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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Québec solidaire : le soi-disant parti de la gauche au Québec

Par Louis Girard et Guy Charron
5 décembre 2008

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Québec solidaire (QS), dirigé par Françoise David et Amir Khadir, se présente comme le parti de la gauche au Québec. Toutefois, QS n’a rien à voir avec le socialisme ou la classe ouvrière et son programme est une collection de propositions vaguement réformistes. Il se décrit comme le parti des « valeurs de justice sociale, de protection environnementale, d’égalité entre les sexes, et de participation de tous les citoyen-ne-s aux décisions politiques » dans le cadre politique d’un « Québec libre, souverain, juste et égalitaire ».

Cette formation politique est relativement jeune, ayant été fondée au début de 2006 de la fusion de l’Union des forces progressistes (UFP), une coalition de mouvements radicaux de gauche, et d’Option citoyenne, un mouvement issu du mouvement communautaire et féministe qui considérait l’UFP comme trop radicale.

Dans les élections québécoises qui auront lieu le 8 décembre, QS présente 122 candidats (pour 125 circonscriptions électorales) et vise à obtenir 5 pour cent du vote exprimé. QS croit que ses deux figures de proue, David et Khadir, pourraient être élues à l’Assemblée nationale, étant arrivées en seconde place lors des dernières élections.

L'axe politique central de QS est de faire pression sur le Parti québécois (PQ) pour l'empêcher d'aller trop à droite. Le PQ est un parti souverainiste de la grande entreprise qui a formé le gouvernement ou l’opposition officielle depuis 1973, hormis la dernière année et demie où il est au troisième rang à l’Assemblée nationale.

Le QS est essentiellement formé de personnes qui anciennement se trouvaient dans l’orbite du PQ (des travailleurs du secteur communautaire, des environnementalistes et une poignée de petits bureaucrates syndicaux) et qui l’ont abandonné après que ce dernier eut imposé d’importantes compressions budgétaires à la fin des années 1990 suivies de coupes dans les impôts.

Plusieurs candidats de QS, dont Amir Khadir, se sont déjà présentés sous la bannière du Bloc québécois, le parti frère du PQ au niveau fédéral, et QS s’est vanté d’avoir obtenu l’appui d’un ancien ministre péquiste, Robert Perreault, dans cette campagne électorale.

Dans une récente entrevue radiophonique diffusée sur Radio-Canada, David, après s’être déclaré déçue du Parti québécois a affirmé « Je m’aperçois finalement que je les influence mieux de l’extérieur. » Supposons, a-t-elle continué, « qu’il y a le parti Québécois qui forme l’opposition officielle, je le souhaite… il me semble qu’avec ma présence et celle de Khadir à l’Assemblée nationale, on va rendre le Parti québécois plus fort parce qu’on va les obliger à aller plus loin. »

En affirmant le 3 décembre que « [N]ous appuyons donc la formation d’un gouvernement de coalition [au palier fédéral], soutenu par le Bloc québécois », QS a démontré sa véritable nature. Ne pouvant se distinguer du PQ et du BQ, le soi-disant parti de la gauche au Québec s’est rangé derrière le Parti libéral, le parti traditionnel de la grande entreprise au Canada.  La coalition dirigée par les libéraux continuera à soutenir l’intervention canadienne en Afghanistan et a confirmé qu’elle n’annulerait pas les diminutions d’impôts pour les compagnies même si la crise économique privera le gouvernement de milliards en revenus.

De façon générale, la presse traite Québec solidaire avec une certaine sympathie, le décrivant comme rêveur, mais qui propose parfois des mesures qui devraient être reprises par le gouvernement. David et Khadir obtiennent régulièrement plusieurs entrevues dans les grands médias électroniques et imprimés et des personnalités du monde culturel les appuient ouvertement. QS, comme le Parti vert, n’a pas été invité à participer au débat télévisé des chefs qui a eu lieu la semaine passée.

Cherchant par tous les moyens à convaincre les élites québécoises qu’il est un parti respectable et responsable, Québec solidaire (QS) insiste qu’il n’est « pas une gauche sectaire et dogmatique, mais une gauche humaine et rassembleuse ».

Ce qu’il signifie par là, comme l’indique une étude de son programme, c’est que le capitalisme est fondamentalement sain et que, finalement, seules quelques pommes pourries gâtent le panier. Nulle part Québec solidaire ne mentionne le mot socialisme ou encore prétend représenter la classe ouvrière. En fait pour QS, il n’existe pas de classe avec des intérêts opposés, mais que des Québécois qui doivent s’unir pour le « bien commun ». En pratique, cette orientation revient à attacher les travailleurs à « leur » bourgeoisie.

