diverses occasions qu’une réduction des troupes américaines en Irak pourrait ouvrir la voie à un plus grand déploiement militaire en Afghanistan.

Le message livré par LeBlanc ne saurait être plus clair : la lutte pour mettre fin à la guerre en Irak doit s’adresser au Parti démocrate, un parti de l’impérialisme américain qui est entièrement complice de l’agression militaire américaine en Irak et ailleurs.

Lors de la dernière séance plénière du forum social, portant sur « Les droits des travailleurs dans l’économie mondiale », qui s’est penchée sur « l’impact de la mondialisation néolibérale », il fut proposé que les travailleurs américains pourraient obtenir justice par « de nouvelles méthodes d’organisation, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du mouvement syndical ». Cela impliquait la possibilité d’y parvenir sans défier le système de profit. 

Dans plusieurs des autres séances plénières et ateliers, des représentants syndicaux ont préconisé une approche nationaliste. Stewart Acuff, organisateur en chef à l’AFL-CIO, était sur le tribune lors de la séance sur « Les droits des travailleurs », en compagnie de Laphonza Butler,  représentante de gardes de sécurité et impliquée dans la campagne « Pour la sécurité » du SEIU.

Bien que le Parti démocrate n’était pas ouvertement représenté au forum social américain, la bureaucratie syndicale et le parti communiste étaient présents pour défendre la notion que l’élection d’un démocrate en 2008 était la question la plus importante posée aux travailleurs et aux jeunes.


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés