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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Grabuge à Montréal : l’establishment réclame plus de pouvoirs pour la police

Par Eric Marquis et Louis Girard
28 avril 2008

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Des actes de vandalisme perpétrés lundi dernier à Montréal après la victoire du club local dans un match des séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey ont donné lieu à un appel concerté de l’élite dirigeante pour des pouvoirs policiers grandement accrus.

A la suite du match de soirée entre les Canadiens de Montréal et les Bruins de Boston, plusieurs milliers de fans sont descendus dans les rues du centre-ville pour célébrer la victoire de leur équipe. Environ une heure après la fin du match, alors que le nombre de partisans dans les rues avait considérablement diminué, un petit groupe d’individus a commencé à s’agiter. Le service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui avait déployé près de 300 policiers au centre-ville pour un match de première ronde des séries, a fait appel à son escouade anti-émeute. Des affrontements ont eu lieu et seize arrestations ont été effectuées. Cinq voitures de police ont été incendiées et douze autres saccagées. Une dizaine de commerces ont eu leurs vitrines fracassées et quelques-uns ont été cambriolés. Aucun blessé grave n’a été rapporté.

Les médias de masse ont aussitôt critiqué la police pour s’être montrée trop « conviviale ». Yves Boisvert, du journal La Presse, a écrit que « si le but de l'opération est d'empêcher les "débordements", il faut faire une démonstration de force, pas d'écoute active. » Jean-Robert Sansfaçon, le rédacteur en chef du Devoir, a quant à lui déclaré que l’important était « de savoir comment protéger les commerces et surtout comment évacuer la foule rapidement, au lieu de laisser les gens s’attrouper dans l’attente qu’il se passe quelque chose, n’importe quoi ».

Chez les politiciens, Mario Dumont, le chef de l’Action démocratique du Québec (ADQ), a affirmé que les policiers auraient dû baisser la visière et brandir la matraque, et qu’à l’avenir ils ne devraient pas hésiter à agir de façon plus musclée sachant qu’ils ont le feu vert des autorités politiques. « Il faut que les policiers aient toute l'autorité voulue », a ajouté Dumont.

Lors de la dernière élection provinciale en 2007, l’ADQ a profité de l’aliénation populaire face aux deux partis traditionnels de gouvernement – le Parti libéral du Québec et le Parti québécois – pour accroître son vote et former l’opposition officielle. Les nombreuses années de coupures budgétaires imposées par les gouvernements péquistes et libéraux, et le sabotage par la bureaucratie syndicale du puissant mouvement d’opposition des travailleurs à ces attaques, ont créé les conditions propices au développement de ce parti populiste de droite. Exploitant les frustrations populaires causées par une crise sociale grandissante, le parti de Dumont a alimenté des sentiments chauvins et xénophobes à travers une dénonciation des accommodements supposément excessifs à l’endroit des minorités religieuses, particulièrement musulmanes, campagne qui a ensuite été reprise par l’ensemble de la classe dirigeante au Québec.

Du côté du gouvernement, Raymond Bachand, le ministre libéral responsable de la région de Montréal, a affirmé au sujet des incidents de lundi soir qu’« il faudra être mieux préparé la prochaine fois ».

Cette recommandation n’a pas tardé à être mise en oeuvre. Le SPVM a mis en place une adresse courriel spéciale pour inciter les citoyens à dénoncer les présumés responsables. Aidé par l’attitude servile des médias, qui ont cultivé le climat de répression et de dénonciation, le SPVM a procédé dès mercredi à des saisies chez plusieurs quotidiens et réseaux de télévision à la recherche d’images et de séquences vidéo pouvant mener à de nouvelles arrestations.

Les perquisitions menées à Radio-Canada, La Presse, The Gazette, CTV, Global, Le Journal de Montréal et TVA-LCN seront probablement contestées en cour Supérieure par ces derniers, l’audition devant avoir lieu jeudi dernier ayant été reportée. Ces perquisitions ont aussi été condamnées par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec comme étant une atteinte à l’indépendance, à la sécurité et à la crédibilité des journalistes qui se verraient transformés en simples auxiliaires de la police.

