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Le président Sarkozy en visite en Israël pour jouer le rôle d’intermédiaire dans un alignement régional

Par Alex Lantier
3 juillet 2008

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Le président français, Nicolas Sarkozy, s’est rendu en Israël du 22 au 24 juin pour réaffirmer son engagement à l’Etat d’Israël et pour maintenir les pressions diplomatiques sur l’Iran et la Syrie, les cibles actuelles désignées des Etats-Unis au Proche-Orient. La visite de Sarkozy fait partie de l’offensive diplomatique française continue au Proche-Orient, avec visites de représentants au plus niveau dans les anciennes colonies françaises, le 7 juin au Liban et le 15 juin en Syrie.

Réagissant à un changement de la politique américaine au Proche-Orient, Sarkozy tente de gagner le plus de prestige possible et de tirer un profit commercial de ses efforts pour rétablir un ordre politique régional qui a été déstabilisé par la politique étrangère israélo-américaine.

Israël est présentement engagé dans une guerre verbale avec l’Iran, qu’il a à plusieurs reprises menacé d’attaquer. Il continue de perpétrer des attaques contre le gouvernement palestinien du Hamas dans la Bande de Gaza. Après avoir déclenché une guerre soutenue par les Etats-Unis contre le Liban en 2006, il est impliqué dans une confrontation intense avec la milice chiite libanaise bien armée du Hezbollah qui avait combattu Israël en le forçant au retrait en 2006.

Dans son discours prononcé à la Knesset le 23 juin, Sarkozy a fait comprendre que ses efforts en vue de rétablir la situation s’ancreraient fermement dans un paramètre acceptable pour Washington et pour Tel-Aviv.

Il a dénoncé le prétendu programme nucléaire de l’Iran en réaffirmant l’engagement de la France à la sécurité israélienne. Au sujet de l’Iran il a dit que : « le programme nucléaire militaire de l’Iran appelle une réaction d’une extrême fermeté de toute la communauté internationale. Israël doit savoir qu’Israël n’est pas seul ! La France est déterminée à poursuivre avec ses partenaires une politique alliant des sanctions de plus en plus dures jusqu’à l’ouverture, si Téhéran faisait le choix de respecter ses obligations internationales. Mais je veux le dire avec force : un Iran doté de l’arme nucléaire est inacceptable pour mon pays ! »

Se décrivant comme un « ami d’Israël » et « intransigeant » sur sa sécurité, Sarkozy a déclaré son « admiration » pour la fondation de l’Etat d’Israël, il y a 60 ans, événement que les Palestiniens désignent par « la catastrophe ».

Au sujet des relations israélo-palestiniennes, Sarkozy a dit, « La sécurité d’Israël […] ne sera véritablement assurée que lorsqu’à ses côtés, on verra un Etat palestinien indépendant, moderne, démocratique et viable. » Il a appelé, pour la forme, à un arrêt de la colonisation israélienne dans les terres palestiniennes. Dans sa réponse au discours de Sarkozy, le dirigeant israélien de l’opposition et ancien premier ministre, Benjamin Netanyahu, a fait l’éloge de Sarkozy en le qualifiant de « véritable ami d’Israël » et s’est s’empressé de rejeter l’appel à un arrêt de la colonisation.

Sarkozy a brièvement rencontré Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne (PA), le 24 juin à Bethléem pour signer un accord de 21 millions de dollars américains prévoyant l’établissement d’une zone industrielle franco-palestinienne. Il a refusé de déposer une couronne sur la tombe du dirigeant nationaliste palestinien, Yasser Arafat, et a chargé la ministre française de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie de le faire à sa place.

La proposition la plus substantielle contenue dans le discours de Sarkozy devant la Knesset a été la référence au sommet des pays de la Méditerranée du 13 juillet à Paris auquel Israël, la Syrie et le Liban sont invités. Il est largement attendu que le sommet fournira l’occasion de négociation entre les trois pays. Sarkozy s’est cependant limité à exprimer le vague espoir que « le vieux rêve de l’unité du monde méditerranéen n’est pas mort, mais qu’au contraire il est assez vivant pour pouvoir encore soulever le monde » et qu’« Israël, comme l’Autorité palestinienne, comme le Liban, comme la Syrie trouveront leur place ».

Les responsables israéliens auraient pressé Sarkozy de ne pas établir trop rapidement des liens diplomatiques avec le Liban et surtout la Syrie. Le 22 juin, le quotidien israélien Haaretz avait rapporté que « La France a promis de ralentir son rapprochement avec la Syrie jusqu’à ce que la Syrie fasse preuve de sa volonté de se distancer de l’axe extrémiste, notamment de l’Iran. » Haaretz poursuivit en citant des conseillers anonymes d’Olmert : « La France est un facteur très important dans le désengagement de la Syrie de "l’axe du mal" et donc "des cartes doivent être mises de côté pour être jouées dans les tours à venir". »

Le quotidien israélien Yedioth Ahronoth a écrit le 24 juin qu’Olmert « présentera trois conditions à Sarkozy pour les négociations [avec le Liban] : des pourparlers directs entre les deux gouvernements, la pleine application de la résolution 1701 de l’ONU, y compris l’arrêt de la contrebande d’armes du Hezbollah via la Syrie, et l’application de la résolution 1680. » La résolution 1680 appelle à engager des négociations libano-syriennes au sujet des frontières, notamment au sujet des fermes de Sheba’a occupées par Israël, le démantèlement des milices libanaises, telles le Hezbollah et l’extension du contrôle de l’armée libanaise sur l’ensemble du territoire libanais.

