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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Obama remporte la nomination présidentielle démocrate

Par Patrick Martin
13 juin 2008

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Le sénateur Barack Obama a remporté mardi dernier la nomination présidentielle du Parti démocrate alors que des dizaines de superdélégués (des congressistes, des sénateurs, des gouverneurs et des représentants du parti) se sont empressés d’appuyer sa candidature lors de la dernière journée de la campagne des primaires.

Obama et Hillary Clinton se sont partagé les deux dernières primaires, Obama remportant le Montana, mais perdant le Dakota du Sud. Toutefois le nombre de délégués en jeu dans ces deux Etats peu populeux, soit 31, était négligeable par rapport aux 200 superdélégués qui commencèrent à se ranger de façon décisive derrière Obama alors qu’il approchait le total de 2118 délégués requis pour la nomination.

Une déclaration émise communément par quatre importants leaders démocrates, le président du parti Howard Dean, le speaker de la Chambre Nancy Pelosi, le chef de la majorité au Sénat Harry Reid et Joe Manchin, le président de l’Association des gouverneurs démocrates, ont demandé à tous les superdélégués qui n’avaient pas encore pris de décision pour le candidat à la présidentielle de faire leur choix avant vendredi.

ABC News rapporta mercredi soir que Clinton se retirerait officiellement de la course et appuierait Obama d’ici là. Elle ne fit toutefois pas cette concession lors de son discours à ses supporters mardi soir, après la fermeture des bureaux de scrutin au Dakota du Sud.

La lutte pour la nomination présidentielle démocrate fut la plus longue de l’histoire américaine moderne. Obama prit une avance considérable parmi les délégués démocrates dans les trois dernières semaines de février lorsqu’il remporta 11 primaires et caucus consécutifs. Clinton remporta neuf des 14 dernières primaires, mais fut incapable de combler l’avance de plus de 150 délégués accumulée par son opposant.

Clinton débuta la campagne avec d’énormes avantages sur sa demi-douzaine de rivaux, dont un appui institutionnel et financier beaucoup plus important, mais s’avéra finalement crucialement affaiblie par son vote en octobre 2002 pour autoriser la guerre en Irak. Sa décision de donner à Bush le pouvoir d’envahir l’Irak représente deux mauvais calculs de sa part : surestimer la puissance de l’impérialisme américain, et sous-estimer le niveau d’opposition à la guerre qui allait émerger de la population américaine.

La campagne d’Obama ne fut d’aucune façon véritablement une campagne « antiguerre », bien qu’il se soit adressé à l’hostilité populaire face à la guerre en Irak et ait constamment relié Clinton et Bush à son refrain selon lequel la guerre en Irak est « une guerre qui n’aurait jamais dû être autorisée ni menée ».

Le sénateur de l’Illinois représente une section de l’élite dirigeante américaine qui est arrivée à la conclusion que l’invasion et la conquête de l’Irak constituent un fiasco stratégique et qu’un important changement d’image et de personnel est requis pour sauver les intérêts de l’impérialisme américain au Moyen-Orient et internationalement. Ces couches ne s’opposent pas aux actions militaires comme telles, mais perçoivent l’idée fixe de l’administration Bush de remporter une victoire militaire en Irak comme peu judicieuse et, tout compte fait, désastreuse.

Bien avant qu’Obama ne soit connu partout, remplissant des stades et obtenant des millions de petites contributions par Internet, sa candidature s’était méritée l’appui d’une importante section de l’establishment démocrate des Affaires étrangères, y compris des personnages tels que l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Carter, Zbigniew Brzezinski, et l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Clinton, Anthony Lake.

Ils ont été amenés vers Obama non pas tant en raison de sa critique de l’administration Bush — qui n’est pas particulièrement vigoureuse, même en tenant compte des faibles standards des démocrates au Congrès — qu’en raison de l’effet symbolique qu’une élection du premier président afro-américain aurait en ce qui a trait à faire revivre des illusions, autant internationalement qu’à l’intérieur des Etats-Unis, dans les prétentions démocratiques du capitalisme américain.

Avec la nomination d’Obama garantie, les médias américains se sont se sont empressés de répandre de telles illusions. Les réseaux de télévision ont dédié d’interminables heures à glorifier le grand accomplissement de la démocratie américaine qu’est la nomination, pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, d’un afro-américain pour la campagne présidentielle d’un des deux principaux partis bourgeois.

Il n’y a pas de doute que de telles illusions sont présentement répandues, et pas seulement parmi les travailleurs provenant des minorités et les jeunes originaires de différents milieux ethniques qui sont véritablement consternés par les huit ans de guerre, de réaction et de déclin social de l’administration sortante de Bush et Cheney.

