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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Obama vire à droite sur les questions de l’Irak et du militarisme

Par Bill Van Auken
5 juillet 2008

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L’adoption d’éléments essentiels du programme du Parti républicain et le largage des positions qu’il a avancées durant sa campagne des primaires sous le thème « Un changement dans lequel vous pouvez croire » est maintenant quotidien, alors que le candidat présidentiel du Parti démocrate, Barack Obama, fait un virage sur les chapeaux de roue vers la droite.

Dans ses discours et ses conférences de presse de mercredi et jeudi, Obama a continué à identifier sa campagne au soutien pour le militarisme américain, alors qu’il prend ses distances de sa promesse de campagne des primaires d’établir un échéancier pour le retrait des troupes de combat américaines hors de l’Irak.

A Colarado Springs mercredi dernier, Obama a donné un discours sur l’enrôlement qui louangeait l’armée américaine et promettait de faire grossir ses rangs.

Tout en proposant l’expansion d’Americorps, des Peace Corps et d’autres entités civiles, Obama a été clair sur le fait que l’enrôlement à laquelle il veut soumettre les jeunes Américains est celui dans l’armée.

Il a commencé en évoquant les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur New York et Washington et s’est plaint de l’échec de l’administration Bush de lancer « un appel à servir » et « un appel au sacrifice ».

« Il n’y a pas de défi plus grand que la défense de notre nation et de nos valeurs », a-t-il continué, louangeant les actions des soldats américains « luttant contre les talibans résilients » et « qui gardent les déserts et les villes de l’Irak ».

Quelles « valeurs » sont incarnées dans la destruction systématique des sociétés afghane et irakienne et le meurtre de millions de civils dans la tentative d’imposer l’hégémonie américaine sur les régions riches en pétrole de la planète, le candidat démocrate ne l’explique pas.

Plutôt, il a insisté sur la « nécessité de soulager nos troupes de leur fardeau, tout en s’adressant aux défis du 21e siècle ». Que ces « défis » signifient la continuation des guerres déjà engagées et de nouvelles guerres est clair. En tant que président, a-t-il dit, il « appellerait une nouvelle génération de jeunes Américains à joindre les rangs de l’armée », promettant d’augmenter le nombre des soldats de 65 000 et celui des marines de 27 000.

Dans un contexte où l’armée lutte pour atteindre ses quotas actuels de recrutement, cette proposition soulève véritablement la question de savoir si l’enrôlement que considère Obama ne signifie le retour de conscription obligatoire.

Lors d’une conférence de presse à Fargo dans le Dakota du Nord jeudi avant de prendre la parole devant un groupe de vétérans, Obama admit qu’il « préciserait » sa position sur l’Irak lors d’un voyage dans le pays occupé cet été.

Prenant ces distances de sa promesse d’entreprendre un retrait de 16 mois des troupes de combat hors de l’Irak, le candidat a dit « J’ai toujours dit que le rythme du retrait serait dicté par la sécurité pour nos soldats et le besoin de maintenir la stabilité. » Pendant ce temps, il a indiqué que son opposition à la continuation de l’occupation en Irak au niveau actuel reposait sur la nécessité plus urgente d’envoyer des troupes en Afghanistan.

Les conseillers d’Obama ont été plus explicites. Son principal conseiller sur la politique étrangère, Anthony Lake, un ancien conseiller sur la sécurité nationale de l’administration Clinton, a dit à la presse qu’une future administration démocrate se consacrerait à conserver « une force résiduelle pour réaliser des missions précises » en Irak, ainsi que « pour préparer le terrain pour y retourner », si nécessaire. « Ce n’est pas la politique de retraiter et de voir ce qui se passera », a dit Lake, un des architectes des interventions soi-disant humanitaires de l’administration Clinton en Somalie, en Haïti et dans les Balkans.

Pendant ce temps, on parle de plus en plus qu’Obama se prépare à maintenir à son poste l’actuel secrétaire à la Défense, Robert Gates. Son camp aurait accepté de mettre en place des équipes de transition dans les secteurs de l’armée, du renseignement et de la police pour assurer une continuation sans heurt de la « lutte globale contre le terrorisme ».

Sa victoire dans les primaires démocrates étant due pour une bonne part au fait qu’il se présentait comme un opposant à la guerre en Irak et condamnant son adversaire, Hilary Clinton, pour avoir voté en faveur de celle-là, Obama se présente maintenant comme un autre « président de guerre ».

Le virage à droite de la campagne d’Obama est si évident qu’il a été accueilli par une série de commentaires dans la presse bourgeoise. Certains s’en réjouissent et d’autres s’inquiètent que sa manœuvre est si crue qu’elle pourrait s’aliéner une couche importante de la population envers le processus électoral et exposer la tromperie que constitue le système des deux partis.

Le Christian Science Monitor de jeudi, par exemple, fait référence à des inquiétudes que le virage à droite d’Obama était « un risque particulièrement pour les jeunes électeurs, qui se sont présentés et ont milité pour Obama et qui pourraient être désillusionnés par sa politique de style traditionnelle. »

Parmi ceux qui se réjouissent, on trouve le Wall Street Journal qui a publié un éditorial ce mercredi intitulé « Le troisième mandat de Bush ». Le Wall Street Journal, dont la ligne éditoriale reflète généralement le point de vue des sections de la droite du Parti républicain qui domine l’administration Bush, a souligné qu’Obama disait constamment qu’une victoire de McCain signifierait un « troisième mandat de George Bush ».

« Peut-être est-il inquiet que l’on remarque qu’il est le candidat qui veut le faire » a affirmé l’éditorial.

