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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Elections québécoises : Désaffection sans précédent envers les partis de la grande entreprise

Par Keith Jones
27 novembre 2008

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Alors qu’il ne reste que deux semaines avant l’élection provinciale du 8 décembre au Québec, les médias ont été obligés d’admettre que les campagnes des trois principaux partis de la grande entreprise, le Parti libéral, le Parti québécois et l’Action démocratique du Québec ne suscitaient que peu d’intérêt populaire et encore moins d’enthousiasme.

Et ce n’est pas parce qu’il manque de graves problèmes publics nécessitant d’importants débats. L’état lamentable du système de santé public et la menace que fait peser sur les emplois et les retraites des Québécois la récession mondiale qui s’annonce ne sont que deux de ceux-là.

Mais les travailleurs croient très peu aux promesses des politiciens, ayant été témoins, tant au niveau fédéral que provincial, de la trajectoire droitiste de tous les gouvernements durant le dernier quart de siècle ou plus.

Selon un important sondage rendu public mercredi dernier, 51 pour cent des Québécois ne sont pas intéressés par la campagne électorale et moins de la moitié (48 pour cent) sont autant motivés à voter le 8 décembre prochain que lors de la précédente élection. Beaucoup prévoient que pour la première fois en plus de 75 ans moins de 70 pour cent de l’électorat iront aux urnes.

Le premier ministre libéral Jean Charest, qui a hérité à d’un gouvernement minoritaire après l’élection de mars 2007, a été poussé à déclencher une élection par la crise financière mondiale. Bien qu’il ait publiquement défendu que le Québec soit bien positionné pour faire face à la crise, Charest tente d’obtenir un nouveau mandat maintenant, car il craint que l’appui pour son gouvernement chute considérablement d’ici le printemps prochain, en raison de l’augmentation du chômage et du besoin par le gouvernement de compenser la chute de ses revenus par des coupes dans les dépenses publiques.

Charest a prévu que la grande entreprise allait se ranger derrière les libéraux pour que ces derniers obtiennent un gouvernement majoritaire, car, selon elle, un gouvernement qui n’aurait pas à faire face à l’électorat avant 2013 serait mieux positionné pour implémenter des mesures impopulaires, c’est-à-dire rejeter le fardeau de la crise économique sur les travailleurs.

De plus, Charest était pressé de tirer profit de la faiblesse des partis de l’opposition.

L’Action démocratique du Québec (ADQ), un parti populiste de droite, avait plus que doublé sa part du vote populaire lors de la dernière élection provinciale pour devenir ainsi l’opposition officielle. Mais son appui a depuis ce temps chuté et on prévoit pour cette élection qu’elle ne récoltera qu’environ 15 pour cent du vote, soit moins qu’en 2003.

De nombreux travailleurs qui avaient voté pour l’ADQ lors de la dernière élection, dans un geste erroné de protestation contre les partis traditionnels de l’establishment, les libéraux et le Parti québécois, l’ont maintenant fermement rejeté après en avoir appris davantage sur le programme d’extrême-droite de l’ADQ. L’ADQ défend les soins de santé et l’éducation privés et est opposé au programme de garderies publiques de la province.

L’élite québécoise a été plutôt disposée à utiliser l’ADQ pour diriger drastiquement la politique du Québec vers la droite, entre autres en encourageant le chef de l’ADQ Mario Dumont dans sa campagne chauvine contre les immigrés et les minorités religieuses lors de la période qui précéda l’élection de 2007. Mais durant la dernière année, elle a exprimé clairement qu’elle voyait l’ADQ comme un parti trop instable et trop enclin à faire au appel au chauvinisme et au conservatisme social et ainsi potentiellement nuire à l’imposition du programme socioéconomique de la grande entreprise pour lui offrir le pouvoir.

Ainsi, le démagogue Dumont s’est retrouvé dans la position inhabituelle d’avoir à se défendre contre les critiques plutôt limitées, de la presse, y compris celles envers son assertion stupide selon laquelle le nouveau cours public sur les religions aurait pour but de détruire « l’héritage catholique » du Québec.

S’efforçant de raviver sa campagne qui s’essouffle et de faire taire les critiques émanant de son propre parti, Dumont a prononcé un important discours la semaine dernière lors duquel il a affirmé prendre l’entière responsabilité des déboires de l’ADQ.

Le Parti québécois (PQ), qui est pour l’indépendance du Québec, a alterné avec les libéraux à la tête du Québec pendant les quarante dernières années. Mais il est dans une crise presque perpétuelle — avec des disputes intestines sur le leadership, sur l’accent à mettre sur son objectif indépendantiste et sur la façon de moderniser son supposé programme social-démocrate — depuis qu’il a perdu le pouvoir en 2003.

