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Le Congrès américain approuve le sauvetage de géants du refinancement hypothécaire par le gouvernement

Par Barry Grey et Andre Damon
30 juillet 2008

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Moins de deux semaines après que l’administration Bush a demandé au Congrès d’approuver un plan sans précédent pour utiliser de façon illimitée les fonds publics dans le but de sauver les géants du refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, le Sénat s’est joint samedi à la Chambre des représentants en donnant son accord à la loi en question et en la faisant parvenir à la Maison-Blanche pour la signature du président Bush.

Le projet de loi voté par le Congrès donne au secrétaire du Trésor le pouvoir unilatéral d’utiliser les fonds publics afin de rescaper les deux entreprises, dont les chartes ont été déterminées par le gouvernement mais qui sont de propriété privée. Pour rendre possible ce sauvetage, la loi hausse la limite de la dette du gouvernement fédéral de 800 milliards, soit jusqu’à 10 600 milliards de dollars. Cela augmente le coussin entre la limite d’endettement et l’actuelle dette fédérale à 1 100 milliards de dollars. La loi rend ainsi possible un sauvetage de Wall Street qui ferait paraître insignifiant le sauvetage de 160 milliards de dollars dont a bénéficié l’industrie des prêts et de l’épargne à la fin des années 1980.

La Chambre des représentants a voté la loi jeudi dernier à 272 contre 152, 45 républicains se joignant à 227 démocrates en faveur de la législation. Le vote au Sénat, mené lors d’une rare séance un samedi, passa à 72 contre 13, tous les sénateurs démocrates se prononçant en sa faveur.

L’extraordinaire rapidité avec laquelle la loi a été passée souligne le fait le plus fondamental de la vie politique américaine : la subordination totale du Congrès et des deux partis à l’aristocratie financière américaine. Lorsqu’il s’agit des intérêts vitaux de Wall Street, l’impasse au Congrès si souvent déplorée disparaît et les deux partis s’activent pour fournir les votes nécessaires au sauvetage des grands intérêts financiers. (Voir « Sauvetage de géants du refinancement hypothécaire : les politiques de la ploutocratie américaine »)

Les clauses de la loi étaient liées à une législation sur le logement, parrainée par les démocrates, qui chemine à travers le Congrès depuis des mois. Dans un contexte où des millions d’Américains perdaient leur maison à cause de pratiques de prêts usuraires et risquées par les compagnies de financement hypothécaire et les banques, le Congrès n’avait pas concrétisé l’aide minimale contenue dans la proposition démocrate. Seul le quasi effondrement de Fannie Mae et Freddie Mac, qui détiennent à eux deux plus de la moitié de la dette hypothécaire de 12 000 milliards de dollars du pays, a incité le Congrès à voté la loi à laquelle a été liée le sauvetage des créanciers hypothécaires.

Les actions du président Bush démontrent l’existence d’une ploutocratie derrière la façade de la démocratie américaine. Bush a menacé durant des mois d’opposer son veto aux mesures d’aides sur le logement, en désaccord avec une clause allouant 4 milliards de dollars aux gouvernements municipaux et des Etats pour acheter et remettre à neuf des maisons ayant été saisies. Il a répété sa menace de veto plus tôt la semaine dernière. Mais en quelques jours, après avoir discuté avec le secrétaire du Trésor Henry Paulson, ancien directeur général de Goldman Sachs dont la fortune est évaluée à plusieurs centaines de millions de dollars, Bush s’est rétracté et a dit qu’il allait signer la loi combinée sur l’aide au logement et le sauvetage de Fannie Mae et Freddie Mac.

Le projet de loi approuvé par le Congrès est long de 694 pages. Il est certain que peu de congressistes et de sénateurs ont lu le texte de la loi qu’ils ont votée. Le New York Times a rapporté dimanche une « clause peu remarquée » qui donne à l'institution fédérale garantissant les dépôts bancaires, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), une plus grande autorité pour consolider le système d’épargne et de prêt. Elle permet à la FDIC de créer, suivant un modèle mis en place en 1991, des « coussins » pour les banques d’épargne et de prêt qui déclarent faillite, comme IndyMac en Californie qui a déposé son bilan plus tôt ce mois-ci.

