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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: grève de la faim d’immigrés retenus: « Nous refusons d’être traités comme des sous-hommes »

Par Ajay Prakash
4 janvier 2008

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Des immigrés sans-papiers protestent depuis le 20 décembre contre leurs conditions d’arrestation et de détention dans le centre de rétention administrative (CRA) de Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) près de Paris. Un bon nombre d’entre eux sont en grève de la faim et exigent d’être traités comme des « êtres humains » et non comme des « numéros. »

Dans un premier temps, la préfecture a indiqué que la situation était «calme». Mais le directeur de cabinet de la préfecture, Philippe Portal, a ensuite reconnu que «la moitié des retenus avaient refusé de manger leurs repas» et qu'«un rassemblement spontané sur le terrain central» avait bien eu lieu.

Un porte-parole représentant les protestataires, Benjamin Badikadila, a dit aux médias le 1er janvier que 80 pour cent des plus de 100 retenus avaient l’intention de poursuivre leurs manifestations. Les protestations se sont propagées à deux autres CRA de la région pendant le week-end, dont une a été dispersée par les CRS (police anti-émeute.)

La manifestation est soutenue par le groupe de solidarité aux sans-papiers, RESF (Réseau éducation sans frontière.) Le jour de l’an, RESF a organisé une manifestation de quelques 60 personnes devant le centre de Mesnil-Amelot avec la participation de personnalités du show business.

Un retenu a dit à la presse que la nuit du 30 au 31 décembre, pour la deuxième nuit consécutive, « des policiers ont « entouré » vers minuit les retenus qui se trouvaient dans la cour et qui refusaient de gagner leurs chambres en criant ‘Liberté!’ » Il y avait 50 policiers casqués et armés de matraques. D’après un autre retenu, quelques manifestants ont été blessés et ont été rentrés de force dans leurs chambres. Les immigrés ont dit qu’ils avaient été dérangés dans leur sommeil par 8 ou 10 comptages la nuit précédente.

D’après RESF, « Chaque nuit, des incidents ont lieu …Brutalités policières, déplacement des 'meneurs', accélération des expulsions - le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour étrangler le mouvement. »

Les sans-papiers retenus ont brandi des slogans tels « Non à l'arbitraire », « non à l'humiliation », « la France : pays des droits de l'homme », « l'immigration enrichit. » Ils arborent ces messages pour manifester leur désaccord face à des conditions d'arrestation et de rétention « indignes » qui « déchirent des familles entières. »

Un appel d’urgence lancé par les grévistes de la faim le 27 décembre expliquait que l’objectif gouvernemental de 25 000 déportations d’ici le 1er janvier signifiait que « la police expulse tout le monde et n’importe qui. » Dénonçant la pratique des pièges policiers dans les commissariat et préfectures quand les immigrés vont faire des démarches administratives et les rafles policières, l’appel déclare : « Nous refusons d'être traités comme des sous-hommes et appelons l'ensemble des gens qui pensent encore que nous sommes des êtres humains à dire ‘Stop !’ à cette politique raciste. Nous ne sommes pas des militants politiques venus foutre le bordel chez vous mais bel et bien des travailleurs désireux de vivre dignement. »

L’appel se termine par ces mots, « Moi, Abou N'adinor, mes compagnons d'infortune Nabil, Paul et tous les autres vous demandons d'exprimer votre désaccord avec la politique d'Apartheid de votre pays. » et exige « Fermeture immédiate des centres de rétention. Des papiers pour tous. Libre circulation, libre installation. Arrêt immédiat de toutes les expulsions. »

Les grévistes de la faim ont demandé qu’on leur téléphone au centre de rétention afin qu’ils puissent informer les gens sur leur situation, et aussi que les gens qui les soutiennent leur apportent des cigarettes et des cartes téléphoniques.

Des milliers d’immigrés sans-papiers, soumis à une procédure d’expulsion, sont retenus dans des centres de rétention sans les droits et conditions de vie basiques, attendant d’être déportés dans leur pays d’origine. Non seulement y sont retenus des adultes mais aussi, et illégalement, des enfants.

Le terme de « pièges policiers » utilisé par les grévistes fait référence aux pratiques illégales dont font usage les préfectures dans la chasse aux sans-papiers. Par exemple, les sans-papiers sont convoqués à la préfecture pour des procédures administratives concernant leur titre de séjour. Quand ils se présentent ils sont arrêtés par la police des frontières qui les attendait et qui est bien déterminée à atteindre son objectif annuel de 25 000 reconduite aux frontières. Cette année, malgré des efforts considérables, ils n’ont atteint que le chiffre de 21 000.

