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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Les leçons politiques de la grève à American Axle

Déclaration du World Socialist Web Site et du Parti de l’égalité socialiste
7 juin 2008

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Plus tôt cette semaine les travailleurs d’American Axle sont retournés au travail après une grève de trois mois au Michigan et à New York. La lutte, l’une des plus longues grèves de l’industrie de l’automobile depuis des décennies, s’est conclue par une amère défaite pour les travailleurs.

Plus de la moitié des 3650 travailleurs qui sont revenus au travail, dont 1100 à Détroit, perdront leur emploi. Les autres verront leurs salaires passer de 28 dollars l’heure à 18,50 dollars, et même dans certains cas à aussi peu que 10 dollars.

Mercredi, lors d’un appel conférence avec les investisseurs de Wall Street, le directeur général Richard Dauch a affirmé que la nouvelle entente allait réduire les coûts de main-d’oeuvre de 50 pour cent, épargnant ainsi à la compagnie 300 millions de dollars. « Je suis heureux de rapporter, s’est-il vanté, que nous avons atteint tous ces objectifs ».

La ratification à 78 pour cent du contrat tant détesté indique à quel point les travailleurs n’avaient aucune confiance d’obtenir quoi que ce soit de plus à travers le syndicat des Travailleurs unis de l’automobile (United Automobile Workers, UAW) s’ils continuaient la grève. Avant même que ne débute la grève, les UAW avaient annoncé qu’ils étaient prêts à imposer des baisses de salaire considérables. Le syndicat laissa ensuite les travailleurs isolés sur les piquets de grève durant 87 jours en leur payant de maigres indemnités de 200 dollars par semaine. Au bout du compte, les UAW se présentèrent avec une entente de concessions et dirent aux travailleurs : « C’est à prendre ou à laisser. »

Croyant qu’il n’y avait pas d’autre alternative, les travailleurs votèrent pour l’entente, une majorité optant pour les indemnités de départ volontaire, immédiatement ou dans un avenir proche. Beaucoup, sans aucun doute, rejoindront la migration des ex-travailleurs de l’automobile à l’extérieur du Michigan, où 143 000 emplois de ce secteur de l’industrie, ou 45 pour cent du total, ont été éliminés depuis 1999.

La trahison des UAW à American Axle, tout comme pour les concessions offertes précédemment à Delphi et aux Trois Grands de l’automobile, sera utilisée afin d’établir de nouveaux standards pour la réduction permanente des salaires. Frappés par les coûts élevés de l’essence, le resserrement du crédit et la baisse des ventes, General Motors et Ford ont déjà annoncé qu’il y aurait des baisses marquées dans la production des camionnettes et des VUS.

Cela n’est que le prélude à une nouvelle vague de mises à pied, de faillites et de demandes de concessions dans l’industrie de l’automobile, de l’aviation et dans le reste de l’économie américaine. Les directeurs généraux et les investisseurs ne seront satisfaits que lorsque l’industrie de l’automobile sera un secteur à bas salaire, sans avantages sociaux ni sécurité d’emploi pour les travailleurs.

Le Parti de l’égalité socialiste est attaqué depuis longtemps par diverses organisations gauchistes de la classe moyenne pour soutenir que les UAW et l’AFL-CIO ne constituent plus des organisations de la classe ouvrière et que les travailleurs doivent rompre avec ces organisations corporatistes, une position adoptée par notre parti au début des années 1990. L’issue de la grève à American Axle et toute la trajectoire des syndicats depuis presque trois décennies démontrent la justesse de cette position.

La « gauche » ouvrière joue un rôle absolument critique pour la bureaucratie syndicale, cherchant à encourager l’illusion que les UAW et les autres syndicats peuvent être réformés. Tout en ne faisant rien pour mobiliser les travailleurs contre la trahison de la grève, ces ex-radicaux et dissidents syndicaux – incluant Wendy Thompson, l’ancien président du local syndical à l’usine de Detroit American Axle et un partisan de Labor Notes – soutiennent constamment l’autorité des UAW, prétendant que la grève pouvait être gagnée en faisant pression sur la direction pour qu’elle entreprenne la lutte.

Finalement, ces individus agissent en tant qu’agents politiques d’organisations réactionnaires qui participent à l’exploitation des travailleurs. Depuis le début des années 1980, on assiste à une série sans fin de grèves trahies, année après année. Mais pour les organisations telles que le Workers World, l’International Socialist Organization et la Ligue spartakiste, il n’y a jamais de conclusion à tirer.

Ils insistent tous pour dire que le syndicalisme – et sa perspective visant à réformer le capitalisme – est toujours une perspective viable pour la classe ouvrière. Pour eux, la nécessité pour les travailleurs de construire un mouvement politique luttant pour une alternative socialiste au système capitaliste est, au mieux, rhétorique.

Pourtant, c’est précisément ce qui est requis. La grève d’American Axle fait partie d’une lutte plus large de la classe ouvrière aux États-Unis et internationalement, qui prend place dans des conditions d’une crise sans précédent du système capitaliste mondial.