Mais l’importance de la nomination d’Obama, tout comme son élection le 4 novembre, si cela devait arriver, ne peut être jugée sur la base de considérations aussi superficielles que la couleur de la peau. Malgré les prétentions incessantes des médias ainsi que des partisans et apologistes du Parti démocrate, Obama ne représente pas plus les intérêts des noirs et des minorités que Hillary Clinton ne représente les intérêts de toutes les femmes.

Mais, Obama et Clinton sont des représentants politiques de l’élite dirigeante américaine, la petite aristocratie financière qui contrôle tous les leviers économiques et politiques dans la société américaine, incluant les deux partis « importants » officiellement reconnus et les médias de masse.

Obama est un fervent défenseur du système de profit et a l’appui de certains des plus riches individus, incluant l’investisseur milliardaire Warren Buffet qui est devenu, cette année, l’homme le plus riche des Etats-Unis, surpassant Bill Gates de Microsoft.

Comme le sénateur Obama, Buffet est un homme intelligent et il n’appuie pas le démocrate de l’Illinois parce qu’il recherche une transformation radicale de la société américaine. Il soutient Obama parce qu’il reconnaît, comme le reconnaissent les sections plus réfléchies de l’élite dirigeante, qu’au moins un changement cosmétique est requis dans la vie politique américaine pour empêcher un soulèvement de la base.

La nomination d’Obama n’est pas le produit d’une insurrection populaire contre l’establishment du Parti démocrate ou d’un mouvement de masse, comme certains des partisans plus aveugles d’Obama provenant de la gauche libérale le prétendent maintenant. Le rôle des masses dans la campagne d’Obama est le mieux démontré par les manifestations comme celles organisées mardi soir à St-Paul au Minnesota où le public est utilisé comme faire-valoir pour une campagne de marketing très habile et bien orchestrée. Le but de cette campagne est de remettre à neuf la politique capitaliste américaine sans toucher à ses fondations pourries.

Obama se fait l’instrument volontaire, et jusqu’à un certain point, conscient de cette campagne. Cela a été clairement démontré dans les circonstances débutant par l’épinglette du drapeau incorporé dans son étiquette, ancien objet d’attention des médias, et ensuite par le contenu de son discours mardi soir dans lequel il se déclarait le vainqueur de la lutte pour la nomination démocrate aux élections présidentielles.

Obama attaqua son opposant républicain présomptif, le sénateur John McCain, sur sa politique « maintenir le cap » en Irak, mais il présenta sa critique de la guerre en terme nationaliste.  La politique de Bush et McCain, a-t-il dit, « demande tout à nos braves hommes et femmes en uniformes et rien des politiciens irakiens, » comme si c’était l’Irak qui exploitait les États-Unis, et non l’inverse. Il cita les coûts de la guerre pour le peuple américain, sans mentionner le coût beaucoup plus élevé infligé à la population irakienne par l’invasion américaine et son occupation, qui a virtuellement détruit l’Irak en tant que société fonctionnelle.

Au même moment, le candidat démocrate repoussait encore plus loin son soi-disant engagement à mettre fin à la guerre, déclarant en termes implicites tout rejet d’un rapide retrait des troupes, « Je ne suis pas ici pour prétendre qu’il reste beaucoup de bonnes options en Irak. » Il ajouta, « Nous devons être aussi prudent à nous retirer de l’Irak que nous avons été imprudents à nous y rendre, mais nous devons débuter le retrait. » À un certain moment durant la campagne, Obama avait suggéré que toutes les troupes de combats allaient être retirées durant sa première année à la Maison-Blanche. C’est maintenant devenu une vague promesse de « début de retrait », une promesse qui ouvre la porte à une occupation d’une durée essentiellement indéfinie.

Toutes troupes retirées de l’Irak deviendraient disponibles pour des opérations militaires ailleurs dans le monde, a-t-il clairement laissé entendre, particulièrement en Afghanistan, lorsqu’il a dit, « Le temps est venu de recentrer nos efforts. »

Il a affirmé son objectif de raviver l’image et la position mondiale des États-Unis : « Nous devons encore une fois avoir le courage et la conviction de diriger le monde libre. C’est là l’héritage de Roosevelt, de Truman et de Kennedy. » En d’autres termes, les présidents démocrates qui dirigèrent les États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée et les débuts de la guerre du Vietnam.

Obama poursuivit en mettant l’emphase sur une renaissance du militarisme américain dans son discours du mercredi matin au Comité des affaires publiques américaines et israélienne (AIPAC), le principal groupe de pression pro-israélien à Washington. Il déclara qu’il ne négocierait jamais avec le Hamas et les autres groupes islamiques et nationalistes qui refusent de reconnaître l’État d’Israël.

