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France: La grève dans les transports paralyse le pays

Par Antoine Lerougetel
20 octobre 2007

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Les travailleurs des transports en grève pour la défense de leur retraite ont quasiment paralysé les chemins de fer, le transport urbain bus et métro jeudi. Le gouvernement gaulliste présidé par Nicolas Sarkozy est en train de faire passer en force une réforme qui démantèlerait les régimes spéciaux de retraite.

Cette grève puissante est le premier mouvement de masse en opposition aux projets de Sarkozy de détruire le système français de prestations sociales de l’État-providence. Les cheminots ont été rejoints par les travailleurs du gaz et de l’électricité, ainsi que des sections d’enseignants, d’employés de la poste, des impôts et du secteur privé.

Trois syndicats, Sud rail, Force ouvrière et la Fédération générale autonome des agents de conduite (FGAAC), ont appelé à ce que l’arrêt de travail de 24 heures soit reconduit.

La Confédération générale du travail (CGT), politiquement dominée par le Parti communiste, et la Confédération française démocratique du travail (CFDT), alignée au Parti socialiste, se sont opposées à la reconduction de la grève et ont appelé les travailleurs à attendre la tenue des négociations avec le gouvernement.

Mais de larges sections de cheminots ont défié les principales fédérations syndicales et appelé à poursuivre la grève lors d’assemblées générales qui se sont tenues jeudi matin. Quelque 95 pour cent de travailleurs dans les gares de Paris, Marseille et Lyon ont voté pour la reconduction de la grève. A Paris, les travailleurs des transports en commun ont voté pour rejoindre la grève. Des assemblées générales se tiennent encore vendredi matin pour décider de la prochaine étape.

Des porte-parole de la SNCF, société nationale des chemins de fer, ont dit que le service serait « très perturbé » vendredi matin, mais ont assuré qu’il s’améliorerait dans le courant de la journée.

La grève a commencé à 20 heures mercredi soir. La SNCF a indiqué jeudi matin que seulement 46 TGV (train à grande vitesse) sur 700 roulaient. A 6h30 jeudi matin la SNCF a annoncé que certaines régions seraient complètement privées de trains et a invité les passagers à « annuler ou à remettre leur voyage à vendredi soir ». Le service de l’Eurostar a été moins touché : huit trains sur dix roulaient normalement entre Londres et Paris.

La RATP, régie autonome des transports parisiens, a rapporté que le trafic du métro “serait quasiment nul” Elle a averti que les lignes A et B du RER (réseau express régional) très utilisées par les banlieusards se rendant à leur travail dans le centre de Paris, ne fonctionneraient pas. 10 pour cent seulement des bus et aucun tramway ne circuleraient.

Les transports urbains de 28 grandes villes ont été touchés, parmi lesquelles Clermont-Ferrand, Dijon, Lyon, Marseille, Nancy, Reims et Toulouse. Les syndicats dans la deuxième ville de France, Marseille, n’ont pas appelé les travailleurs des transports de la ville, la RTM, à faire grève. En effet, ces derniers ne sont pas couverts par les régimes spéciaux.

Dès 7h30 jeudi matin, les principaux centres urbains étaient déjà fortement embouteillés notamment en région parisienne, Ile de France, où il y avait des bouchons de 165 kilomètres.

La SNCF a annoncé que près de 75 pour cent de ses employés étaient en grève. C’est un pourcentage plus élevé que lors de la grande grève des cheminots de 1995, elle aussi appelée pour défendre les régimes spéciaux. Le blocage de 1995 avait forcé le premier ministre de l’époque Alain Juppé à faire marche arrière et avait paralysé son gouvernement.

Le chiffre communiqué par la RATP concernant les grévistes du réseau de bus et de métro est de 59 pour cent.

Quelque 50 pour cent de travailleurs de Gaz et Electricité de France (EDF et GDF) ont rejoint le mouvement. Avec la réforme de Sarkozy, ils verront les annuités nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein passer de 37,5 à 40 ans, pour être encore allongées à 41 ans en 2008. Comme les retraités du système général de retraite, ils seront gravement pénalisés s’ils ne réussissent pas à faire le nombre d’annuités requises et leur retraite subira de fortes baisses du fait des décotes.

Plus de 60 manifestations ont été organisées dans les villes de France, rassemblant principalement des cheminots et des travailleurs des réseaux de transport urbain, mais aussi d’importants contingents de travailleurs du gaz et de l’électricité et de plus petites délégations d’enseignants, dont la principale fédération, la FSU (Fédération syndicale unitaire) n’appelait pas à la grève. Les estimations sur le nombre de manifestants varient entre 150 000 et 300 000.

Le secrétaire national de la CGT Bernard Thibault et Didier Le Reste, dirigeant de la section des cheminots, tous deux membres du Parti communiste, ont appelé les travailleurs à reprendre le travail et à attendre le résultat des négociations. Jeudi, l’adjoint de Thibault, Maryse Dumas, a salué la proposition du ministre du Travail, Xavier Bertrand, de rencontrer à nouveau les syndicats pour discuter des propositions du gouvernement.

Le Parti socialiste n’a pas dit un mot sur la poursuite de la grève, mais a laissé entendre son désir de voir la combativité des travailleurs supprimée et être déviée vers la voie de négociations avec le gouvernement, et son soutien pour le démantèlement des régimes spéciaux avec une déclaration disant qu’une réforme des retraites était nécessaire, mais que Sarkozy s’y prenait mal.

Une déclaration du Parti communiste (PC) datée 17 octobre apportait un soutien nominal à la grève, mais le PC n’a aucunement appelé à sa reconduction.

Christian Drouet, cheminot de Sud rail en gare de Lyon au sud-est de Paris a dit au World Socialist Web Site, « tout le monde sait qu’une grève de 24 heures ça ne suffit pas ». Il a rapporté qu’au moins dans 30 lieux de travail sur près de 250, notamment à Lille dans le nord, les adhérents de la CGT avaient défié la direction nationale et voté pour la reconduction de la grève.

Un autre membre de Sud rail du bureau du syndicat à la gare du nord à Paris a dit au WSWS qu’il pensait que les conducteurs de trains et les contrôleurs voteraient vendredi pour la reconduction de la grève. Il a dit qu’à la gare du nord la plupart des adhérents de la CGT voteraient pour poursuivre le mouvement.

« Il commence à y avoir une rupture entre la base et la direction nationale, a-t-il dit. C’est comme quand la CFDT qui était puissante chez les cheminots, avait négocié avec le gouvernement sur les retraites [une référence à l’accord entre la direction de la CFDT avec Alain Juppé en 1995]. Les trois quarts de leurs adhérents étaient partis, et beaucoup étaient venus à Sud. Ils ne représentent plus maintenant que 3 ou 4 pour cent. Les dirigeants de la CGT veulent négocier, la base dit qu’il n’y a rien à négocier. »

Il a dit que la direction de la CGT est vue à présent par de nombreux cheminots comme travaillant main dans la main avec le gouvernement et le patronat.

Il a ajouté que la direction de Force ouvrière avait appelé, à contre-coeur, à la poursuite de la grève, face à la pression de la base. « Au départ la direction de FO n’était pas pour la reconduction de la grève,  a-t-il dit, mais ils ont dû céder devant le mécontentement de la base. »

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