Des millions de travailleurs font face à des reprises de maison, à des attaques contre leurs emplois et leurs conditions de vie, à l’augmentation dévastatrice du coût de l’essence, de la nourriture et d’autres dépenses quotidiennes. Ce sont tous des manifestations de la faillite du capitalisme, un système économique et politique qui subordonnent les besoins des masses laborieuses du monde aux demandes de profit et d’un enrichissement toujours croissant de l’élite corporative et financière.

Le boum économique d’après la Seconde Guerre mondiale a été l’âge d’or du réformisme syndical, lorsque l’industrie des États-Unis contrôlait le marché mondial et que le Japon et l’Allemagne étaient encore en train de se rebâtir suite à leur destruction durant la guerre. Rejetant explicitement toute rupture d’avec le Parti démocrate et une lutte politique contre le système capitaliste, Reuther et les autres dirigeants des UAW subordonnèrent l’avenir de la classe ouvrière à la perpétuité de la domination mondiale de la grande entreprise américaine.

La prétention selon laquelle les intérêts des travailleurs et ceux des compagnies pouvaient être réconciliés a éclaté dans les années 1980, lorsqu’en réponse au déclin historique de la position globale des États-Unis, la grande entreprise américaine lança une vague d’attaque contre les emplois et les conditions de vie des travailleurs américains, et qui se poursuit jusqu’à ce jour.

Pendant que l’économie américaine perdait du terrain par rapport à ses rivaux japonais et européens, les intérêts financiers les plus puissants poursuivaient délibérément une politique de désindustrialisation, qui a mené à la destruction de 5 millions d’emplois manufacturiers depuis 1979, et d’attaques implacables sur le niveau de vie des travailleurs américains. Cela était destiné à libérer le capital d’industries non profitables dans le but d’investir dans diverses formes de spéculation financière, incluant la bulle des prêts hypothécaires à haut risque et de l’immobilier.

Au même moment, les entreprises américaines ont de plus en plus relocalisé leur production vers des zones de main d’œuvre bon marché afin de réduire les coûts, d’être compétitifs face aux rivaux étrangers et de garantir de vastes profits à partir de l’exploitation des travailleurs pauvres de l’Amérique latine et de l’Asie. American Axle, par exemple, a ouvert une usine à Guanajuato au Mexique, où les travailleurs sont payés un salaire journalier de 130 pesos ou 12,50 $.

Le PDG de l’entreprise, Richard Dauch — qui a empoché 250 millions de dollars depuis qu’il a pris les rênes de la compagnie en 1994 — est un cas typique de la couche sociale qui s’est enrichie directement aux dépens de la classe ouvrière.

Pendant les trois dernières décennies, 80 pour cent des gains en revenus nets aux Etats-Unis sont allés au 1 pour cent le plus riche de la population, qui contrôle maintenant la plus grande part du revenu national depuis 1928. Ces 300 000 personnes — dont les revenus ont augmenté à une moyenne de 1,1 millions de dollars — profitent collectivement de presque autant de revenus que les 150 millions d’Américains les plus pauvres. Selon les données de l’impôt, par personne, le groupe supérieur reçoit 440 fois plus de revenus que la personne moyenne de la moitié inférieure, doublant ainsi l’écart depuis 1980.

Peu après que la grève ait commencé, Dauch a menacé de fermer ses usines américaines et de déplacer la production vers des pays à faible salaire si les travailleurs n’acceptaient pas ses demandes. Vu que les UAW acceptent pleinement et défendent le système capitaliste, ils n’ont aucune réponse à donner face à ce chantage économique.

Ne voulant pas et étant incapable de se battre pour l’unité internationale de la classe ouvrière, les UAW ont tenté de convaincre la compagnie de maintenir un nombre minimal d’emplois aux Etats-Unis en offrant des salaires toujours plus bas et des conditions de travail encore pires. La nouvelle convention inclurait des garanties de la part de la compagnie que celle-ci va reconnaître les UAW à des usines non-syndiquées aux Etats-Unis et va étendre sa production à des usines du Michigan et de l’Ohio où les UAW avaient signé des accords salariaux séparés et où les employés seraient payés aussi peu que 10 $ l’heure. Cela va garantir que la bureaucratie des UAW va continuer à prélever des cotisations syndicales, même si les travailleurs obtiennent des salaires de misère.

Le point culminant de son soutien au système capitaliste a été la transformation des UAW eux-mêmes en une compagnie faisant du profit. L’année dernière, le syndicat a augmenté son revenu provenant des investissements, même si le nombre de membres a chuté de plus de 70 000 et que les travailleurs ont souffert de dévastatrices pertes d’emploi et de réductions de salaire.

