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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Québec : des étudiants sortent en grève contre la hausse des frais de scolarité

Par Louis Girard et Richard Dufour
15 novembre 2007

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Cinq facultés de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) regroupant 18.000 étudiants — près de la moitié de la population étudiante de l’université — sont en grève cette semaine.

En Arts, le débrayage est en vigueur depuis le 7 novembre et doit se poursuivre jusqu’au 19 novembre. En Science politique et droit, en Sciences et en Communication, la grève est prévue pour la période du 12 au 16 novembre. En Sciences humaines, elle est en vigueur depuis le 6 novembre pour un temps illimité.

La grève est en partie une réponse à la grave crise financière de l’UQAM et aux intenses pressions gouvernementales pour que ce soient les étudiants, les professeurs et le personnel de soutien qui en paient le prix. Au coeur de cette crise se trouve le sous-financement chronique dont souffre l’UQAM, autant que les autres universités du Québec.

Comme l’explique le professeur Eric Pineault de l’UQAM : «  A partir de 1996-97, les revenus perçus par l’UQAM, essentiellement sous la forme de subventions, n’ont plus couvert adéquatement ses coûts de fonctionnement. » En 1995, le gouvernement fédéral a mis la hache dans les transferts sociaux aux provinces afin d’équilibrer son budget. Le Québec, sous un gouvernement du Parti québécois dirigé par le très conservateur Lucien Bouchard, a adopté une politique similaire au nom du déficit zéro en 1996. «  C’est dans ce contexte, continue Pineault, que les revenus de l’UQAM ont diminué et que les déficits courants ont explosé. »

Un facteur additionnel des troubles financiers de l’UQAM, note Pineault, a été sa participation au projet immobilier de l’îlot Voyageur, «  un projet en mode PPP [partenariat public-privé] ... dont le contrat est conçu pour garantir les revenus du partenaire privé, Busac, en transférant tous les risques au partenaire public, l’UQAM. »

Une des principales revendications des étudiants en grève, telle qu’exprimée dans la résolution adoptée par l’association des sciences humaines, est que «  soient clairement exclus du plan de redressement de l’UQAM des solutions comme des augmentations de frais payés par les étudiants et les étudiantes, des baisses de salaires, des coupures de programmes ou de services ».

Mais la lutte déclenchée par des milliers d’étudiants à l’UQAM n’a pas pour seul enjeu les conditions particulières qui règnent à cette institution. Elle est dirigée plus fondamentalement contre l’assaut tous azimuts lancé par la classe dirigeante sur l’éducation et l’ensemble des programmes sociaux. C’est ce qui explique les fortes tensions qu’elle occasionne déjà.

Une trentaine de policiers ont cherché lundi à intimider des étudiants qui avaient entamé un sit-in devant un local où se trouvait Claude Corbo, unique candidat au rectorat de l’UQAM et fervent partisan du plan de redressement. Les flics ont escorté Corbo à l’extérieur dans un geste provocateur donnant lieu à des altercations avec les étudiants, qui se sont soldées par trois arrestations et des actes de brutalité policière.

L'escouade anti-émeute est intervenue de nouveau quelques heures plus tard pour déloger une centaine de manifestants qui s’étaient barricadés au deuxième étage du pavillon Hubert-Aquin avec l’intention d’y passer la nuit. Comme le note le site internet des étudiants en grève : «  L’occupation ... ne concernait qu’un espace modeste de l’université (...). Les activités qui s’y sont tenues n’ont pas compris de casse ou de geste qui mettraient en péril la sécurité des personnes présentes à l’UQAM. Pourtant, l’occupation a été écrasée dans une répression démesurée. »

La grève partielle déclenchée à l’UQAM ne concerne pas seulement le plan de redressement. «  [O]n débraie également contre l’augmentation des droits de scolarité », a expliqué Christian Dumont, de l’association en Sciences politiques et droit. Le porte-parole étudiant a pointé du doigt les frais dits afférents — notes de cours, casiers, informatique, etc. — qui ont augmenté de 300 pour cent depuis 1993 dans le réseau des universités du Québec, ce qui voudra dire cette année $112 de plus en moyenne sur la facture refilée à chaque étudiant.

Une attaque encore plus directe sur les étudiants a été annoncée en juin dernier par le gouvernement du Québec, qui va faire sauter le plafond sur les frais de scolarité ayant permis jusqu’ici de les maintenir à un niveau plus bas au Québec que dans les autres provinces canadiennes.

Le gouvernement libéral de Jean Charest va augmenter les frais de scolarité universitaires de $100 par année pour chacune des cinq prochaines années, soit une hausse totale de 30 à 40 pour cent. De plus, avec le dégel des frais de scolarité, la voie est grande ouverte pour une augmentation encore plus drastique dans les années subséquentes.

