L’armée américaine a de nouveau intenté un procès au lieutenant
Ehren Watada le 23 février, ouvrant ainsi la voie à une deuxième comparution
devant une cour martiale en mars. La première comparution s’était achevée
le 7 février après que le juge militaire présidant la cour martiale ait déclaré
que le procès était annulé pour vice de forme suite à un accord négocié entre
le procureur et la défense avant le procès.
Watada, qui est attaché à la base Fort Lewis aux environs de
Seattle dans l’Etat de Washington, doit répondre de nouveau à
l’accusation d’avoir refusé de rejoindre son unité de combat, la Striker
Brigade, en Irak. Watada risque six années de prison s’il était déclaré
coupable.
Son refus se base sur le fait que la guerre est illégale et
non autorisée et, donc, que sa participation ferait de lui un complice pour
crimes de guerre en vertu des principes de Nuremberg et de la Constitution
américaine.
De plus, Watada doit répondre de quatre accusations
supplémentaires de conduite indigne d’un officier, qui ont été portées contre
lui après qu’il ait publiquement expliqué pourquoi il s’opposait à
la guerre. Deux de ces accusations ont été retirées durant les procédures
d’avant-procès après que Watada ait accepté de signer une déclaration
dans laquelle il reconnaissait avoir refusé de prendre l’avion pour
l’Irak et avoir donné des interviews dans lesquelles il remettait en question
la légalité de la guerre.
Le juge militaire lieutenant-colonel John Head a rendu sa
décision d’annuler le procès sur la question des documents signés par Watada,
le jour où ce dernier devait témoigner devant la cour martiale. Head a insisté sur
le fait qu’en signant ces déclarations, Watada avait sans le vouloir reconnu
sa culpabilité.
La défense a maintenu que les déclarations qu’il avait
signées signifiaient seulement que Watada considérait que la guerre était illégale
et que son geste était nécessaire, et non pas qu’il avait commis des délits
méritant une sanction. Watada a affirmé avec régularité que son devoir en vertu
de son serment à l’armée était de refuser d’obéir à des ordres
illégaux. L’armée américaine a rejeté toutes les motions de la défense visant
à introduire la question de la légalité de la guerre.
La défense soutient aussi que les déclarations publiques de Watada
ne constituaient pas un comportement indigne, car elles ne correspondaient pas
à cette description dans le Code uniforme de justice militaire :
« malhonnêteté, activités déloyales, attentat à la pudeur, manquement aux
usages, non-respect des lois, injustice, ou cruauté ». Au contraire,
soutient la défense, les critiques de Watada envers la guerre et
l’administration Bush sont protégées par le premier amendement.
Watada est le premier officier à passer en cour martiale pour
son opposition à la guerre en Irak et les poursuites contre lui sont
d’une extrême importance pour l’armée. L’état-major sait que
la résistance de Watada exprime le développement de l’opposition à la
guerre parmi la population civile et les soldats, et son procès doit servir
d’exemple.
En réalité, Watada avait tenté de démissionner en janvier
2006, ce qui lui avait été refusé. L’armée lui avait alors donné un ultimatum :
être déployé ou comparaître devant la cour martiale. La réaction de Watada avait
été d’envoyer une lettre expliquant les raisons de son opposition à son
déploiement, quelle que soit la sanction encourue. « Je crois tellement en
cette cause que je suis prêt à croupir en prison ou à mourir pour la défendre »,
avait-il écrit. « J’accepterais toute sanction, la conscience en
paix, sachant que la voie la plus facile et la plus sûre aurait été de servir
mon année en Irak. »
Les déclarations publiques de Watada ont, au cours de la
dernière année, suscité une puissante réaction dans la population et parmi les
groupes de vétérans. Le Bureau des Affaires publiques de Fort Lewis a publié un
formulaire d’accusation (en anglais) décrivant les
déclarations se rapportant à son procès.
Parmi les déclarations qui pourraient le faire incarcérer se
trouve la déclaration publique suivante faite en juin dernier, qualifiée de
déshonorable et « scandaleuse » par les supérieurs de Watada :
« En tant qu’officier des Forces armées, j’en suis arrivé à la
conclusion que la guerre en Irak n’est pas seulement une erreur sur le
plan moral, mais qu’elle est aussi une horrible violation du droit
américain... Comme l’ordre de prendre part à un acte illégal est en
dernière analyse illégal aussi, je dois en tant qu’officier
d’honneur et d’intégrité refuser cet ordre... Le massacre et le
mauvais traitement des Irakiens ne sont pas seulement une terrible injustice
morale, mais ils représentent une contradiction à la loi même de l’armée sur
la guerre. En participant, je serais complice de crimes de guerre. »
Depuis l’annulation du procès pour vice de forme, la
défense remet en question la constitutionnalité des nouvelles procédures de la
cour martiale. L’avocat de Watada, Eric Seitz, a déclaré à la presse que
ce nouveau procès était une violation de la clause du double risque de
condamnation qui interdit d’être jugé deux fois sous les mêmes
accusations.
Le porte-parole de Fort Lewis, Leslie Kaye, cité dans le
journal Olympian, a annoncé le nouveau procès en rejetant les
préoccupations de double condamnation. Cette protection ne s’applique pas
parce que la première cour martiale n’a pas rendu un « jugement
final, dit-elle. Nous revenons à la case départ … L’armée, ou
le gouvernement, a le pouvoir de rejuger cette affaire, et c’est ce
qu’il a fait aujourd’hui. »
Les officiers militaires font tout pour que le nouveau procès
se tienne dans un délai d’un mois, bien que les avocats de la défense et
de l’accusation ne soient disponibles avant cet été. Il est clair que l’armée
fait tout pour obtenir le verdict le plus sévère possible le plus rapidement
possible.
Seitz a dit à la presse qu’il n’avait pas été
informé de la décision de l’armée avant qu’elle ne soit
publiquement annoncée. « Lorsque les choses vont mal pour vous, vous ne
pouvez pas tout simplement demander l’annulation du procès et tout
recommencer, » a-t-il dit à l’Associated Press. « Ils ont
beau prétendre vouloir protéger les droits de mon client, ça n’existe
tout simplement pas dans les cours martiales. »
La défense a l’intention de demander une audition à Fort
Lewis pour monter un dossier sur la protection contre la double condamnation. Seitz
a déclaré au Seattle Times que si cela échouait l’affaire irait en
appel d’abord devant les tribunaux militaires et ensuite en cour
fédérale.
Le personnel militaire a le droit de refuser d’obéir à
un ordre pour des raisons de conscience et de conviction en vertu des
protections internationales des droits de l’Homme. En tant que guerre
d’agression, la guerre en Irak est en violation des principes de
Nuremberg, qui établissent : « Le fait qu’une personne agisse
suivant les ordres de son gouvernement ou d’un supérieur ne
l’exonère pas de sa responsabilité en regard du droit international, dans
la mesure où un choix moral était en fait possible pour lui. »
La Déclaration Universelle des droits de l’Homme (DUDH)
et la Convention internationale des droits civils et politiques élabore plus
avant sur les droits des citoyens – civils ou militaires – de
refuser de suivre un ordre ou une loi illégale ou immorale.
Si Watada est déclaré coupable, il sera considéré par Amnesty
international comme un prisonnier de conscience détenu dans une prison américaine
en violation du droit international. Le World Socialist Web Site
s’oppose à sa mise en accusation et encourage la population américaine et
internationale à lui accorder son soutien.