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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le gouvernement Berlusconi pousse à des pogroms racistes

Par Stefan Steinberg
29 mai 2008

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Mercredi 21 mai, lors d'une session extraordinaire dans la ville de Naples, le nouveau cabinet du Premier ministre italien Silvio Berlusconi a fait passer de nouvelles lois très dures contre les immigrés. Ces nouveaux décrets sont le prolongement de plusieurs semaines de descentes de police et de violence contre la communauté immigrée en Italie.

Cette réunion spéciale du cabinet Berlusconi avait été prévue à Naples pour s'occuper en tout premier lieu de la longue crise des déchets de la ville. À cette occasion, Berlusconi a classé les décharges de la région comme des zones militaires pour empêcher les habitants de manifester contre les rejets toxiques. Il a combiné cela avec l'utilisation du racisme, assurant que la « lutte contre les criminels étrangers » était la priorité de son gouvernement et il a mis à profit la réunion de Naples pour faire passer un certain nombre de lois répressives.

Le gouvernement Berlusconi est constitué de partis de droite et d'extrême droite, parmi lesquels l'Alliance nationale post-fasciste et la Ligue du Nord ouvertement séparatiste et raciste. Durant la phase finale de la campagne pour les récentes élections fédérales italiennes, le magnat des médias multimillionnaire a délibérément fait de la xénophobie la clef de voûte de sa campagne électorale. L'un des principaux points du programme électoral de Berlusconi consistait à identifier les immigrés, et en particulier la communauté rom, comme la principale source des problèmes économiques et sociaux de l'Italie.

Immédiatement après la victoire électorale de l'alliance de Berlusconi aux élections parlementaires, la police italienne et les carabinieri paramilitaires ont engagé une série de descentes de police contre les étrangers. Au début du mois de mai, la police a commencé à interpeller et à arrêter des travailleurs étrangers et leurs familles. Des centaines d'immigrés d'Europe de l'Est, d'Albanie, de Grèce, d'Afrique du Nord et de Chine ont été détenus et accusés de diverses infractions, dont l'entrée illégale sur le territoire italien. Cinquante-trois immigrés parmi ceux qui avaient été interpellés dans les premières semaines de la répression policière ont été immédiatement raccompagnés à la frontière pour expulsion au cours d'une opération médiatique soigneusement préparée.

La police et les forces de sécurité ont également commencé à préparer la fermeture de camps de Roms dans de nombreux endroits en Italie. Au cours d'une opération très médiatisée il y a quelques semaines, la police a fait une descente dans un camp de Roms sous le pont Milvio sur les berges du Tibre à Rome, la capitale italienne. La police a maintenu une forte présence dans cette zone après avoir évacué les caravanes, la police et les fonctionnaires de l'immigration s'attelant à l'expulsion de ceux qui n'ont pas de titres de séjour en règle.

Cette opération de police a reçu l'approbation du nouveau maire de Rome, l'ancien fasciste Gianni Alemano. Pendant sa propre campagne électorale, Alemano avait juré de démanteler les « campements nomades » où les Roms vivent « dans des conditions dignes du tiers-monde ». Lors d'une visite récente dans un de ces campements, il a déclaré son « horreur » devant ce qu'il a vu et il a commenté : « il n'y a pas de mots pour décrire ce que j'ai vu ».

En fait, les conditions de vie effroyables dans ces campements sont entièrement dues à la négligence des autorités italiennes. Les campements de Roms en Italie sont régulièrement privés de tout accès à l'eau courante et à l'électricité.

Le chef de la Ligue du Nord, Umberto Bossi, qui est aussi le nouveau ministre des réformes institutionnelles et du fédéralisme de Berlusconi, est aussi monté au créneau pour soutenir les descentes de police. « Cette opération contre les immigrés sans papiers correspond à ce que les gens veulent », a-t-il déclaré récemment. « Ils demandent que nous assurions la sécurité et nous devons le faire. »

Le pogrom de Naples

Les attaques contre la communauté rom ont ensuite atteint leur paroxysme lors d'une provocation délibérée. Le 14 mai, des gangs ont attaqué un campement de Roms dans le district de Ponticelli à Naples et l'ont réduit en cendres. L'attaque faisait suite à des reportages à sensation diffusés sur des chaînes de télévision et dans des journaux appartenant à l'empire médiatique de Berlusconi dans lesquels une femme italienne affirmait qu'une Rom de 16 ans avait essayé d'enlever son enfant. Dans le sillage des reportages et des témoignages souvent contradictoires sur le prétendu « enlèvement », une foule s'est rassemblée et a commencé à crier des insultes et à proférer des menaces contre les Roms vivant dans le campement de Ponticelli. Ses habitants ont alors été rapidement évacués du campement par la police.

