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Québec: un projet de loi du PQ vise à restreindre les droits des non
francophones
Par Guy Charron
7 novembre 2007
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Le
Parti québécois (PQ) a lancé une campagne visant à restreindre les droits
politiques des citoyens canadiens nés hors du Québec s’ils ne
démontrent pas « une connaissance appropriée de la langue
française ».
Dans un
projet de loi déposé à l’Assemblée nationale par la nouvelle dirigeante
du PQ, Pauline Marois, le parti souverainiste propose l’établissement
d’une citoyenneté québécoise. Bien qu’elle serait attribuée au
départ à toute personne qui serait citoyen canadien et résident du Québec au
moment de l’entrée en vigueur de la dite loi, seules les personnes nées
au Québec ou de parents québécois seraient par la suite considérés de fait
comme étant citoyens québécois. Tout nouveau citoyen canadien né à
l’extérieur du Québec — ailleurs au Canada ou dans un autre pays
— devrait passer un test de connaissance du français. En cas
d’échec, il n’aurait pas droit à la citoyenneté québécoise et ne
pourrait pas être candidat lors d’élections municipales, scolaires et
législatives, ni participer au financement public des partis politiques, ni
adresser des pétitions à l’Assemblée nationale.
Ce
projet de loi met à nu la nature réactionnaire du débat qui fait actuellement
rage dans l’establishment médiatique et politique du Québec concernant
les accommodements supposément excessifs accordés aux immigrants. Sous le
couvert de la défense de la laïcité et de l’égalité entre les hommes et
les femmes, les élites québécoises soufflent sur les flammes du préjugé
anti-musulman et du chauvinisme francophone. Le projet de loi 195 déposé par
Marois ne sera pas la dernière mesure à découler de ce débat aux relents xénophobes
qui se fait au nom de la défense des « valeurs québécoises ».
La
réponse au projet du PQ révèle l’absence générale parmi l’élite
dirigeante de tout attachement sérieux à la défense des droits
démocratiques.
Le chef
de l’opposition officielle Mario Dumont — qui a exploité
l’aliénation populaire envers les partis de l’establishment en se
posant en défenseur des Québécois « de souche »et en adoptant un
discours anti-immigrants musclé — a montré son accord de fond avec
Marois en limitant sa critique au fait que le projet de loi péquiste était
« mal ficelé ».
Quant
au premier ministre libéral du Québec, Jean Charest, il a dénoncé en paroles
« un projet de loi qui propose d’établir deux classes de
citoyens ». Mais son gouvernement met lui-même de l’avant sa
propre politique discriminatoire envers les minorités culturelles, que le
premier ministre justifie en affirmant que les accommodements viennent
« heurter une certaine idée de la vie au Québec ».
Charest
a annoncé par exemple une loi qui interdirait aux femmes voilées de voter
– mesure touchant tout au plus quelques dizaines de femmes au Québec
– sous le prétexte qu’une identification visuelle était
nécessaire, tout en passant sous silence la pratique répandue du vote
anticipé par courrier. Charest a également mis sur pied la commission
Bouchard-Taylor sur les accommodements, dont les travaux servent à légitimer
la montée de l’intolérance envers les minorités religieuses en général
et musulmanes en particulier. Sans même attendre les conclusions de sa propre
commission, Charest s’est engagé à amender la Charte québécoise des
droits et libertés pour limiter un principe démocratique aussi fondamental
que la liberté de religion.
Le
projet de loi de Marois va d’ailleurs dans le même sens en exigeant que
la Charte soit interprétée et appliquée en tenant « compte du patrimoine
historique et des valeurs fondamentales de la nation québécoise »,
définis comme étant la prédominance de la langue française, l’égalité
entre les femmes et les hommes et la laïcité des institutions publiques.
En
recourant au chauvinisme québécois, Marois espère stopper le mouvement de
désaffection envers le PQ et trouver une base sociale pour le virage encore
plus à droite que la grande entreprise réclame à ce parti.
Lors
des dernières élections, le PQ, un parti qui a formé le gouvernement
provincial pour un total de 18 ans depuis 1976, perdait le titre
d’opposition officielle pour devenir un tiers parti. En 2003, il avait
perdu le pouvoir en même temps qu’environ 20 pour cent de ses voix.
Lors des dernières élections de 2007, il a perdu 10 pour cent supplémentaires
de ses appuis électoraux et a dû céder le rôle d’opposition officielle
à l’Action démocratique du Québec, un parti populiste de droite.
C’est
suite à cette débâcle que le précédent chef du PQ, André Boisclair, a été
forcé de démissionner pour être remplacé le 27 juin par Marois, élue sans
opposition au poste de chef du PQ.
La
dernière fois où il a été au pouvoir, de 1994 à 2003, le PQ a formé sous la
gouverne notamment de l’ancien ministre conservateur Lucien Bouchard,
l’un des gouvernements les plus à droite qu’ait connu le Canada
depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Marois,
comme les précédents chefs du PQ, Lucien Bouchard, Bernard Landry et André
Boisclair, a été intimement liée à l’assaut tous azimuts du PQ contre
les programmes sociaux et les services publics. Elle fut un des principaux
piliers du gouvernement, occupant tous les ministères d’envergure tels
que les finances, l’éducation et la santé.