En échange d’un accord sur une échelle de salaire à deux vitesses acceptée par les UAW chez GM, Ford et Chrysler l’année dernière, le syndicat s’est vu donné le contrôle d’un fond de retraite de plusieurs milliards de dollars et de dizaines de millions de parts dans les actions de GM et Ford. Cela donnera aux entrepreneurs qui dirigent les UAW un incitatif financier direct dans les attaques continues sur les emplois des travailleurs et leurs niveaux de vie.

Les UAW ont fait la preuve de leur complète inutilité dans la défense des intérêts de la classe ouvrière. Ce n’est pas une organisation de la classe ouvrière, mais une organisation contrôlée  par une couche des classes moyennes aisées dont les intérêts sont hostiles aux membres qu’ils représentent prétendument.

On ne parle pas ici de la corruption de certains représentants syndicaux ou d’un manque de volonté de lutter, comme il est affirmé par les différents gauchistes. Ce qui est en jeu, c’est le rôle du syndicat dans la subordination des travailleurs au système capitaliste. La forme politique que cela prend est le soutien au Parti démocrate.

Les travailleurs doivent briser ces organisations pro-corporatistes et construire de nouveaux organes de lutte. Avant tout, les travailleurs doivent s’organiser, pas simplement sur la base des lieux de travail, mais en tant que classe internationale dont l’intérêt commun est la réorganisation de la vie politique et économique pour satisfaire les besoins de la majorité de la société, pas de quelques riches.

L’industrie automobile mondialisée comprend le travail collectif de dizaines de millions de travailleurs, y compris les ouvriers dans les usines, les ingénieurs, les scientifiques et les autres. Cette industrie consomme une bonne partie des ressources mondiales. Elle ne peut être laissée entre les mains de chefs exécutifs de la grande entreprise, de gestionnaires de capital de spéculation et autres spéculateurs dont le but n’est pas d’offrir un moyen de transport sécuritaire et à bon marché, mais plutôt d’augmenter leur fortune personnelle. C’est ce qui a mené au pillage d’immenses quantités de travail humain et de ressources essentielles et qui a ruiné des villes industrielles comme Detroit et Buffalo.

Pour que l’industrie de l’automobile soit gérée pour le bien commun et non pour le profit privé, il faut qu’elle devienne propriété publique et placée sous le contrôle démocratique des travailleurs en tant que partie de la fondation d’une économie planifié et socialiste. C’est seulement de cette façon que les grands avancements de l’informatique, de la robotique et de l’intégration internationale de la production seront utilisés au bénéfice de tous et que le niveau de vie de ceux qui produisent les moyens de transport sera protégé.

Un tel programme horripile le Parti démocrate qui, tout autant que le Parti républicain, défend le système du profit.

Il faut noter que les deux candidats en lice pour l’investiture démocrate n’ont pas dit un mot sur la grève avant la veille de la trahison des UAW. Dans un discours qu’il a prononcé devant un collège d’une banlieue de Detroit, Obama a cherché à combiner une soi-disant sympathie envers les grévistes avec des louanges pour l’innovation et la compétitivité améliorée des compagnies américaines de l’automobile. Mais les compagnies de l’automobile n’ont réussi à améliorer leur position concurrentielle qu’au moyen d’attaques impitoyables sur les emplois et les conditions de vie des ouvriers de l’industrie automobile.

Il n’est pas possible de réconcilier les intérêts de la grande entreprise américaine et de Wall Street d’un côté avec ceux de la classe ouvrière de l’autre. S’il réussissait à devenir président, Obama, qui comme tous les autres politiciens capitalistes est soutenu par des sommes colossales provenant des compagnies, devra loyalement défendre la grande entreprise et chercher à faire payer la crise économique qui s’approfondit à la classe ouvrière.

La grève chez American Axle montre le conflit irréconciliable que l’on trouve au cœur de la société américaine et de par le monde : la lutte de classe. Pour que la classe ouvrière s’unisse et lutte pour ses intérêts communs, elle doit s’unifier dans un mouvement politique qui s’est donné pour but de réorganiser fondamentalement les priorités de la société.

Les besoins de la classe ouvrière, des emplois qui paient bien, le système de santé, l’éducation, le logement et un monde sans guerre, doivent prendre préséance sur la course égoïste et destructrice pour le profit individuel. Le principe directeur doit être la lutte pour l’égalité sociale, l’élimination de la pauvreté et l’augmentation du niveau de vie de par le monde au moyen de l’utilisation consciente et rationnelle des ressources productives de l’humanité.

La lutte pour cette perspective socialiste est l’unique façon de raviver le mouvement ouvrier aux Etats-Unis et internationalement. Nous demandons à tous les ouvriers de l’automobile et à tous les travailleurs d’étudier l’histoire et le programme du Parti de l’égalité socialiste et de prendre la décision de le joindre et de le construire en tant que nouvelle direction révolutionnaire de la classe ouvrière.

(Article original anglais paru le 31 mai 2008)

Lire aussi :

Il faut rejeter la capitulation de l’UAW devant American Axle et mobiliser les travailleurs de l’automobile contre les attaques sur les emplois et les salaires! [23 mai 2008]


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