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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : le gouvernement conservateur prépare la réaction sociale et la guerre

Par Keith Jones
24 octobre 2007

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Le gouvernement conservateur minoritaire canadien a amorcé une nouvelle session parlementaire mardi dernier avec un discours inaugural qui trace les grandes lignes d’un programme pour amener le pays franchement à droite.

Parmi les principales mesures, on trouve l’élargissement de la mission de contre-insurection des Forces armées canadiennes (FAC) en Afghanistan jusqu’en 2011, d’autres coupes dans les impôts pour la grande entreprise et les biens nantis, une loi dont le but est d’empêcher les prochains gouvernements fédéraux de lancer de nouveaux programmes sociaux, une série d’amendements durcissant le code criminel et des mesures anti-terroristes qui renversent des principes juridiques existant de longue date.

Le parti formant le gouvernement depuis février 2006, les conservateurs ont choisi à la fin de l’été de mettre un terme au parlement et de présenter un nouveau discours inaugural pour tenter de reprendre l’initiative politique et, ainsi, avoir l’option de précipiter des élections dans le but d’obtenir une majorité.

La grande entreprise et leurs médias ont fermement soutenu le gouvernement conservateur de Stephen Harper, particulièrement le changement qu’il a fait sur la question de la position géopolitique et militaire du Canada tel que démontré par l’intervention des FAC en Afghanistan. Mais les sondages ont constamment démontré que les conservateurs n’avaient le soutien que d’un tiers de l’électorat et qu’une majorité de Canadiens s’opposaient à la participation du Canada à la guerre en Afghanistan.

Le discours inaugural de mardi avait deux buts. Il visait à renforcer le soutien de la grande entreprise envers le gouvernement conservateur en faisant la démonstration que le gouvernement Harper est déterminé à aller de l’avant avec le programme socioéconomique de la grande entreprise canadienne.

Il voulait aussi préparer le terrain pour une campagne électorale dans laquelle les conservateurs chercheront à obtenir une pluralité des voix — quarante pour cent sont généralement suffisants pour arracher une majorité parlementaire — en présentant des mesures populistes réactionnaires. Ainsi, les conservateurs ont cherché dans le discours à se présenter comme les défenseurs des « familles canadiennes » et des « Canadiens ordinaires » en soulignant les diminutions d’impôt qui ont mis « plus d’argent dans les poches [des Canadiens]. Ils ont aussi promis de prendre de mesures dures contre une épidémie du crime qui n’existe pas et ils ont fait la promotion enthousiaste d’un nationalisme canadien militariste qui s’affirme.

Défendre les ambitions prédatrices de l’élite canadienne dans le monde

Le discours inaugural a présenté les cinq priorités du gouvernement conservateur.

Il est significatif que la première de celles-ci fut de « renforcer la souveraineté du Canada et sa place dans le monde ».

Avec cette priorité, les conservateurs de Harper promettent d’aller de l’avant avec la modernisation de l’armée canadienne (le gouvernement a annoncé près de vingt milliards de dollars de nouvelles dépenses en armement) et ils louangent l’intervention de l’armée canadienne pour soutenir le régime fantoche afghan mis en place par les Américains comme preuve de l’engagement du gouvernement à restaurer « l’influence [du Canada] dans les affaires du monde ».

Le discours a implicitement critiqué les gouvernements libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin – qui ont amorcé une expansion rapide de l’armée canadienne et ont ordonné aux FAC de participer dans les guerres au Kosovo et en Afghanistan et dans le coup orchestré par les Américains en 2004 en Haïti – pour avoir affaibli l’influence internationale du Canada en se concentrant sur la « rhétorique et la posture ». Il a promis que le gouvernement actuel offrira « un leadership international au moyen d’actions concrètes dont on peut voir les résultats ».

Au cas où il y aurait un doute sur la signification de cette phrase, il a clarifié tout de suite après. Harper a signalé que son gouvernement préparait les FAC à entreprendre une série de guerres dirigées par les Etats-Unis : « Un engagement à l’action signifie que le Canada doit faire cause commune avec ceux qui luttent pour les valeurs qui nous sont chères. »

Les conservateurs ont répété qu’ils avaient l’intention de prolonger le déploiement des FAC en Afghanistan au-delà de février 2009. Dans le discours du trône de mardi dernier, le gouvernement a publiquement déclaré ses intentions, annonçant que la mission actuelle devra être prolongée jusqu’en 2011, même s’il a repris à son compte la position de l’administration Bush sur le déploiement des troupes en Irak en disant que le rôle des FAC sera de plus en plus de former la police et l’armée dans ce pays.