Alors que le PQ est loin de concéder officiellement l’élection à Charest et aux libéraux, c’est un secret de polichinelle que le leadership du PQ considérerait comme une « victoire » un retour à l’opposition officielle et la réduction de l’ADQ à un parti croupion.

Les libéraux et le PQ se blâment mutuellement pour la crise dans le système de santé

Un sondage conduit tôt dans la campagne a montré que l’inquiétude première des électeurs (31 pour cent des sondés) est l’« accessibilité et la qualité » du système de santé. La presse s’est vue par la suite obligée de publier une série de reportages, ou plutôt des histoires d’horreur, montrant la dégradation du système public de santé.

Le temps moyen d’attente dans le département d’urgence d’un hôpital du Québec est de 16,6 heures. 32 000 personnes ont attendu pour une opération pendant plus de six mois et 800 000 Québécois, ou plus du tiers de la population, n’ont pas de médecin de famille. Le gouvernement doit imposer du temps supplémentaire aux infirmières en raison d’une pénurie chronique de main d’œuvre, plaçant ainsi la santé des patients et des infirmières en danger.

Des situations similaires, bien que moins dramatiques, concernant une pénurie d’enseignants et des classes beaucoup trop nombreuses, existent dans le système public d’éducation.

Pendant ce temps, Charest et la chef du PQ, Pauline Marois, se sont engagés dans un débat cynique à savoir qui est responsable de la crise du système de santé.

Charest a jeté le blâme sur Marois et les coupes drastiques dans les dépenses que le gouvernement du PQ de Lucien Bouchard, dans lequel elle a œuvré comme ministre important, avait implantées, avec l’appui complet de la bureaucratie syndicale entre 1995 et 1998. Ces coupes incluaient un programme dans lequel des milliers de professionnels de la santé, y compris des docteurs, des infirmières et des travailleurs d’hôpitaux, étaient incités à prendre leur retraite tôt sans être remplacés. Lorsque les infirmières se sont rebellées contre les résultats dramatiques et l’augmentation dangereuse de leur charge de travail en 1999, le gouvernement du PQ de Bouchard imposa une sauvage loi afin de forcer les infirmières à retourner au travail.

« Pauline Marois a laissé derrière elle, dans le domaine de la santé et des services sociaux, un désastre, une vraie catastrophe », a déclaré Charest le 12 novembre. « Et 10 ans plus tard, en 2008, nous vivons encore avec les conséquences de ses décisions. »

Marois a régulièrement défendu son rôle dans la « campagne pour le déficit zéro » du gouvernement du PQ. « Si c’était à refaire », a-t-elle déclaré le 16 novembre « je le ferais encore ». Au même moment, elle a fait remarquer que les libéraux ont détenu le pouvoir pendant les cinq dernières années et que la crise dans le système de santé a persisté, si ce n’est empiré.

La vérité est que Marois autant que Charest, le PQ autant que les libéraux, sont responsables de la crise dans le système de santé.

Elus en 2003 sur la promesse de « réparer » le système public de santé, les libéraux ont plutôt mis de l’avant la privatisation du système. Ils ont encouragé, sous la loi 33, la prolifération de cliniques de santé privées à but lucratif et le développement de l’assurance-santé privée pour les riches, créant ainsi de nouveaux leviers pour que la grande entreprise aille de l’avant avec le démantèlement d’un système public de santé universel et de qualité.

Le Québec a aussi le plus haut taux (30 pour cent) de dépenses pour des soins de santé privés et le plus bas niveau de dépense per capita pour le système de santé public de toutes les provinces.

Lorsqu’il s’est retiré de la politique, Philippe Couillard, le ministre libéral de la Santé pendant cinq ans depuis avril 2003, fut rapidement nommé à un poste important d’un fonds d’investissement se spécialisant dans les soins de santé privés.

La grande entreprise espère exploiter la crise

Afin de générer de l’enthousiasme pour leurs campagnes respectives, les partis ont fait promis diverses dépenses dans les services publics.

Si elles étaient réalisées, leurs promesses ne représenteraient pas, loin de là, un réinvestissement massif dans les infrastructures publiques. Elles ont été de plus accompagnées d’engagements répétés à un budget équilibré de la part des trois partis.

Dans une entrevue avec La Presse, Marois a affirmé qu’un gouvernement du PQ serait prêt à augmenter les tarifs de services gouvernementaux, comme possiblement les tarifs d’électricité, et imposer des coupes dans les dépenses. « Lorsque nos priorités [de dépenses] seront déterminées », a déclaré la chef du PQ, « il est possible que certaines autres actions gouvernementales soient, conséquemment, remises en question. » Il serait, a ajouté Marois, « complètement irresponsable » de rejeter la possibilité de coupes dans les dépenses publiques.