Sarkozy se porte ainsi volontaire pour servir d’intermédiaire afin d’aider Israël à imposer des conditions lors de ses négociations avec les anciennes colonies françaises et où la France exerce encore une influence substantielle. La France est le premier investisseur étranger au Liban et le premier partenaire commercial étranger de la Syrie.

Le 7 juin, Sarkozy a rendu visite au nouveau président libanais, Michel Sleimane, qui a été élu le 25 mai après la tenue de négociations à Doha, la capitale du Qatar, entre les partis libanais. Sarkozy était accompagné d’une délégation massive comprenant les dirigeants de presque tous les partis bourgeois français : le premier ministre, François Fillon, le dirigeant de l’opposition sociale-démocrate (PS), François Hollande, la dirigeante du Parti communiste (PCF), Marie-George Buffet, le dirigeant du MoDem, François Bayrou ainsi que plusieurs ministres du gouvernement Sarkozy.

Le magazine français Le Point a cité Sarkozy : « Depuis trop longtemps, la situation de blocage et de crise au Liban empêchait la reprise progressive d’un dialogue, [mais] les choses sont peut-être en train de changer. […] J’avais dit que je reprendrais des contacts avec la Syrie seulement lorsque des développements positifs et concrets seraient intervenus au Liban en vue d’une sortie de crise. Il faut bien reconnaître que l’accord de Doha, l’élection du président Sleimane, la reconduction de Fouad Siniora dans ses fonctions de premier ministre constituent de tels développements. J’en ai tiré les conséquences et j’ai appelé le président [syrien] [Bachar al-]Assad pour lui faire part de mon souhait de voir le processus de mise en œuvre de l’accord se poursuivre. »

Le 10 juin, le ministre syrien de la Culture, Riyad Nassan Agha El-Qalaa, est venu à Paris et le 15 juin le conseiller diplomatique français Jean-David Levitte et le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant se sont rendus à Damas pour rencontrer le président syrien. En plus de l’arrangement d’entretiens avec les responsables syriens et libanais lors du sommet du 13 juillet, le gouvernement français a également invité Assad à assister au défilé militaire traditionnel du 14 juillet. Assad n’aurait à ce jour pas encore répondu à l’invitation.

Ces démarches ont lieu à un moment où survient un changement de la politique américaine dans la région et où des négociations continues se tiennent entre Israël et la Syrie. Le candidat présidentiel présumé du Parti démocrate, Barack Obama, a annoncé qu’en cas d’élection il envisagerait des négociations avec l’Iran. Dans un article publié le 5 juin dans le Wall Street Journal et intitulé « Il est temps de parler avec la Syrie », les sénateurs John Kerry (démocrate du Massachusetts) et Chuck Hagel (républicain du Nebraska) ont lancé un appel à Bush et à Assad pour l’ouverture de négociations directes.

Ils ont écrit : « Les dernières annonces faites au sujet des négociations de paix entre Israël et la Syrie sous les auspices de la Turquie, et un accord entre les factions libanaises au Qatar, tous deux apparemment sans implication significative américaine, devraient nous servir d’avertissement que notre politique de non-engagement nous a isolés plus que les Syriens. […] Pour soutenir Israël et pour isoler l’Iran, le président Bush devrait offrir un soutien direct aux négociations israélo-syriennes. »

Dans la course pour le prestige et l’avantage que rapporte la supervision de telles négociations, Sarkozy est dans une certaine mesure en concurrence avec l’impérialisme américain, profitant de l’impopularité des Etats-Unis dans la région et de l’attention portée par les Etats-Unis à leur campagne présidentielle. Le journal Haaretz a écrit le 22 juin : « Alors qu’une nouvelle administration américaine se fait attendre, la France peut jouer le rôle de la superpuissance mondiale. » Le quotidien Le Monde a répété cette opinion : « les relations particulières [de Sarkozy] avec Israël […] ne peuvent que renforcer son influence et celle de la France, au moment où s’ouvre aux Etats-Unis la période de l’élection présidentielle ».

Le fait que la France se mette en avant a rapporté des bénéfices substantiels aux entreprises françaises. Le magazine économique américain Forbes a écrit le 18 juin que pour la première fois de son histoire, à savoir en 23 ans, des commandes étrangères de l’avion de chasse Rafale de Dassault étaient attendues, dont une centaine du Proche-Orient. Le journal a cité Richard Aboulafia, analyste chez Teal Group qui a dit : « Les achats d’armes américaines haut de gamme effectués au Proche-Orient ne sont pas exactement au goût du jour en ce moment, » pour conclure : « L’intérêt porté au Rafale pourrait être un autre indice les Etats-Unis sont laissés en plan. »

De manière plus générale, toutefois, pour exercer une influence à échelle mondiale, l’impérialisme français reste tributaire de l’impérialisme américain. Sarkozy adopte généralement une attitude pro-américaine et est actuellement impliqué dans des discussions pour faire réintégrer la France dans le commandement militaire de l’OTAN dont elle s’était retirée en 1966 sous le président Charles de Gaulle. Ses lignes d’approvisionnement pour sa nouvelle base militaire du golfe Persique qui est installée dans les Emirats arabes unis passent par les eaux de l’océan Indien qui sont dominées par la marine américaine.

Le New York Times a également rapporté le 19 juin que la firme pétrolière française Total était l’une des cinq principales firmes pétrolières à être engagées dans des négociations pour obtenir une part des champs pétrolifères d’Irak. Ecarté initialement de l’Irak en raison de l’opposition de la France à l’invasion de 2003, Total s’est vu accorder une part du champ pétrolifère de Majnoun par les firmes pétrolières américaines en août 2007, peu après l’élection de Sarkozy comme président.

(Article original paru le 26 juin 2008)

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