Le samedi 15 mars, des milliers de
personnes ont pris la rue dans toutes les principales villes au Canada, une
vingtaine en tout, Toronto, Vancouver, Montréal, Calgary et Ottawa, pour
signifier leur opposition à la guerre en Irak et à la mission militaire
canadienne en Afghanistan. Ces manifestations faisaient partie d’un
mouvement mondial pour marquer les cinq ans de guerre en Irak. Le Parti de
l’égalité socialiste a distribué la déclaration suivante aux participants
de la manifestation de Montréal.
Ce fut le 20
mars 2003, il y a maintenant cinq années, que les États-Unis, la
Grande-Bretagne et la dénommée coalition des volontaires envahissaient
l’Irak.
L’opération
militaire fut lancée après des mois de mensonges de la Maison-Blanche répétés
sans critique par les médias de masse voulant que le régime de Saddam Hussein cachait
des armes de destruction massive. Des millions de personnes de par le monde
étaient descendues dans la rue pour s’opposer à la barbarie annoncée.
La nature de
l’aventure impérialiste en Irak ne laisse aujourd’hui aucun doute.
Pas une seule arme de destruction massive n’a été trouvée, mais plus
d’un million d’Irakiens ont connu une mort
violente et des millions d’autres sont devenus
des réfugiés. La véritable nature de la démocratie en Irak est symbolisée par
la zone verte de Bagdad où les ambassades américaine et britannique et le
gouvernement fantoche irakien sont barricadés derrière des murs de barbelés,
les points d’entrée étant contrôlés par les forces d’occupation.
Plus d’un
an auparavant, les États-Unis à la tête d’une large coalition à laquelle
participait le Canada, avaient envahi l’Afghanistan au nom de « la
guerre au terrorisme ». Le 11-Septembre a été utilisé pour réaliser des
plans américains préparés depuis longtemps d’envahir la région de
l’Asie centrale, une région convoitée par les grandes puissances tant
pour ses ressources pétrolières et minières que pour son importance
géostratégique.
Les libéraux,
les conservateurs, les bloquistes et les néo-démocrates ont tous appuyé avec
enthousiasme la guerre en Afghanistan. Ce n’est qu’à la fin de 2006
que le NPD a demandé le retrait des troupes canadiennes de Kandahar. En janvier
2007, Gilles Duceppe, dans un long discours expliquant la position du Bloc
québécois devant la guerre en Afghanistan l’a résumée dans ces
mots : « noble cause ».
Les
gouvernements canadiens successifs depuis 2001, le gouvernement libéral de
Jean Chrétien d’abord, de Paul Martin ensuite et finalement le
gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper, ont vu la mission de
l’armée canadienne en Afghanistan comme un moyen de renforcer la position
géostratégique de la classe dirigeante canadienne.
Dans les mots du
chef de l’état-major des Forces armées canadiennes (FAC), le général Rick
Hillier, les missions militaires canadiennes doivent offrir « suffisamment de crédibilité pour nous donner l’occasion
d’avoir des postes de commandement et d’influencer et de modeler
des régions et des populations en accord avec nos intérêts et en accord avec
nos valeurs ».
Le Canada
n’a pas la puissance militaire des États-Unis, ni même de grandes
puissances comme la France, la Grande-Bretagne ou la Russie. Mais l’élite
canadienne est déterminée à défendre ses intérêts fondamentaux dans la nouvelle
donne internationale. Pour réaliser cet objectif, les cordons de la bourse sont
déliés, le budget de l’armée canadienne dépassant maintenant 18
milliards, une augmentation de plus de 50 pour cent en cinq ans.
Pour la grande
entreprise canadienne, l’opération afghane est la preuve tangible de son
soutien aux aventures militaires américaines, soutien qui veut faciliter
l’accès au marché américain où est exportée 40 pour cent de sa
production.
La mission de contre-insurrection des FAC
en Afghanistan est aussi une préparation pour les guerres à venir. Avec
l’intervention actuelle en Afghanistan, l’establishment canadien
cherche à habituer la population aux horreurs de la guerre et à justifier une
hausse marquée du budget militaire. En particulier, les sections les plus
puissantes de la classe dirigeante canadienne sont déterminées à mettre au
rancart la notion que le Canada est une « nation de gardiens de
paix », notion qu’elles considèrent comme un obstacle à leurs plans
d’utiliser les FAC pour affirmer agressivement leurs intérêts prédateurs
sur la scène mondiale.
L’invasion
de l’Irak n’est pas une erreur de jugement du président américain
George W. Bush ou de sa garde rapprochée. C’est en fait le même processus
de déclin économique visible aujourd’hui dans l’effondrement du crédit
aux Etats-Unis et internationalement qui sous-tend l’occupation de
l’Irak et de l’Afghanistan.
L’élite
dirigeante américaine est arrivée à la conclusion que la seule façon de contrer
son déclin économique à l’échelle mondiale est d’utiliser sa
puissance militaire inégalée à l’heure actuelle. Cette politique
militariste est encapsulée dans la doctrine dite de la « guerre
préventive », selon laquelle les États-Unis se
réservent le droit d'attaquer, à n'importe quel moment, tout pays qu'ils
considèrent une menace réelle ou potentielle, même si ce pays n'a entrepris
aucune mesure hostile manifeste.
Et
aujourd’hui que la stratégie militaire américaine au Moyen-Orient et en
Asie centrale se dirige vers la débâcle, la solution des élites dirigeantes est
encore plus de guerre. Alors qu’au Canada, les libéraux et les
conservateurs viennent de voter la prolongation de la mission des FAC en
Afghanistan, le gouvernement américain continue de son côté à préparer
l’extension du conflit dans la région, multipliant les actes provocateurs
contre la puissance régionale que constitue l’Iran.