Les hausses de frais condamnent les étudiants à une situation précaire. L’accès aux études supérieures est de plus en plus difficile pour les jeunes de la classe ouvrière. Ceux qui y parviennent doivent travailler pendant leurs études dans des emplois à bas salaires ou recourir à des prêts et se retrouver endettés jusqu’au cou.

Les mesures draconiennes annoncées par Charest font partie de l’offensive frontale lancée par les différents gouvernements de la grande entreprise contre les étudiants et la population laborieuse. Depuis 1996, le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral du Québec ont coupé 300 millions de dollars dans le régime des prêts et bourses. Le PQ, à lui seul, est responsable de coupures budgétaires en éducation s’élevant à $1,9 milliard. Après avoir essayé en 1996 de dégeler les frais de scolarité, le PQ soutient aujourd’hui le dégel annoncé par les libéraux.

Les intérêts de classe qui sous-tendent la ligne dure exigée par la classe dirigeante ont été exprimés par le principal quotidien de l’establishment québécois, La Presse, dans un éditorial publié le 26 octobre. «  Devant un gouvernement qui ... se tient debout », a écrit son rédacteur en chef, André Pratte, «  les étudiants n’ont pas le gros bout du bâton. »

Pratte est co-signataire, avec l’ancien premier ministre péquiste Lucien Bouchard, d’un «  manifeste pour un Québec lucide » qui préconise des mesures radicales de droite, telles que la réduction de l’impôt sur le revenu et l’augmentation des taxes à la consommation, une extension des privatisations et des partenariats publics-privés, et la hausse drastique des tarifs d’électricité résidentiels. L’augmentation des frais de scolarité universitaires en fait également partie.

C’est précisément en opposition à un tel programme, incarné aujourd’hui par le gouvernement libéral de Jean Charest et ses plans de «  réingénierie de l’Etat », que les travailleurs québécois sont sortis massivement dans les rues à la fin de 2003. Si le gouvernement Charest a pu alors survivre politiquement, c'est grâce à l’intervention de la bureaucratie syndicale, qui s’est empressée de mettre un terme à ce mouvement par de vagues promesses de grève générale qu’elle a ensuite rapidement enterrées.

Pratte se réjouit dans l’éditorial cité plus haut du fait que «  La hausse des droits décrétée par le gouvernement » serait «  passée comme du beurre dans la poêle ». En réalité, cette mesure suscite une profonde colère dans les rangs étudiants. Même si une association étudiante conservatrice comme la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec) s’est montrée prête à céder aux demandes du gouverment en déclarant vouloir «  trouver une alternative au gel », des votes de grève générale contre le dégel des frais de scolarité ont récolté 16.000 voix dans plusieurs établissements post-secondaires du Québec, dans le cadre d’une campagne qui devrait se poursuivre la session prochaine.

La question clé, toutefois, demeure celle de la perspective politique qui doit animer la lutte des étudiants. Il faut tirer les leçons de la puissante grève étudiante du printemps 2005. Celle-ci s’inscrivait dans le cadre de l’intense opposition populaire au programme de droite préconisé par Pratte, Bouchard et cie, et que le gouvernement Charest cherchait et cherche encore à mettre en pratique. A cette occasion, les centrales syndicales se sont de nouveau rangées du côté du gouvernement lorsque le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Henri Massé, a appelé les étudiants à faire des «  compromis ».

Cet acte de sabotage a été facilité par la politique de protestation défendue par l’assocation étudiante militante qui menait la grève, la CASSÉÉ. Sa perspective d'un «  syndicalisme de combat » s'est traduite par une concencration exclusive sur l'élément déclencheur du mouvement de  grève — une coupure de $103 millions dans le régime de bourses — sans faire le lien avec l'assaut général sur les programmes sociaux et la nécessité d'une lutte politique contre la guerre de classe menée par toute l'élite dirigeante.

Alors que les étudiants commencent de nouveau à se dresser contre les mesures de libre-marché et de démolition sociale de la classe dirigeante, il est crucial de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’en 2005. La lutte contre le dégel des frais de scolarité ne doit pas se limiter à un mouvement de protestation centré sur cette seule question. Elle doit être élargie à un appel large aux vastes couches de la population laborieuse également touchées par l’assaut patronal sur les programmes sociaux, les salaires et les emplois. A la subordination de l’économie aux profits d’une minorité, il faut opposer la lutte pour réorganiser la société afin de satisfaire les besoins sociaux de la majorité et établir l’égalité sociale.


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