Une foule agitée a alors utilisé des projectiles enflammés pour incendier le campement. Des témoins ont raconté comment les flammes surgissaient des constructions et des caravanes enflammées. Cependant, d'après plusieurs comptes-rendus publiés dans la presse, la Mafia napolitaine – la Camorra – a joué un rôle déterminant dans le pogrom.

Un témoin oculaire a écrit dans le Corriere della Sera : « Un groupe de jeunes se tient à proximité… Le chef est le petit-neveu du "maire" de Ponticelli [qui est une banlieue de Naples], Ciro Sarno, le capo d'un clan de la Camorra qui s'est installé ici. Le jeune fait un clin d'œil à son groupe et ils s'élancent sur leurs mobylettes. Dix minutes plus tard des nuages de fumée s'élèvent au-dessus du campement. »

Le gouvernement Berlusconi et les criminels du gang de la Camorra bénéficient tous les deux des derniers pogroms à Naples. Gerardo Marotta, un avocat, a déclaré au journal l'Unita cette semaine que la crise des déchets à Naples venait de l'utilisation de la région comme un moyen bon marché de se débarrasser des rejets toxiques par les industries du Nord. Il a affirmé : « Depuis plus de 40 ans, les industries du nord de l'Italie économisent les frais de retraitement de leurs rejets toxiques en confiant le travail à la Camorra, qui s'en débarrasse dans des décharges sauvages du Sud. »

En déclenchant des pogroms racistes à Naples, les gangs de la Camorra ont réussi à détourner l'attention de leur propre rôle dans le scandale des déchets de la ville. En même temps, les pogroms sont du pain béni pour le gouvernement Berlusconi en ce qu’ils  détournent l'attention de la profonde crise sociale qui sévit à Naples et dans tout le pays.

La violence de la foule à Naples avait été précédée d'une campagne xénophobe systématique menée par le gouvernement et certains médias, elle a été par la suite applaudie par des membres importants du gouvernement Berlusconi. Avant les derniers pogroms, Umberto Bossi, chef de la Ligue du Nord, avait déclaré, « Il est plus facile d'exterminer des rats que de chasser des gitans. » Après l'incendie du campement de Roms dans la banlieue de Naples, Rossi a justifié ce pogrom par ces mots : « Les gens vont faire ce que la classe politique ne peut pas faire. »

Son camarade de parti et nouveau ministre de l'Intérieur italien, Roberto Maroni, a répondu en déclarant que la meilleure façon d'empêcher les attaques contre les immigrés comme celle qui s'était produite à Naples, était d'accroître les pouvoirs de l'Etat. C'était le but des mesures prises par le cabinet italien mercredi. Les modalités du nouveau décret disposent que :

1. Pour la première fois, l'entrée en Italie sans autorisation est considérée comme un délit, ce qui permet aux autorités d'expulser ou d'emprisonner immédiatement n'importe quel étranger n'ayant pas les documents requis. L'expulsion et l'emprisonnement sont également possibles si un citoyen étranger représente une         « menace pour la société », notion qui n'est que vaguement définie.

2. Les autorités locales auront le droit de vérifier les conditions de vie des citoyens des autres nations de l'Union européenne avant de leur accorder le droit de séjour. En plus d'un permis de séjour, les immigrés devront également fournir la preuve qu'ils ont un emploi en Italie qui leur garantisse un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

3. Le nouveau décret, qui prend effet immédiatement, permet également aux autorités de confisquer toute propriété louée à des immigrés sans papiers.

Afin de mettre en application les nouvelles mesures, le ministre de la Défense italien Ignazo La Russa, a déclaré qui envisageait de déployer des troupes pour faire face à la criminalité urbaine, et le ministre de l'Intérieur a annoncé des plans pour ouvrir des camps spéciaux pour l'incarcération des « étrangers en infraction ».

Bien que la nouvelle loi italienne soit considérée par les juristes comme une violation du droit de l'Union européenne sur la libre circulation des citoyens sur le continent, les réactions des fonctionnaires de l'UE ont été soit mises en sourdine, soit elles ont tenté de minimiser les violences racistes en Italie.

Au Parlement européen, le groupe de centre droit PPE-DE – Parti populaire européen (chrétiens-démocrates) et Démocrates européens – a refusé un débat général sur les pogroms qui se déroulent en Italie. En novembre de l'année dernière, le président de ce groupe a notamment pris la défense de Franco Frattini (ancien vice-président de la commission européenne et actuellement ministre des Affaires étrangères du cabinet Berlusconi) qui insistait depuis des années pour que l'UE ferme ses frontières extérieures à « l'immigration illégale ».