Un immigré, professeur de mathématiques arrêté le 15 décembre et vivant en France depuis 6 ans et travaillant pour une société privée de cours particuliers, a dit au Monde qu’il regrettait d’avoir été « trop honnête ... J'ai déposé un dossier de régularisation … Je ne leur ai rien caché, je leur ai transmis mon passeport, mes fiches de paie, d'impôts, le nom des enfants qui avec mon aide ont réussi leur bac… Car, comme tout le monde, je travaille et paie des impôts. J'ai été débouté. Et alors que je n'avais pas encore été convoqué devant le tribunal administratif pour mon recours, le commissariat de police m'a convoqué pour réexamen de mon dossier. Mais c'était un piège : j'ai été arrêté…Nous ne sommes pas que des chiffres. »

Les actions policières répressives sont en nette augmentation depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement droitier gaulliste du président Nicolas Sarkozy en mai 2007. La vie est devenue un vrai cauchemar pour les sans-papiers qui ont peur de sortir et vivent constamment avec la peur d’être arrêtés.

La plupart des sans-papiers retenus au centre de rétention de Mesnil-Amelot sont en France depuis de nombreuses années, plusieurs d’entre eux depuis 10 à 15. Didier Inowlocki de la CIMADE (Comité intermouvement auprès des évacués), organisation humanitaire chrétienne, seule habilitée à intervenir au nom des retenus de Mesnil-Amelot a dit que plusieurs sans-papiers lui avaient dit qu’ils faisaient une grève de la faim et que deux d’entre eux refusaient de boire. Néanmoins la préfecture a démenti tout mouvement « organisé » de grève de la faim. Inowlocki a confirmé que « lorsqu'un mouvement de protestation se déclenche, les étrangers leaders sont changés de centre pour casser le groupe. »

Un éditorial du site web de la Cimade déclare que « la rétention administrative est, en principe, une dérogation au droit, permettant à l’Administration de détenir, dans des locaux non pénitentiaires, un étranger devant être éloigné du territoire.» Il fait remarquer de plus que l’allongement de la durée maximale de rétention (qui est passée de 12 jours à 32), l’augmentation du nombre des centres de rétention ainsi que leur taille et les quotas de reconduite à la frontière fixés par le gouvernement ont fait que « la rétention administrative a glissé peu à peu d’une logique de ‘privation administrative de liberté’ vers une logique d’internement, transformant progressivement ces lieux en ‘camps.’» (Italiques ajoutées)

Un groupe de cinéastes soutenant les immigrés sans-papiers a produit un film documentaire avec l’aide de RESF et de quelques enseignants. Le film nous présente quelques-uns des enfants de sans-papiers.

Ces derniers parlent de leur angoisse quotidienne. Voici ce que disent certains d’entre eux : « Nous vivons dans des hôtels meublés, des appartements, des chambres dans lesquelles on s’entasse. Chaque jour on a peur. On a peur que nos parents soient arrêtés par la police quand ils vont au travail, quand ils prennent le métro. On a peur qu’on les mette en prison, que nos familles soient séparées et qu’on nous renvoie dans des pays qu’on ne connaît pas. On y pense tout le temps. » (Pour voir ce film: http://www.youtube.com/watch?v=QYP1Y6TsOO4)

Un décret gouvernemental du 30 décembre établit pour l’usage de la police un fichier informatisé, fichier Eloi, des étrangers en situation irrégulière « faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ». Ce décret permet la collecte de l’identité des parents et des enfants de l’immigré, la langue pratiquée, l’état de la procédure de déportation ou « la nécessité d'une surveillance particulière au regard de l'ordre public. » L'adresse et l'identité de l'hébergeant d'un étranger assigné à résidence pourra aussi être relevée.

Avant qu’il ne soit amendé, ce décret permettait aussi de collecter des données relatives aux visiteurs des personnes placées en détention administrative. 

Pierre Henri, directeur de l’association France Terre d’Asile a fait remarquer que le fichier s'inscrit encore « dans une philosophie Big Brother et Père Fouettard qui tend à faire de l'immigration une question d'affrontement permanent », avec l'assimilation des étrangers à des délinquants.  

Le gouvernement Sarkozy est confronté à l’opposition populaire sur la question de l’arrestation de milliers de sans-papiers. Mais la complicité des syndicats et de la « gauche » officielle aide Sarkozy à mettre en place son programme d’attaques sur les droits et conditions de vie des travailleurs. L’augmentation de la pauvreté et des inégalités sociales dans une situation où les partis soi-disant de gauche ne proposent aucune issue à la crise, engendrent diverses formes d’attitudes réactionnaires telles la xénophobie et le racisme qui divisent les travailleurs immigrés de ceux nés en France. De plus, avec de nouvelles explosions sociales plus importantes et inévitables en France, la nouvelle vague de répression contre les immigrés est le prélude à des attaques sur la classe ouvrière toute entière.

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