QS défend la conception que le militarisme, la polarisation sociale, le gangstérisme des dirigeants d’entreprise et leur pillage de la société, le racisme et toutes les formes d’exclusion, la pauvreté, les attaques tous azimuts sur les droits démocratiques, le niveau de vie et les emplois des travailleurs sont une question de volonté, de mauvaise direction et pas la conséquence inévitable d’un système basé sur le profit. Il suffit de maîtriser le capitalisme, pense QS, en subordonnant « l’économie à la justice sociale et au respect de notre environnement », mais en respectant les marges de profit des grands investisseurs et des spéculateurs.

Québec solidaire demeure pratiquement muet sur la plus grande crise économique depuis la Grande Dépression, conscient que cette question expose les contradictions de son programme. D’un côté, les timides réformes qu’il propose dans la perspective du nationalisme économique, de la défense de la petite production et du développement de l’industrie environnementale sont nettement insuffisantes pour protéger les emplois et le niveau de vie des travailleurs. De l’autre, son insistance à présenter un budget équilibré rendra dans les faits même ces faibles mesures entièrement irréalisables.

Comme grand axe de développement économique, la plate-forme électorale de QS propose un timide développement du transport en commun et la nationalisation de l’énergie éolienne et des barrières tarifaires pour protéger les petits agriculteurs.

QS propose aussi de forcer la Caisse de dépôt et de placement du Québec, le plus grand investisseur du Canada avec les 150 milliards de dollars qu’il gère (dont le fonds de pension des employés de l’État québécois), pour investir dans les entreprises québécoises en région respectueuses de l’environnement. Faisant appel de façon populiste au sentiment anti-grande entreprise répandu parmi les travailleurs et les classes moyennes, David explique que « les investissements dans les bourses internationales, on a aucun contrôle là-dessus ».

La principale mesure de Québec solidaire pour lutter contre la pauvreté est une augmentation du salaire minimum à 10,20 $ l’heure d’ici quelques années, une mesure si timorée que même le Parti libéral promet d’augmenter le salaire minimum à 9,50 $ l’heure d’ici une année. Pour défendre les emplois, QS propose que l’État aide les travailleurs à transformer les compagnies en faillite en coopératives. 

Le caractère petit-bourgeois de Québec solidaire est bien démontré par sa position face au militarisme. En 2001, le Canada a envoyé des troupes en Afghanistan pour soutenir la guerre menée par les Etats-Unis et, depuis 2005, les Forces armées canadiennes sont au front de la lutte contre-insurrectionnelle à Kandahar, au sud de l’Afghanistan. Près de 100 soldats canadiens sont morts depuis le début de la mission canadienne et des centaines d’autres blessés, pour une force armée d’environ 2500 soldats seulement. L’opposition à cette guerre n’a cessé de croître dans la population canadienne et particulièrement au Québec, où environ 70 pour cent de la population est opposée à la guerre selon les sondages, ce qui n’empêche pas le gouvernement conservateur de renforcer les troupes canadiennes en Afghanistan avec plus d’hélicoptères et de troupes.

Comme pour les questions économiques, Québec solidaire a sur le militarisme une perspective moraliste par sa forme et localiste par son contenu. Depuis sa création, Québec solidaire a appelé à une participation de l’ONU, une institution par et pour les puissances impérialistes, afin de « maintenir la paix » en Afghanistan, tentant de faire oublier que l’ONU a donné son appui à l’invasion de ce pays par l’OTAN. Dans la présente campagne électorale, comme depuis sa fondation, Québec solidaire ne mentionne la question de la guerre en Afghanistan du bout des lèvres.

QS s’est contenté d’ajouter quelques lignes sur cette question à la toute fin de sa plateforme électorale, rédigées en termes très vagues. La principale mesure qu’il propose est un appel au dépôt d’une motion vertueuse à l’Assemblée nationale québécoise « pour s’opposer à toute intervention impérialiste canadienne en Afghanistan ».

Comme pour les questions économiques, la question de la guerre est liée à la défense des intérêts fondamentaux des grands capitalistes. Si la bourgeoisie canadienne, y compris la bourgeoisie québécoise, appuie la guerre en Afghanistan, c’est parce qu’elle considère qu’elle doit participer militairement au partage du monde pour avoir droit à une part du butin.