L’ensemble de la loi fournit aussi 15 milliards de dollars en allègements fiscaux reliés à la maison, dont une partie ira à un crédit d’impôt de 7 500$ pour ceux qui achètent une maison pour la première fois, le reste allant aux bâtisseurs de maisons et à d’autres grandes entreprises. Il y a d’autres articles « enfouis profondément dans la législation », selon le Times, qui accordent des faveurs spéciales au monde des affaires. Le Times écrit : « Et il y a une clause conçue sur mesure pour Chrysler pour qu’elle puisse bénéficier d’une incitation fiscale même si la compagnie est maintenant structurée en partenariat et non en entreprise. »

Le reste du projet de loi met de côté une somme dérisoire pour les détenteurs d’hypothèques ordinaires. La législation comprend des clauses pour aider plusieurs centaines de milliers de propriétaires de maison qui font face à la saisie en permettant aux banques de refinancer leurs hypothèques sous garantie gouvernementale dans des conditions légèrement plus favorables. Si tous ceux qui se qualifient pour le programme décident de refinancer leurs maisons sous les nouvelles conditions, seulement un sixième des 2,5 millions de propriétaires de maison qui courent le risque d’être dépossédés cette année seront touchés. Mais, des 400 000 personnes qui sont couvertes par la clause, il est estimé que seulement une fraction recevra de l’assistance. De plus, vu que le plan de couverture du gouvernement sera compensé par des frais additionnels pour les propriétaires de maison, la dépense encourue par le gouvernement sera vraisemblablement négligeable.

Le bureau du budget du Congrès estime que la part du projet de loi qui va à l’aide aux propriétaires de maison coûtera au gouvernement fédéral seulement 2,5 millions de dollars lors des cinq à sept prochaines années. Ce chiffre fait fortement contraste avec les fonds essentiellement illimités rendus disponibles par le gouvernement aux compagnies financières, sous la seule discrétion du secrétaire au Trésor.

Le gouvernement fédéral a créé Fannie Mae et Freddie Mac respectivement en 1938 et en 1970 afin d’accroître les options financières pour les propriétaires de maison. Dans les dernières années, les firmes ont été partiellement supplantées par le marché des prêts hypothécaires qui prenait de l’ampleur. Mais, Fannie et Freddie ont maintenu un avantage compétitif parce que les marchés prenaient pour acquis que leurs dettes étaient couvertes par le gouvernement, ce qui leur permettait d’emprunter à des taux plus bas. Malgré une série de scandales impliquant leur haute direction, les firmes ont maintenu leurs positions privilégiées par d’énormes efforts de lobbying.

Avant l’appel à l’aide au gouvernement lancé par Paulson deux ans plus tôt, le gouvernement américain n’avait pas d’engagement explicite à se porter au secours de Fannie Mae et de Freddie Mac. Témoignant devant le Congrès en octobre 2003, l’ancien secrétaire au Trésor, John Snow, disait ceci : « Nous ne croyons pas qu’il y ait aucune garantie du gouvernement » pour les deux prêteurs, tout en ajoutant : « Ce n’est pas, pour nous, une réalité, mais c’est une perception d’une garantie implicite. » Malgré tout, les deux partis et toutes les sections du gouvernement ont  maintenant plongé à la rescousse des compagnies.

Le passage rapide et écrasant du nouveau projet de loi montre clairement que les deux partis sont unis derrière Wall Street, les Démocrates se faisant dans plusieurs cas plus insistants que les Républicains pour exiger que des fonds du gouvernement soient injectés dans les firmes financières en difficulté. Immédiatement après le passage du projet de loi au Sénat, le candidat démocrate à la présidence, Barack Obama, a donné son accord implicite aux sauvetages de Wall Street proposés par Paulson et le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, en faisant le commentaire suivant : « Je pense que le président Bernanke n’avait pas la partie facile et je pense que certaines des décisions qu’il a prises étaient les bonnes. »

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