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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Le Canada plonge en récession

Par Keith Jones
19 décembre 2008

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Le premier ministre canadien Stephen Harper a exprimé sa consternation lundi face à la détérioration rapide de l’économie canadienne et, en réponse à la question d’un journaliste, a admis que la possibilité d’une dépression ne pouvait être écartée.

 « La vérité est que je n’ai jamais vu une telle incertitude en ce qui concerne l’avenir », a déclaré Harper. « Je suis très inquiet pour l’économie canadienne. »

Harper et ses conservateurs insistent depuis longtemps que le Canada sera largement épargné par la crise économique mondiale. Au début octobre, alors que les banques s’effondraient et que les marchés du crédit se resserraient, le premier ministre avait affirmé qu’il y avait probablement de bonnes opportunités d’achat sur les marchés boursiers nord-américains.

Le fait que les conservateurs n’aient pas inclus de mesures pour stimuler l’économie dans la mise à jour fiscale et économique présentée au parlement trois semaines auparavant, (le gouvernement avait proposé de réduire les dépenses gouvernementales afin d’éviter un déficit budgétaire), a suscité un tollé et provoqué une crise politique qui a bien failli défaire le gouvernement minoritaire conservateur. Ultimement, les conservateurs purent éviter d’être défaits par une triple alliance des libéraux, du NPD et du Bloc québécois en gagnant l’appui de la gouverneure générale, qui est non-élue et n’a de compte à rendre à personne, qui a violé les préceptes fondamentaux de la démocratie parlementaire canadienne en décrétant la suspension du parlement jusqu’au 26 janvier. (Voir : Le coup d’Etat constitutionnel du Canada : Un avertissement à la classe ouvrière)

Une avalanche de mauvaises nouvelles économiques, de demandes croissantes de l’industrie pour de l’aide d’urgence ainsi que le fait d’être passés à deux doigts de perdre le pouvoir ont donné matière à réflexion aux conservateurs.

Harper a indiqué lundi que son gouvernement acceptait maintenant la nécessité d’une aide économique. « Nous aurons clairement un déficit budgétaire », a-t-il affirmé à CTV. « Nous aurons à dépenser des milliards de dollars qui n’étaient pas prévus. »

Le Globe and Mail, La Presse et d’autres grands quotidiens de la grande entreprise qui ont critiqué les conservateurs pour ne pas avoir agi au moment même où les Etats-Unis et divers pays européens prenaient des mesures pour stimuler leurs économies pressent les conservateurs et les libéraux, maintenant dirigés par le droitiste Michael Ignatieff, de travailler ensemble pour formuler un budget qui répondra à la crise.

Malgré ces exhortations, il est loin d’être certain que les principaux partis de la bourgeoisie canadienne en arrivent à un terrain d’entente. L’élite du Canada demeure profondément divisée sur l’ampleur, la forme et la cible de toute tentative d’aide économique. Ces divisions ont de plus un fort caractère régional, opposant le secteur des ressources de l’Ouest aux manufacturiers de l’Ontario et du Québec.

Alors que les conservateurs, avec le plein soutien des partis de l’opposition, sont rapidement venus à l’aide des banques avec des dizaines de milliards de dollars, ils ont dû être encouragés par l’opposition, le gouvernement libéral de l’Ontario et des sections de Bay Street à fournir de l’aide aux trois grands constructeurs automobiles de Détroit. Vendredi dernier, le ministre fédéral de l’Industrie Tony Clement a annoncé que les gouvernements du Canada et de l’Ontario s’étaient mis d’accord sur un projet d’aide avec les constructeurs, mais un projet dépendant d’une aide supplémentaire fournie par le gouvernement américain.

Le premier ministre de la Colombie-Britannique Gordon Campbell, un droitiste notoire, a régulièrement parlé contre un « sauvetage » de l’industrie de l’automobile, dénonçant les travailleurs de l’automobile comme étant des « gros richards », tout en argumentant que « l’équité régionale » requiert que tout soutien au secteur de l’automobile vienne avec un soutien comparable pour l’industrie forestière dévastée de la Colombie-Britannique.