Malgré tout, les promesses de dépenses limitées ont été franchement et largement condamnées par les éditorialistes et les chroniqueurs. Ecrivant dans le Journal de Montréal, l’ancien ministre péquiste Joseph Facal a déploré ce qu’il qualifie d’« avalanche de promesses la plus extravagante dont je me souvienne » et a dénoncé l’électorat pour choisir invariablement celui « qui promet toujours plus » de préférence à celui qui « promet de la rigueur » et fait un appel « au sacrifice ».

L’éditorialiste en chef de La Presse, André Pratte, a intitulé son éditorial du 13 novembre « La crise ? Disparue ! » « Chaque parti », s’est plaint Pratte, « multiplie les engagements, tous plus alléchants les uns que les autres : des milliers de places en garderie, de nouveaux crédits d'impôt pour tous les goûts, plus de professeurs dans les écoles, des trains, des tramways... Comment financera-t-on tout ça si la crise vide les coffres de l'État ?...

 « Le monde est au bord du gouffre économique. Nul ne sait quelle en sera la profondeur. En ces circonstances, les politiciens devraient faire preuve de prudence et de franchise. Ce n'est malheureusement pas ce que nous donnent à voir les candidats en campagne. »

Comme en atteste ce commentaire, l’élite québécoise s’attend à ce que le prochain gouvernement aille de l’avant avec le démantèlement des services publics, par des coupes, des privatisations et d’onéreux tarifs utilisateurs.

Bien qu’elle craigne pour ses propres portefeuilles boursiers, la classe dirigeante, du moins jusqu’à un certain point, accueille la crise comme une occasion pour vaincre la résistance populaire à de radicaux changements de droite visant à redistribuer la richesse des travailleurs vers la grande entreprise et les mieux nantis.

Les syndicats et le PQ

Durant des décennies la bureaucratie syndicale a agi en tant que proche allié politique du PQ, tout en développant toutes sortes de liens corporatistes institutionnalisant le rôle des syndicats comme un auxiliaire à la grande entreprise, et ce tant sous les gouvernements du PQ que des libéraux.

La bureaucratie syndicale a réagi à la perte du pouvoir du PQ en 2003 en tentant de développer des liens encore plus étroits avec lui, créant ainsi une faction organisée au sein du PQ, les Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ Libre).

Des nombreux syndicats et représentants syndicaux appuient encore une fois le PQ dans cette élection, soit explicitement, comme pour la bureaucratie des Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA), ou implicitement comme dans le cas de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Les médias ont ainsi exprimé une certaine surprise lorsque le leadership de la plus grande fédération syndicale, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), a annoncé le 9 novembre qu’elle n’allait appuyer aucun parti dans l’élection du 8 décembre. Pressé par les médias d’offrir une explication, le président de la FTQ Michel Arsenault a affirmé que la fédération ouvrière ne tient pas rancune à Pauline Maurois, mais que le PQ devait en faire plus pour faire avancer les intérêts de la FTQ.

Cela n’est qu’une ruse. Si la haute direction de la FTQ semble vouloir prendre certaines distances du PQ, (en 2007, un congrès spécial de plus de 1000 représentants de la FTQ avait voté à majorité de 98 pour cent un soutien au PQ), c’est qu’elle souhaite se garder des portes ouvertes pour collaborer étroitement avec Charest et ses libéraux de droite.

En décembre 2003, moins de huit mois après son arrivée au pouvoir, les libéraux de Charest ont dû faire face à la rapide intensification d’un mouvement de grèves et des manifestations orienté contre une série de mesures régressives, y compris une loi facilitant la sous-traitance. Les syndicats sabotèrent le mouvement d’opposition, soutenant que Charest avait un mandat pour gouverner. Par la suite, les libéraux, qui avaient auparavant ignoré la bureaucratie syndicale, tentèrent de se réconcilier avec cette dernière.

L’élection de Raymond Bachand en tant que libéral dans une élection partielle en décembre 2005 et sa nomination subséquente au cabinet libéral sont des éléments de ce processus. Bachand, qui fut jadis conseiller du premier premier ministre du PQ, René Lévesque, a été de 1997 à 2001 président du Fonds de solidarité de la FTQ, un fonds d’investissement  de plusieurs milliards dirigé par la bureaucratie de la FTQ. (Il est à noter que le mari de Pauline Marois, Claude Blanchet, fut aussi à un certain moment président du Fonds de solidarité.)

Peu importe la composition du prochain gouvernement du Québec, ce dernier cherchera, avec la complicité des syndicats, à augmenter la profitabilité de la grande entreprise québécoise aux dépens des emplois, des salaires et de la position sociale de la classe ouvrière. Pour contrer cette attaque, les travailleurs du Québec doivent répudier les syndicats pro-capitalistes et leur alliance réactionnaire avec le parti de la grande entreprise qu’est le PQ, et joindre leurs forces à celles des travailleurs à travers l’Amérique du Nord dans une offensive industrielle et politique contre le système de profit.

(Article original anglais publié le 21 novembre 2008)

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