Dans la soirée de jeudi, les Canadiens affrontaient, à Montréal, les Flyers de Philadelphie dans le premier match d’une série quatre de sept de la deuxième ronde des séries éliminatoires. Déjà, le SPVM avait changé sa stratégie et adopté des mesures de sécurité considérables. Il a demandé à la Sûreté du Québec (SQ, police provinciale) et à la Gendarmerie Royale du Canada (GRC, police fédérale) de l’aider. La GRC a utilisé un hélicoptère pour survoler le centre-ville pendant la soirée du match. Selon La Presse, « Les policiers ont même songé à demander aux autorités canadiennes d’émettre un NOTAM – un avertissement aux pilotes d’avion – pour restreindre la circulation aérienne au-dessus du centre-ville. Mais cette mesure rarissime, utilisée pour la dernière fois lors de la visite du président américain George Bush à Montebello, a été écartée. »

(La référence à Montebello, petite municipalité du Québec qui a accueilli en août 2007 une rencontre au sommet entre les chefs de gouvernement américain, canadien et mexicain, est révélatrice. Durant les manifestations entourant ce sommet, des agents de la SQ déguisés en « casseurs » ont incité des manifestants à s’en prendre à la police anti-émeute. Cet acte provocateur a été capté sur une vidéo amateur diffusée sur YouTube.)

Pendant et après le match, environ 700 policiers étaient sur les lieux. Lorsque les partisans sont descendus dans les rues après la victoire des Canadiens, aucun geste festif autre que les cris de joie n’était toléré. Aucun piéton ne pouvait circuler dans les rues, ce qui est normalement toléré. Un groupe de 25 jeunes qui regardaient le match sur le trottoir ont immédiatement été interpellés par une douzaine de policiers lorsque les Canadiens ont marqué le but vainqueur.

Les médias et les politiciens ont présenté les incidents de lundi dernier comme étant quelque chose d’incompréhensible. Dans la mesure où ils tentaient d’expliquer le phénomène, ils se sont limités à des platitudes sur la « génération Facebook ». Ce qu’ils tentent de passer sous silence, c’est que les manifestations spontanées de colère qui ont éclaté lundi soir, même si elles ne proviennent que d’un petit groupe d’individus, voire de « casseurs », sont plus fondamentalement l’expression de l’immense colère qui bouillonne dans la population et particulièrement chez les jeunes.

Depuis le début des années 1980, les gouvernements du Québec qui se sont succédé ont massivement coupé dans les dépenses sociales et les services publics. Le virage à droite de l’élite dirigeante québécoise – que ce soit sous la gouverne de Lucien Bouchard du Parti Québécois à la fin des années 1990 au nom du « déficit zéro », ou de Jean Charest du Parti Libéral au début des années 2000 au nom de la « réingénierie » de l’État – n’a fait qu’accentuer les inégalités sociales. Au niveau fédéral, le gouvernement libéral de Chrétien/Martin ainsi que le gouvernement conservateur de Stephen Harper qui l’a suivi ont appliqué le même genre de mesures de droite. Harper, notamment, a développé significativement les Forces Armées Canadiennes en leur donnant un rôle de premier-plan dans la guerre néo-coloniale en Afghanistan. Dans ces conditions, les perspectives d’avenir des jeunes se sont détériorées et plusieurs vivent des situations précaires.

En 2005, des coupures de 103 millions dans le système des prêts et bourses par les libéraux avait poussé les étudiants post-secondaires de la province à faire la grève pendant plusieurs semaines. A l’automne 2007 et à l’hiver 2008, des milliers d’étudiants de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) déclenchaient une grève contre une hausse des frais imposés par la direction après que le gouvernement Charest ait continué de réduire le financement des universités. Lors de cette grève, qui a été largement ignorée par les médias, la direction de l’UQAM a fait appel aux services du SPVM pour mater les étudiants et obtenu une injonction, en vigueur jusqu’au 19 juin, menaçant les étudiants qui continueraient leurs actes de protestation d’une amende de 50.000$ possiblement assortie d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.

Les pouvoirs policiers accrus exigés par l’establishment médiatique et politique ne visent pas que « de petits groupes de criminels organisés ». Le but visé est de conditionner la population à l’omniprésence des forces de l’ordre. Dans une société où les rapports de classe sont de plus en plus tendus, les mesures répressives sont et seront utilisées contre les jeunes et la classe ouvrière dans son ensemble.


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