Le premier ministre de l’Alberta, Ed Stelmach, dans une chronique du National Post où il accueillait la fermeture du parlement par la gouverneure générale, a expliqué clairement l’opposition de son gouvernement progressiste-conservateur vis-à-vis le soutien à des industries « non compétitives » et à des dépenses sociales accrues. « [N]os efforts doivent être mis sur des mesures qui encouragent une reprise soutenue… Nous n’allons pas, » écrit Stelmach, « appuyer des politiques qui nous divisent et qui ciblent des régions et des industries particulières de manière non équitable. »

Le cabinet conservateur lui-même semble être divisé sur des bases régionales et idéologiques quant à la façon de réagir à la crise qui s’accentue. La semaine dernière, peu après que le ministre des Finances, Jim Flaherty, ait encore jeté de l’eau froide sur les appels pour une action gouvernementale urgente en disant que « paniquer et faire les mauvais choix serait dévastateur pour l’économie canadienne », son collègue ontarien, le ministre de l’Industrie Tony Clement, a dit que les conservateurs sont prêts à aider les industries en « détresse ».

Pendant ce temps, la crise s’accentue. 70 600 emplois ont été perdus en novembre, la plus grosse perte mensuelle depuis 1982, amenant le taux de chômage au Canada à 6,3 pour cent. En tenant compte que les Etats-Unis sont environ 10 fois plus gros que le Canada, les pertes en novembre au Canada étaient proportionnellement plus grandes que le demi-million d’emplois supprimés aux Etats-Unis.

Beaucoup plus que la moitié des emplois perdus au Canada le mois dernier, 42 000, étaient dans le secteur manufacturier et 66 000 de ces emplois se trouvaient en Ontario, le cœur industriel du Canada et aussi la province, mise à part peut-être l’Alberta, la plus économiquement intégrée aux Etats-Unis.

Un rapport de PricewaterhouseCoopers, publié le 8 décembre et basé sur les déclarations de revenus de 15 compagnies forestières négociées sur le marché, a dit que l’industrie forestière canadienne a perdu 553 millions de dollars dans le troisième trimestre de cette année. Cela inclut 303 millions de dollars en restructuration et en perte de valeur, c’est-à-dire les coûts reliés aux coupes dans la production et dans les fermetures d’usine. Et l’avalanche de fermetures est loin d’être terminée. Plus tôt ce mois-ci, AbitibiBowater a annoncé qu’elle fermait son usine de Grand Falls-Windsor à Terre-Neuve à la fin du mois de mars, éliminant environ 800 emplois.

Le secteur de la construction de maisons canadien est en train d’être ravagé. Les mises en chantier ont chuté de 19 pour cent en novembre, amenant le taux annuel désaisonnalisé des mises en chantier à 172 000, le plus bas niveau depuis 2001. Les reventes de maisons, pendant ce temps, étaient de 42 pour cent plus basses le mois dernier qu’en novembre 2007 et sont maintenant à leur plus bas niveau depuis janvier 2001.

On peut dire que le secteur manufacturier du Canada est en récession depuis quelque temps, mais l’économie canadienne a été soutenue dans les dernières années par la hausse du prix des matières premières, particulièrement la hausse des prix du pétrole. La récente chute dans les prix des matières premières a secoué l’économie canadienne, faisant baisser la valeur du dollar canadien — il transige présentement juste au-dessus de 80 cents américains, alors qu’il était près de la parité en juin — et forçant les compagnies basées sur les ressources à sabrer dans les investissements.