L’éditorial continuait en notant que l’annonce par Obama il y a deux semaines qu’il votera en faveur de la loi de l’administration Bush qui légitimera le programme d’écoute électronique intérieur tout en offrant une immunité rétroactive aux compagnies de télécommunications qui l’ont aidé dans l’accomplissement illégal de cet espionnage systématisé. L’éditorial indiquait aussi son retrait de ses promesses électorales pour un échéancier pour le retrait des troupes américaines en Irak. Et il a mentionné qu’Obama avait appuyé le financement par l’État de programmes sociaux « basés sur la foi », tout comme une série de déclarations calculées sur les soi-disant questions chaudes de la droite politique, qui vont des armes jusqu’à la peine de mort.

Un autre appel démagogique qu’Obama a abandonné est sa prétention qu’il s’opposait au traité de libre-échange et qu’il était proche de la position protectionniste de la bureaucratie syndicale. Dans une interview récente qu’il a donnée au magazine Fortune, le candidat a déclaré « J’ai toujours été un défenseur du libre échange » et a admis qu’une partie de la rhétorique des primaires sur cette question était allée « trop loin ».

« Maintenant, que nous sommes en élection générale, a écrit le Wall Street Journal, il ne peut plus se permettre de faire peur à la communauté des affaires. » Il semble que la Bourse ne soit pas très terrorisée. Selon des données compilées par le Center for Responsive Politics, Obama a obtenu presque 8 millions en contribution des sociétés de courtage, presque le double du montant obtenu par son rival républicain, John McCain.

L’éditorial du Wall Street Journal a conclu cyniquement, mais avec raison, que « le prochain président, démocrate ou républicain, fera sienne une bonne partie de la politique étrangère et politique antiterroriste de M. Bush, qu’il l’admette ou non. »

En bout de piste, ce représentant de la droite de Wall Street critique Obama non pas pour sa politique, mais plutôt pour être ce qu’il appelle une « personnalité politique » douteuse, ce qui signifie qu’on a pas encore entièrement confiance en sa détermination à entreprendre des guerres à l’étranger et des attaques contre la classe ouvrière au pays même que l’élite exige.

Le virage à droite d’Obama est la manifestation d’un système dans lequel la politique des deux grands partis est déterminée par une petite couche riche de la population qui n’a que mépris pour la volonté et les sentiments de la population américaine.

Le programme de droite énoncé par Obama met la table pour une autre élection où les masses des travailleurs aux Etats-Unis n’auront pas de moyen d’exprimer leur immense hostilité à la politique de la guerre, à la destruction de leur niveau de vie et à la politique réactionnaire à laquelle est identifiée l’administration Bush.

L’évolution rapide d’Obama dans la foulée des primaires expose les politiques de tromperie et de manipulation de l’opinion publique utilisées dans sa campagne depuis le début. Elle n’a jamais représenté un soulèvement de la base, mais plutôt une tentative d’éléments de l’élite dirigeante de mettre en oeuvre certains changements de politique concrets mais limités, tout en utilisant Obama pour donner un nouveau visage à l’impérialisme américain qui est discrédité au pays et à l’étranger.

La tentative d’utiliser la campagne d’Obama afin de tromper de larges couches de la population qui cherchent du changement bénéficie de l’appui proactif et crucial de la majorité de la soi-disant « gauche » américaine. Ils tentent de masquer ou d’excuser la trajectoire vers la droite des démocrates. Certains avancent l’argument cynique qu’Obama ne fait que ce qui est nécessaire pour être élu, car, selon leurs dires, le peuple américain est arriéré et droitier. D’autres soutiennent qu’il réagit aux pressions de l’establishment et qu’il doit être ramené dans la bonne voie par des pressions de la gauche.

Représentante typique de la deuxième école, la journaliste libérale de gauche Arianna Huffington, qui a publié sur son site Internet un conseil à Obama, a averti ce dernier que « se maintenir au centre est une stratégie perdante ».

Elle lui a plutôt demandé de « s’adresser aux 82 millions de personnes qui n’ont pas voté en 2004 », ajoutant : « La raison d’être de la campagne Obama n’était-elle pas au départ de pousser l’électorat à exiger un changement fondamental ? »

En réalité, Obama fait maintenant campagne pour son véritable programme, celui d’un politicien corrompu et réactionnaire de la grande entreprise. Il laissera la tâche de continuer à promouvoir des illusions sur sa candidature à des éléments comme Huffington, The Nation, et d’autres de la soi-disant gauche, pendant que lui oriente son discours vers ses électeurs clés, soit l’aristocratie financière et les forces de l’Etat.

Les démocrates n’ont aucun intérêt à prendre le pouvoir avec un mandat de « changement fondamental », car ils ne souhaitent aucunement réaliser de telles transformations. En fait, le dernier virage de la campagne d’Obama vise en grande partie à créer une nouvelle base définitivement conservatrice pour des politiques qui seront, en ce qui concerne les éléments clés, en continuité avec celles de l’administration Bush.

En dernière analyse, la promotion d’illusions dans Obama et les démocrates ne sert qu’à bloquer l’émergence d’une véritable alternative basée sur la mobilisation politique indépendante des masses de la classe ouvrière.

Une chose est sûre, les politiques d’une future administration Obama ne seront pas déterminées par les anciennes postures populistes du candidat ni par les pressions exercées par les libéraux de gauche. Elles seront plutôt dictées par l’énormité de la crise économique et politique à laquelle fait face le capitalisme américain et par ce qui est nécessaire pour défendre les intérêts de classe de l’élite dirigeante dans ces conditions. Le virage à droite durant la campagne est une préparation à cette tâche fondamentale.

(Article original anglais paru le 4 juillet 2008)

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