Lors du débat parlementaire de mercredi sur le discours inaugural, Harper est allé encore plus loin, précisant qu’après février 2009, il désirait que les FAC continuent à être déployées à Kandahar, c.-à-d. qu’elles continuent à former l’avant-garde de la guerre afghane.

En expliquant cette priorité, le gouvernement a aussi tracé les grandes lignes de son plan pour renforcer les visées canadiennes sur la richesse minérale et pétrolière de l’Arctique. Il a promis de créer une « station de recherche arctique de calibre mondial », de rassembler des données de nature scientifique et cartographique pour soutenir les prétentions du Canada devant l’ONU pour une grande portion du sous-sol marin de l’océan Arctique, et d’augmenter le nombre des rangers de l’Arctique, un contingent à temps partiel des milices des FAC.

Le discours attira l’attention sur les opportunités grandissantes en Arctique, faisant référence indirectement à la grande entreprise qui espère que le réchauffement climatique facilite le développement capitaliste de la région, mais il fit aussi mention de « nouveaux défis » — c’est-à-dire l’intensification de la compétition géopolitique entre le Canada, la Russie, les Etats-Unis et les autres Etats du nord.

Sous le titre « Renforcer la fédération et nos institutions démocratiques », les conservateurs se sont engagés à recentrer le gouvernement fédéral sur des responsabilités de base qui avaient été négligées, « comme le commerce, la défense et la sécurité publique ».

À cette fin, le gouvernement Harper présentera une loi limitant le pouvoir du gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes dans les champs de compétences provinciaux — sous la constitution du Canada, les provinces ont presque l’entière responsabilité des politiques sociales, y compris les soins de santé, l’aide sociale et l’éducation — et il « envisagera » d’utiliser des pouvoirs fédéraux peu utilisés dans le domaine des échanges et du commerce afin d’établir le libre-échange entre les provinces.

Dans cette partie du discours, les conservateurs ont aussi fait comprendre qu’ils prévoyaient intensifier leur propagande chauvine contre les femmes voilées musulmanes qui voteraient lors d’élections fédérales. Bien qu’il soit question d’au plus quelques milliers d’électeurs et que des représentants d’Elections Canada aient témoigné posséder les ressources nécessaires pour identifier les électrices voilées (ce qui est plus facile que dans le cas des votes soumis par la poste), le gouvernement a juré au nom de la démocratie de présenter une loi qui forcerait les femmes musulmanes à retirer leur voile si elles souhaitaient exercer leur droit de vote démocratique.

Un programme économique de la grande entreprise

Les initiatives des conservateurs au plan économique et environnemental, respectivement les troisième et cinquième priorités, ont respecté scrupuleusement les recommandations de la grande entreprise. Par le discours du Trône, le gouvernement s’est engagé prioritairement à offrir un allégement fiscal « général », y compris pour les entreprises, la construction d’infrastructures pour faciliter le commerce en Amérique du Nord et dans le Pacifique, et le développement d’un contexte favorisant « l’entreprenariat » (autrement dit, la déréglementation). Il a aussi renoncé à l’engagement du Canada envers le protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre et a affirmé que le gouvernement collaborera avec les Etats-Unis, l’Australie et d’autres pays qui ne respecteront pas l’accord afin de développer un programme de réduction d’émissions aligné davantage sur les besoins de la grande entreprise. Un de ses buts est de faire du Canada une « grande puissance de l’énergie ». 

Dans le discours du Trône, la quatrième priorité des conservateurs était : « S’attaquer au crime et assurer la sécurité des Canadiens ». Avec des paroles dignes d’un régime dictatorial, le discours déclare que « de toutes les responsabilités d’un gouvernement, aucune n’est plus grande que la protection du droit à la sécurité ».