Cela s’applique tout spécialement aux sables bitumineux de l’Alberta, le centre de l’industrie pétrolière canadienne. Au cours des dernières semaines, EnCana Corp, Petro-Canada et Suncor Energy, parmi d’autres, ont retardé des milliards d’investissements prévus dans le développement de projets d’exploitation des sables bitumineux. Selon un quotidien, « Le ralentissement signifie en fait qu’au moins 40 milliards de dollars d’investissements prévus en Alberta pourraient ne pas se concrétiser. »

L’industrie minière et de la transformation du minerai diminue aussi radicalement sa production et ses investissements. Rio Tinto, qui a acheté le fabricant d’aluminium Alcan l’an dernier, a annoncé la semaine dernière qu’il repoussait ou suspendait « plus de 6,8 milliards $ de dépenses prévues au Canada », y compris une expansion de 800 millions de ses opérations dans les mines de fer au Labrador et des projets d’aluminerie au Québec et en Colombie-Britannique. « Tout s’est écrasé avec une ampleur que personne ne pouvait anticiper » a dit le PDG de Rio Tinto, Dick Evans, au Globe and Mail.

Xstrata fermera deux mines de nickel à Sudbury qui étaient autrefois la propriété de Falconbridge et la société brésilienne Vale fermera la mine Copper Cliff, aussi à Subdury, ayant longtemps appartenu à Inco.

La crise économique a aussi l’échec de l’entente d’achat de Bell Canada Entreprises (BCE), une entente qui avait été célébrée sur Bay Street pour être la plus grande acquisition de l’histoire canadienne et qui avait demandé un jugement de la Cour suprême pour aller de l’avant. (La plus haute cour canadienne a renforcé les droits de propriété en déclarant que le conseil de direction de l’entreprise n’avaient en prendre en compte que les meilleurs intérêts des actionnaires, et pas ceux des détenteurs de bons de BCE, lorsqu’il négociait la vente de la compagnie.)

La vente de BCE s’est effondrée après qu’un audit eut déterminé qu’après l’achat, BCE, dont la valeur des actions en bourse a diminué brutalement au cours des derniers mois comme celle des autres compagnies considérées comme très sûres, serait insolvable.

Selon le Wall Street Journal, Nortel Networks qui, tout comme BCE, a été un des joyaux de la couronne du capitalisme canadien, considère faire faillite. Le plus grand fabricant d’équipement de télécommunications d’Amérique du Nord, Nortel a inscrit le mois dernier des pertes de 3,4 milliards $ pour son troisième trimestre et a annoncé qu’il mettait à pied cinq pour cent de son personnel, soit 1300 personnes, et gelait les salaires pour les autres.

Dans une tentative de relancer l’activité économique, la Banque du Canada a annoncé le 9 décembre une diminution de 0,75 point du taux directeur gérant le taux d’intérêts des prêts interbanques. Cette diminution a amené le taux à 1,5, soit son plus bas niveau depuis 1958.

Expliquant son geste, la banque a dit qu’elle n’était plus inquiétée par l’inflation, puisque celle-ci diminuera nécessairement à cause de la récession mondiale.

Traditionnellement, les banques canadiennes ont réduit leurs taux d’intérêt en phase avec la Banque du Canada, mais, tout comme la dernière fois où la banque centrale a diminué son taux directeur, ce ne fut pas le cas cette fois-ci. Plutôt, elles ont diminué leur meilleur de taux de seulement 0,5 point qui est maintenant de 3,5 pour cent.

Les banques n’ont accepté d’accorder la précédente diminution du taux d’intérêt de la Banque du Canada qu’après que le gouvernement fédéral eut accepté de lancer un programme pour permettre à la Société d’hypothèque et logement du Canada de racheter 25 milliards $ d’hypothèques. A la mi-novembre, ce programme avait déjà triplé en valeur. Le gouvernement a aussi dit qu’il garantirait plus de 200 milliards de prêts interbancaires.

Nancy Hughes Anthony, à la tête de l’Association canadienne des banquiers, a défendu le fait que les banques commerciales ne transmettent pas les diminutions du taux d’intérêt, disant au Globe and Mail que le coût net d’un emprunt avait augmenté et continuera d’augmenter jusqu’à ce que « les banques puissent enlever un peu de pression sur leurs marges de profit ».