« Il n’y a pas de place à la table de négociation pour les organisations terroristes », a-t-il dit, ajoutant, « contrairement à ce que certains prétendent, je n’ai aucun intérêt à m’asseoir avec mes adversaires simplement dans le but de parler ».

Il a critiqué l’administration Bush et le sénateur McCain en prenant le point de vue que la guerre en Irak avait renforcé l’Iran, le plus important adversaire d’Israël au Moyen-Orient. Tout en répétant qu’il soutenait l’effort diplomatique amorcé avec l’Iran, il a dit : « Je laisserai toujours peser la menace d’une action militaire pour défendre notre sécurité et celle de notre allié Israël ».

Des reportages ont indiqué que les 7000 personnes qui ont participé à la conférence de l’AIPAC ont réservé un accueil beaucoup plus chaleureux à Obama qu’à McCain, qui avait donné un discours devant la même assemblée deux jours plus tôt. Obama a rampé devant le lobby sioniste, déclarant que « La sécurité d’Israël est sacro-sainte. Ce n’est pas négociable. »

Tout accord de paix au Moyen-Orient, a-t-il dit, devra « préserver l’identité d’Israël en tant qu’Etat juif avec des frontières sûres, reconnues et qu’il pourra défendre. Jérusalem sera la capitale d’Israël et elle ne sera pas divisée. »

Quant à l’Iran, le correspondant du Globe and Mail de Toronto à la conférence de l’AIPAC a commenté : « Le sénateur Obama semblait être presque autant faucon que le sénateur McCain ou que le président actuel George W. Bush. »

Obama a dit devant l’AIPAC : « Le danger que fait peser l’Iran est grave, il est réel et mon but sera d’éliminer cette menace. » Il a ajouté en des termes vagues, mais menaçants, « Je ferai tout en mon pouvoir, absolument tout, pour empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire. »

Un Obama à la présidence américaine ne représentera pas un changement fondamental d’avec la politique de l’impérialisme américain, mais plutôt sa continuation sous une autre forme. Le premier président américain noir sera aussi déterminé à défendre les intérêts de l’élite dirigeante américaine que le premier secrétaire d’Etat noir, Colin Powell, et que celle qui lui a succédé à ce poste, Condoleezza Rice, elle aussi une afro-américaine.

Ce n’est pas la couleur de la peau, mais la position de classe qui constitue le critère politique décisif. Il est nécessaire de réitérer cette vérité fondamentale du marxisme dans un contexte où toutes les teintes de libéraux de gauche cherchent à renforcer les illusions en Obama et, par lui, dans le Parti démocrate et le système de profit dans son ensemble.

On trouve un exemple de cette position dans le dernier éditorial de la revue Nation, qui accueille le résultat de la campagne des primaires comme « un moment historique pour Obama, pour le Parti démocrate et pour l’expérience américaine. Pour la première fois, depuis la fondation de la république, un des principaux partis a nommé un Afro-américain comme candidat présidentiel. »

L’éditorial s’enthousiasme devant ce qu’il décrit comme « le fait le plus remarquable de cette course : dans un pays où les femmes et la plupart des Afro-américains n’avaient pas le droit de vote en 1908, une femme et un Afro-américain se sont partagé en 2008 le plus grand nombre de votes jamais donnés dans une course pour choisir un candidat présidentiel… Pendant la plus grande partie de son histoire, les Etats-Unis ont été une démocratie incomplète. Mais, au cours des cinq derniers mois, ils ont lutté pour que se réalise la promesse d’un pays plus parfait. »

La revue concluait par une louange pour le Parti démocrate, le parti qui pendant un siècle a défendu l’esclavage et l’apartheid racial du sud des Etats-Unis : « L’histoire se rappellera que le Parti démocrate, qui au milieu du vingtième siècle a défendu plus ouvertement et plus pleinement que le Parti républicain la cause de la liberté et de la lutte pour faire éclater ces plafonds de verre, commence à récolter les fruits de ses engagements passés dans les premiers mois de 2008. »

La vérité est que le Parti démocrate, tout autant que le Parti républicain, sont des instruments de l’élite dirigeante américaine, dont les différences sont tactiques plutôt que fondamentales.

Ce qui guidera une administration Obama, ce sera la crise actuelle du capitalisme américain et mondial, crise qui ira en s’approfondissant, tout comme les efforts de l’élite dirigeante américaine pour défendre sa position mondiale et sa domination au pays par tous les moyens possibles, des mots mielleux d’un candidat présidentiel du Parti démocrate jusqu’à un Etat policier d’espions et la guerre.

(Article original anglais paru le 5 juin 2008)

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