Le discours soutient que « beaucoup se sentent aujourd’hui moins en sécurité, et ils s’inquiètent à juste titre de la sécurité de leur quartier et de leur pays ». Mais si cela est vrai — les statistiques du gouvernement montrent en fait une réduction de la plupart des types de crimes — c’est parce que les conservateurs, leurs proches alliés de l’administration Bush et les médias ont attisé la peur du crime et du terrorisme afin de recueillir les votes justifiant le développement des pouvoirs répressifs de l’Etat et du militarisme.

La journée suivant le discours du Trône, les conservateurs ont présenté le « Projet de loi C-2, Loi sur la lutte contre les crimes violents » et ils ont promis de présenter bientôt d’autres amendements au code criminel. Le C-2 est un projet de loi fourre-tout qui joint ensemble les principaux éléments de cinq projets de loi « anti-crime » qui n’avaient pas été ratifiés durant la dernière session parlementaire. Celui-ci, entre autres, augmenterait l’âge de consentement sexuel, imposerait des peines obligatoires plus sévères pour les crimes avec armes à feu, rendrait plus difficile la liberté sous caution pour les accusés d’un crime avec arme à feu, et imposerait à un criminel ayant été condamné pour trois crimes violents ou sexuels le fardeau de prouver qu’il n’est pas un criminel violent, une appellation les rendant susceptibles à des peines d’emprisonnement beaucoup plus longues.

Les conservateurs ont aussi annoncé dans leur discours du Trône qu’ils prévoyaient présenter une nouvelle loi anti-terroriste afin de restaurer des clauses de la loi votée après le 11-Septembre qui permet la détention préventive et l’interrogation forcée. Ces clauses sont arrivées à échéance plus tôt cette année. Ils veulent aussi apporter de légères modifications aux certificats de sécurité nationale — une injonction que permet au gouvernement de détenir indéfiniment, sans procès, et sans que le détenu n’ait accès aux preuves motivant son accusation, n’importe quel citoyen non canadien qualifié de menace à la sécurité nationale. Plus tôt cette année, la Cour suprême avait conclu que la présente loi sur les certificats de sécurité nationale était inconstitutionnelle.

Le discours du Trône et la crise des libéraux

Si un gouvernement ne réussit pas à obtenir l’appui du Parlement pour son discours du Trône, il tombe.

Comme l’ont indiqué son programme de droite et ses appels populistes, le discours des conservateurs avait été construit en vue de provoquer rapidement une élection.

Mais en raison d’une précédente manoeuvre des conservateurs pour assurer la position du gouvernement au pouvoir — le vote d’une loi fixant officiellement la date de la prochaine élection fédérale — ces derniers n’ont pas autant de marge de manoeuvre que les gouvernements précédents pour demander au Gouverneur général de dissoudre le Parlement.

Pour qu’une élection soit déclenchée, le gouvernement devra être défait — sciemment ou non — par un vote de non-confiance, lors du discours du Trône, d’un budget ou de toute autre loi définie par le gouvernement comme étant une question de confiance.

Confiant que les Conservateurs ont maintenant l’avantage politique, Harper a dit que l’adoption du Discours du Trône constituera l’approbation parlementaire pour le prochain mandat du gouvernement et que, conséquemment, les partis de l’opposition devront, s’il est adopté, renoncer à leur pouvoir de bloquer les projets de loi conservateurs. À cette fin, a ajouté Harper, le gouvernement déclarera les projets de loi provenant du Discours du Trône une question de confiance.

Avant le Discours du Trône, deux des trois partis de l’opposition, le parti social-démocrate, le Nouveau Parti démocrate (NPD), et le parti pour la souveraineté du Québec, le Bloc québécois (BQ) ont laissé sous-entendre qu’ils voteraient contre.

Les sociaux-démocrates du Canada ont facilité l’arrivée au pouvoir des conservateurs lors des élections de 2006 en répétant les propos de Harper selon lesquelles la question clé dans l’élection était la corruption des Libéraux et ont, par la suite, offert de travailler avec le nouveau gouvernement minoritaire.

Mais les conservateurs ont rejeté ces avances afin d’être en position de poursuivre leur programme de droite sans être encombré, spécialement après que le leadership du NPD, dans des conditions d’opposition populaire croissante à la guerre en Afghanistan, a retiré son soutien à la mission de contre-insurrection des Forces armées canadiennes dans le sud de l’Afghanistan.