Le gouvernement a refusé de critiquer les banques. Un porte-parole du ministre canadien des Finances, Jim Flaherty a dit que les banques « prenaient leurs décisions de façon indépendante en réponse aux mesures prises par la Banque du Canada… Tous les Canadiens voudraient clairement obtenir de plus faibles taux d’intérêts et que toute la diminution du taux directeur soit transférée aux consommateurs. Toutefois, nous sommes dans une situation où les conditions mondiales du crédit ont été resserrées à un niveau inégalé, rendant le prêt et l’emprunt très difficiles. »

Dans leurs demandes pour une aide gouvernementale, les représentants des industries auprès du gouvernement font valoir que le crédit se fait rare. Au Canada comme ailleurs, les banques et les autres institutions financières qui ont obtenu une aide gouvernementale l’utilise pour avancer les intérêts de leurs propriétaires, en embellissant les bilans financiers, en faisant des acquisitions, en payant des dividendes, plutôt que de faciliter le crédit.

« Notre priorité aujourd’hui est de nous assurer que les compagnies qui voient une diminution rapide de leurs carnets de commandes continuent à avoir accès au crédit », a déclaré Jason Myers, le président des Manufacturiers et exportateurs canadiens. « La question est vraiment d’obtenir du crédit dès aujourd’hui. »

Les travailleurs au Canada et de par le monde font face à un assaut massif sur leurs emplois et leurs conditions de vie, alors que la grande entreprise et l’Etat capitaliste travaillent main dans la main pour leur faire porter le poids de la crise économique.

Les syndicats et le parti social-démocrate, le NPD, ont quant à eux fait la preuve de leur soumission entière au système de profit et de leur inutilité pour défendre les travailleurs. Leur première réponse à la crise économique a été de se joindre au parti traditionnel du pouvoir de la grande entreprise canadienne, le Parti libéral, pour former une coalition sous la direction des libéraux. Un tel gouvernement, s’il devait jamais prendre le pouvoir, serait un gouvernement de droite qui implémenterait le plan de 50 milliards en diminution d’impôts pour les compagnies promis par les conservateurs, qui ferait la guerre en Afghanistan jusqu’en 2011 et qui organiserait des plans d’aide pour les industries, comme celle du secteur automobile, où l’aide gouvernementale serait liée à l’élimination des emplois et à des concessions contractuelles (voir La coalition libérale-NPD au Canada : un outil de la grande entreprise).

Aujourd’hui, alors que la bourgeoisie canadienne, en soutenant le coup d’Etat constitutionnel des conservateurs, a démontré son opposition à la coalition, le NPD a signalé qu’il était prêt à travailler avec Harper tout autant qu’avec les libéraux. Dans une interview télévisée dimanche dernier dans l’émission « Question Period » sur le réseau CTV, le chef du NPD Jack Layton a dit qu’il comprenait pourquoi Michael Ignatieff, qui est devenu chef du Parti libéral la semaine passée, rechignait à soutenir la coalition et déclarait qu’elle était avant tout un moyen de faire pression sur les conservateurs pour qu’ils introduisent un plan de relance économique dans le prochain budget. « Je peux le comprendre. Il vient de commencer à ce nouveau poste. Je crois que c’est raisonnable pour lui de prendre cette position », a dit Layton.

Le chef du NPD a ajouté que, tout comme Ignatieff, il n’exclut pas soutenir le budget conservateur, même s’il doutait que les conservateurs prendraient les mesures nécessaires. Faisant montre d’une indifférence complète aux questions des droits démocratiques soulevées par la fermeture du Parlement par les conservateurs, Layton a déclaré « C’est la saison des miracles. Aurons-nous un miracle dans ce budget ? Peut-être devons-nous être ouverts à cette possibilité. »

(Article original anglais paru le 17 décembre 2008)


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