Malgré
l’appui de la classe politique et le soutien inconditionnel des
principaux organes de presse, tous les sondages indiquent qu’une majorité
de la population canadienne s’oppose aux opérations canadiennes en
Afghanistan.
Cette opposition ne
trouve toutefois aucune expression dans la politique officielle. À la façon du
Parti démocrate aux Etats-Unis qui critique l’administration Bush pour sa
conduite de la guerre en Irak, mais qui continue à assurer son financement, les
partis de l’opposition au Canada exploitent de manière hypocrite les
sentiments anti-guerre de la population tout en démontrant qu’ils
s’accordent pour défendre les intérêts impérialistes et géostratégiques
de l’Etat canadien.
Les libéraux
viennent de voter avec les conservateurs pour une motion prolongeant
l’opération de contre-insurrection de l’armée canadienne dans la
province de Kandahar au-delà de l’engagement précédent de février 2009
jusqu’en juillet 2011. La motion demande aussi qu’un pays membre de
l’OTAN envoie 1000 soldats à Kandahar et que l’armée canadienne
soit renforcée par des hélicoptères et des avions sans pilotes (drones).
Auparavant, le
Parti libéral de Stéphane Dion cherchait de façon hypocrite à élargir sa base
électorale en faisant appel aux sentiments anti-guerre de la population sans
toutefois remettre en question l’occupation de l’Afghanistan
lui-même. Les libéraux demandaient seulement que les troupes canadiennes
laissent le front de la lutte contre-insurrectionnelle au sud de
l’Afghanistan à une autre puissance de l’OTAN après février 2009.
Mais les libéraux
se sont rapidement soumis aux éditorialistes de la presse patronale exigeant
qu’ils changent leur position dans la crainte qu’un vote contre la
prolongation de la mission en Afghanistan ne provoque une élection ayant une
guerre impopulaire pour thème central.
Comme le Parti libéral, le Bloc
québécois tente de se positionner pour s’accaparer une partie du vote
anti-guerre. Et tout comme les libéraux, Duceppe ne demande pas la fin de la
guerre en Afghanistan, mais seulement que le Canada se retire du front de
Kandahar. Si le Bloc a pu se permettre de voter contre la motion, c’est
parce son vote était sans conséquence, les libéraux s’étant publiquement
engagés à soutenir les conservateurs. Lorsque son vote aurait pu faire tomber
le gouvernement minoritaire de Harper – en mai 2006 sur le budget ou en
septembre de la même année sur l’entente du bois d’œuvre avec
les Etats-Unis — le Bloc a voté avec les conservateurs pour les garder au
pouvoir.
Pendant cinq ans, les
sociaux-démocrates du NPD ont appuyé la mission des Forces armées canadiennes
en Afghanistan. Auparavant, ce parti a appuyé les
sanctions de l’ONU contre l’Irak durant dix ans, tout en sachant
fort bien que cela coûtait la vie à des centaines de milliers d’Irakiens.
Il a appuyé la campagne de bombardement de l’OTAN contre la Yougoslavie.
Et le NPD a soutenu le gouvernement minoritaire libéral de Paul Martin quand ce
dernier a décidé de déployer les FAC pour faire la guerre en Afghanistan du
sud. Encore aujourd’hui, le NPD appuie le maintien d’un contingent
de soldats canadiens à Kaboul.
C’est seulement en août 2006,
en réponse à des sentiments anti-guerres largement répandus dans la population,
qu’il a appelé au retrait des troupes canadiennes du sud de
l’Afghanistan. Ainsi, avance le NPD, ils pourront être déployés ailleurs
— Haïti et le Darfour ont été mentionnés par le leader du parti Jack Layton
— et mieux servir les intérêts de l’impérialisme canadien.
Au Québec, un rôle similaire est
joué par Québec solidaire. Cette formation politique qui se dit « de
gauche » préconise la poursuite de l’intervention canadienne en
Afghanistan sous la supervision de l’ONU, comme si la mission actuelle de
l’OTAN en Afghanistan n’avait pas l’aval de cette organisation dominée par les Etats-Unis et les grandes
puissances européennes. Cette position est tout à fait en ligne avec la défense
par Québec solidaire du projet réactionnaire de la
souveraineté du Québec, qui demeurerait membre de l’OTAN et signataire de
l’ALENA, mis de l’avant par le parti de la grande entreprise
qu’est le Parti québécois.
Québec solidaire a
cosigné une lettre ouverte adressée aux députés du Parlement leur
rappelant que « c’est la volonté de la population que vous devez
respecter avec empressement et non celle de la Maison-Blanche, des généraux de
l'OTAN et des grands milieux d’affaires ». Québec solidaire endosse
ainsi la fiction que l’armée canadienne s’implique en Afghanistan
parce que le gouvernement canadien oublierait les valeurs canadiennes et
québécoises pour suivre Washington. En fait, si l’élite dirigeante
canadienne s’associe à Washington c’est pour défendre ses propres
intérêts prédateurs et s’assurer une part du butin colonial.La
bourgeoisie canadienne n’a pas joué et jouera encore moins le rôle de
force pour la paix et la démocratie dans les affaires mondiales.
La lutte contre la guerre impérialiste
est liée à la lutte contre toute la structure du capitalisme mondial. Les
travailleurs du Québec et du Canada doivent s’unir à leurs frères et
sœurs de classe des Etats-Unis et d’ailleurs dans le monde dans une
lutte commune basée sur le programme socialiste de l’égalité sociale et
de la fraternité entre les peuples. C’est la perspective pour laquelle
lutte le Parti de l’égalité socialiste et nous appelons tous ceux qui la
partagent à se joindre à nous.