Le Bloc québécois a régulièrement voté de façon à maintenir le gouvernement conservateur en place en s’appuyant sur l’allégation que la volonté de Harper de restreindre le rôle du gouvernement fédéral dans les politiques sociales favorise les intérêts du Québec. Mais, après avoir essuyé une série de défaites électorales, le Bloc québécois a conclu que c’était mieux de se distancer quelque peu du gouvernement.

L’opposition officielle formée par les Libéraux, a, quant à elle, signalé qu’elle voterait contre le budget seulement s’il « contenait une pilule toxique » parce que, selon les Libéraux, l’électorat canadien ne veut pas une troisième élection fédérale en trois ans.

Cela était un subterfuge évident. Les libéraux sont en déroute, l’aile du Québec étant en quasi-révolte contre son leadership national après les résultats désastreux de quatre élections partielles en septembre, et ils craignent manifestement une catastrophe si des élections fédérales devaient avoir lieu avant la fin de l’année.

Le chef du Parti libéral Stéphane Dion a dénoncé le discours du Trône conservateur mercredi, mais a, par la suite, annoncé que son parti s’abstiendrait si jamais il y avait un vote, assurant ainsi que le gouvernement conservateur demeurerait en fonction.

Même si les médias de la grande entreprise ont critiqué Dion pour son appel à mettre fin à l’actuelle mission en Afghanistan en février 2009 et, pour avoir conclu un pacte électoral avec le Parti Vert, ils attribuent, de manière générale, la crise des libéraux au manque de leadership de Dion et aux luttes intestines dans le parti.

En réalité, la crise du Parti libéral est le produit d’un virage à droite marqué de la bourgeoisie canadienne.

Les Libéraux reconnaissent que les sections les plus puissantes du capital canadien appuient présentement les conservateurs parce qu’ils trouvent que c’est le meilleur instrument pour défendre leurs intérêts prédateurs. De plus, la majeure partie de l’establishment du Parti libéral est d’accord avec les grandes orientations du gouvernement Harper.

Cela est mis en évidence par la montée de Michael Ignatieff, un important défenseur libéral de la guerre en Irak et de l’utilisation de la torture dans la « guerre contre le terrorisme », en tant que vice-chef du Parti libéral.

En mai 2006, Ignatieff a mené plus du quart du caucus libéral à voter pour prolonger de deux ans la mission de contre-insurrection des Forces armées canadiennes en Afghanistan. (La majorité des députés libéraux ont voté contre la motion conservatrice sur une base procédurale, pas nécessairement parce qu’il s’opposait à la mission des FAC.)

La semaine dernière, John Manley, qui a été pendant plusieurs années le ministre des Finances et le vice-premier ministre, a accepté d’être le président d’un « comité indépendant d’experts » que Harper a mis sur pied pour donner une sanction « non partisane » à sa décision selon laquelle les FAC doivent demeurer déployées en Afghanistan après février 2009.

Dion, tout en faisant un appel mesuré à l’opposition populaire à l’étroite alliance entre Harper et le président américain George Bush et à la politique environnementale des conservateurs favorisant les géants du pétrole, a lui-même attaqué les conservateurs pour ne pas répondre suffisamment aux demandes de la grande entreprise. Dans un discours devant le Club Économique de Toronto, Dion a affirmé qu’un gouvernement libéral agirait agressivement pour couper les taxes sur les entreprises.

Exploitant la crise dans les rangs libéraux, Harper a lancé une offensive politique, se moquant de Dion pour s’être abstenu sur le budget et demandant que les Libéraux donnent carte blanche aux conservateurs afin qu’ils puissent mettre de l’avant leur programme réactionnaire.

Mais, la réalité est que le gouvernement conservateur repose sur une faible base, socialement et même régionalement. Il n’y a pas un seul député conservateur à Montréal ou à Toronto et même si le gouvernement vante la force de l’économie canadienne, il craint que la crise du marché immobilier aux Etats-Unis aura de fortes répercussions sur l’économie nord-américaine.

La force des conservateurs provient d’un virage marqué de la bourgeoisie vers la réaction sociale et la guerre et du fait que la classe ouvrière soit sans direction politique. Pendant le dernier quart de siècle, les organisations qui ont historiquement prétendu parler au nom de la classe ouvrière, comme les syndicats et le NPD, ont renoncé à leurs programmes réformistes traditionnelles et sont devenus des complices ouverts du capital dans l’assaut sur la classe ouvrière.


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