Quant au président du Groupe socialiste au Parlement européen, Martin Schultz, il a réagi aux attaques racistes encouragées par l'Etat italien par un communiqué tournant autour du pot où il déclarait : « La situation en Italie est difficile. Mais nous ne voulons pas cacher le fait que la question de la protection des minorités et de l'intégration des Roms dans la société n'est pas un problème uniquement italien en Europe. »

Le rôle du gouvernement Prodi et de Refondation communiste

La première campagne contre les immigrés d'Italie et la communauté rom fut instiguée en 2007 par le précédent gouvernement de « centre-gauche » dirigé par Romano Prodi. Les dernières lois draconiennes en date prises par le cabinet Berlusconi trouvent aussi leur origine dans des lois prises par le cabinet Prodi l'année dernière – avec le soutien complet de Refondation communiste (Rifondazione Communista – RC), une organisation qui a succédé au Parti communiste italien – laquelle a été présentée comme un modèle par la gauche petite-bourgeoise à travers toute l'Europe.

À l'automne dernier, suite à une attaque brutale contre une Italienne, prétendument commise par un citoyen roumain, les médias et l'opposition de droite emmenée par Berlusconi et Bossi ont commencé une campagne systématique contre les étrangers en général et la communauté rom en particulier. À ce moment-là, le journal Corriere della Sera fit sa une sur « l'Invasion des nomades ».

Le premier à répondre à cette campagne droitière fut Walter Veltroni, maire de Rome et secrétaire général du tout nouveau Parti démocratique (PD), qui déclara publiquement que les Roms étaient responsables de 75 pour cent des petits délits commis dans la ville.

Début novembre 2007, Veltroni a alors pressé le gouvernement Prodi de faire passer un nouveau décret, N° 181 (decreto espulsion — décret d'expulsion), qui permet aux autorités d'expulser les citoyens européens qui représentent « une menace contre la sécurité publique ». Le décret était dirigé en premier lieu contre les immigrés roumains, principalement Tziganes et Roms, et permettait à la police d'expulser des groupes entiers de Roumains « pour des raisons de sécurité publique ».

Le 2 novembre, le décret N° 181 a été signé par Giorgo Napolitano, Président italien à ce moment-là et ancien dirigeant du Parti communiste italien, et ce décret a ensuite été défendu devant les parlementaires par le ministre de la Solidarité sociale, Paolo Ferrero, le seul membre de Refondation communiste du cabinet Prodi.

Pour s'assurer du soutien à sa décision, Prodi a fait du vote sur le décret d'expulsion un vote de confiance pour son gouvernement. Fin novembre, le secrétaire général de Refondation communiste, Franco Giordano a appelé à soutenir le décret, qui a été adopté par 160 voix contre 158. À une seule exception près, tous les membres de RC au Sénat ont voté pour cette mesure.

En apportant leur soutien au décret d'expulsion, les membres de RC se sont contentés de dire qu’ils espéraient qu'il n'entraînerait pas d'expulsions en masses. Le 7 novembre 2007, lorsque le Premier ministre roumain, Calin Popescu Tariceanu, a rencontré Prodi et le Pape à Rome pour discuter du rapatriement des citoyens roumains, l'ancien dirigeant de Refondation communiste Fausto Bertinotti (qui était à ce moment-là président de la chambre des députés), a déclaré sa satisfaction quant aux assurances données par le ministre de l'Intérieur Guiliano Amato (PD) sur le fait qu'il n'y aurait aucune expulsion en masse (La Repubblica, 7 novembre 2007).

Tandis que Bertinotti faisait sa déclaration, la police et le ministère de l'Intérieur italien étaient déjà en train de mettre au point une liste d'environs 5000 « immigrés indésirables » à Rome, Milan, Naples, Turin et Florence, pour une expulsion immédiate.

La liste, préparée par le gouvernement Prodi, a maintenant été ressortie des tiroirs pour être utilisée par le nouveau gouvernement Berlusconi.

Ces derniers pogroms racistes en Italie, initiés par le gouvernement, constituent une mise en accusation accablante de la politique de Refondation communiste, laquelle prétend que le meilleur moyen de combattre la droite, c'est d'adopter son programme. C’est le gouvernement Prodi, et en particulier Refondation communiste, qui portent une grande part de responsabilité pour les récentes attaques contre les Roms et les autres immigrés.

(Article original anglais paru le 23 mai 2008)

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