Dans la
deuxième moitié des années 90, le PQ a fermé une dizaine d’hôpitaux,
éliminé des dizaines de milliers d’emplois du secteur public et attaqué
de plein fouet les assistés sociaux en coupant dans les prestations et en
resserrant les critères d’admissibilité.
Les
élites québécoises avaient applaudi à ces mesures, surtout que le PQ avait pu
compter sur la bureaucratie syndicale pour étouffer l’opposition de la
classe ouvrière. En fait, ce sont les dirigeants syndicaux eux-mêmes qui
avaient insisté pour que le gouvernement péquiste utilise le surplus de la
caisse de retraite pour éliminer des dizaines de milliers d’emplois
dans le secteur public. Ils portent avec le PQ la responsabilité de cet
assaut en règle contre les acquis des travailleurs.
Ces
brutales mesures de droite ont mené à l’érosion de la base électorale
du PQ, dont le programme socio-économique pro-patronal est fondamentalement
pareil à celui des libéraux de Charest ou de l’ADQ de Dumont. Le PQ se
sent de plus menacé par l’ADQ sur le seul terrain qui lui reste pour se
différencier des autres formations politiques de la grande entreprise, le
terrain du nationalisme et du chauvinisme québécois. Comme l’a déclaré
Marois : « Cette fois, nous ne nous laisserons pas doubler [sur la
question identitaire], cette fois-ci, nous allons reprendre
l’initiative ».
Tout de
suite après la raclée qu’a subie le PQ aux élections de 2007, plusieurs
voix s’étaient élevées au sein du parti pour dénoncer le fait que le PQ
avait abandonné le « discours identitaire » à Mario Dumont.
Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre), une faction
politique représentant la bureaucratie syndicale et reconnue officiellement au
sein du PQ, a été parmi les défenseurs les plus militants de cette
conception.
Depuis
son arrivée à la tête du PQ, Marois a réhabilité le « nous » pour
parler des Québécois francophones qui peuvent faire remonter leurs origines
aux quelques milliers de colons français arrivés en Amérique du Nord avant
1750. C’est ce même « nous » qui avait provoqué un tollé en
1995 lorsque le chef du PQ à cette époque, Jacques Parizeau, l’avait
utilisé dans son discours de défaite référendaire, ce qui avait accéléré sa
démission.
Avec ce
virage ouvert vers le chauvinisme, Pauline Maurois enterre définitivement les
prétentions du PQ à être porteur d’un « projet de société »favorable
aux gens ordinaires.
Dans
ses premières années, le PQ avait cherché à vendre son projet d’indépendance
du Québec comme un projet progressiste qui permettrait le développement
d’une société plus égalitaire et plus juste, tout en rassurant les
grandes entreprises qu’elles auraient de meilleures conditions dans le
cadre d’un Québec indépendant. Quarante années plus tard, le PQ ne
cherche plus à présenter l’indépendance du Québec comme un projet
d’amélioration des conditions de vie des travailleurs.
Lors de
son premier discours en tant que chef du PQ, Marois avait annoncé le virage à
droite qu’elle voulait imprimer au PQ : « Nous devons
accepter de nous ouvrir à des formes nouvelles et audacieuses de
collaboration entre le secteur privé, le secteur communautaire et le secteur
public », ajoutant qu’il fallait cesser d’avoir « peur
de la richesse ».
Il « fallait
cesser d’avoir peur... d’avoir l’air intolérants,... peur
des avenues sur lesquelles nous ne nous sommes jamais engagés,... peur de
parler de mémoire, d’histoire, de peuple, d’identité, de
culture. »
Depuis
son arrivée à la tête du PQ, ce parti a jeté aux orties sa position
traditionnelle de soutien pour le gel des droits de scolarité
post-secondaires et a accepté le virage vers la privatisation du système de
santé. Le PQ a aussi voté en faveur du budget du gouvernement minoritaire
libéral de Jean Charest qui comprimait les programmes sociaux pour diminuer
les impôts.
La
bureaucratie syndicale, un des principaux piliers du PQ, s’est
essentiellement rangée derrière Marois et son projet de loi.
« Sur
la question identitaire et la question nationale, le chef a donné une
nouvelle impulsion au parti », déclarait le président du SPQ libre, Marc
Laviolette à l’annonce du projet de loi.
Les
dirigeants des grandes centrales syndicales se sont limités à critiquer le
projet de loi sur des questions de détail et en ont accepté les principes de
base. Henri Massé de la FTQ a déclaré que « Ce qui me chatouille un peu
dans ce projet de loi-là, c’est qu’on ramasse le monde du reste
du Canada, on le met dans la même situation » que les immigrants. La
présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, a dit de son côté que la loi
proposée par le PQ serait justifiée si le Québec était une « société
normale », c’est-à-dire un pays indépendant.
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