Devant la montée de l’impérialisme américain, la bourgeoisie canadienne, en tant que puissance impérialiste moyenne dotée de ressources limitées, a jugé qu’il était nécessaire de s’allier avec les Etats-Unis dans la grande redivision du monde qui a lieu actuellement et dans laquelle les Etats-Unis tentent impitoyablement de conserver leur suprématie. C’est pourquoi la bourgeoisie canadienne a cherché au cours des dernières années à développer les Forces armées canadiennes en intervenant dans la guerre menée par l’OTAN contre la Yougoslavie en 1998 et en Afghanistan depuis 2001.

Une véritable opposition à la montée du militarisme ne peut trouver expression dans une motion blâmant l’intervention dans un parlement provincial. Il faut exposer la guerre en Afghanistan pour ce qu’elle est, une guerre de pillage visant à défendre les intérêts de la grande bourgeoisie canadienne et québécoise et lutter pour une organisation politique des travailleurs, indépendante du nationalisme économique et politique de la bureaucratie syndicale et des partis de la grande entreprise.

Les positions de QS sur l’économie et la guerre vont main dans la main avec l’orientation politique de ce parti envers le PQ. Lorsque Françoise David dit qu’elle « influence mieux [le PQ] de l’extérieur », elle fait référence à sa longue expérience de collaboration avec ce parti.

En 1995, quelques mois avant le référendum sur l’indépendance du Québec, Françoise David alors à la tête de la Fédération des femmes du Québec, organisait une marche de 200 km qui s’est terminée à Québec avec la remise de demandes réformistes timides au Parti québécois. Ce dernier a bénéficié de l’événement en se présentant comme un parti ouvert aux revendications populaires.

Les mouvements communautaires et les tendances radicales de gauche qui se sont regroupées pour former Québec solidaire en 2006 faisaient tous partie de la coalition arc-en-ciel en faveur de l’indépendance du Québec chapeautée par le PQ lors du référendum de 1995.

Lors du référendum, le PQ avait servi aux travailleurs de la rhétorique ronflante (le pays qui sera un rempart contre le vent de droite soufflant sur l’Amérique du Nord) et aux grandes entreprises des mesures pour défendre leurs profits.

Une année après avoir perdu de peu le référendum, le PQ organisait un sommet regroupant le patronat, les syndicats et le gouvernement pour générer le soutien politique nécessaire pour aller de l’avant avec son plan de coupes draconiennes dans les dépenses sociales. Françoise David avait participé dans ce forum, ne le quittant qu’à la dernière heure lorsqu’elle n’avait pu obtenir du gouvernement péquiste l’assurance que les assistés sociaux ne seraient pas touchés par les coupes budgétaires.

Dans les années qui suivirent, le PQ mis en œuvre son plan du « déficit zéro » en vertu duquel des dizaines de milliers d’employés du secteur public furent mis à la retraite, des hôpitaux furent fermés et les assistés sociaux sauvagement coupés. Une couche de supporteurs du PQ s’en est détaché, tentant de garder en vie les illusions de type social-démocrate dans l’indépendance du Québec.

Québec solidaire, à la façon de nombreuses formations de la « gauche élargie » qui se forment à travers le monde, se propose de jouer le rôle de rempart de gauche si jamais la bureaucratie syndicale n’arrivait pas à contenir une opposition massive des travailleurs dans le giron du PQ. QS se présenterait alors comme une alternative de gauche au PQ, mais pour mieux attacher les travailleurs au programme du nationalisme économique et de l’indépendance du Québec.

Québec solidaire a bénéficié du soutien enthousiaste de plusieurs tendances se disant communistes y compris les pablistes du Secrétariat unifié au Québec, Gauche socialiste. Ces tendances, entièrement démoralisées de la possibilité de gagner la classe ouvrière à un programme socialiste et internationaliste, se sont approchées encore plus de l’impérialisme canadien et québécois en intégrant Québec solidaire pour former un parti soi-disant respectable de la gauche entièrement consacré à faire pression sur le PQ de la gauche.

Cette avenue est complètement l’opposée de celle que prend le Parti de l’égalité socialiste et la Quatrième Internationale. Nous insistons qu’il ne sera pas possible de défendre les emplois, le niveau de vie et les droits démocratiques de la classe ouvrière et des larges couches de la population sans la construction d’un parti révolutionnaire de masse qui unira les travailleurs québécois avec leurs frères de classe de tout le Canada et l’Amérique du Nord, pas avec la bourgeoisie québécoise.


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