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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Élections fédérales canadiennes : quels intérêts de classe défend le Bloc québécois ?

Par Guy Charron et Richard Dufour
13 octobre 2008

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La campagne électorale du Bloc québécois (BQ) – le parti régionaliste qui se présente sur la scène fédérale comme le défenseur des « intérêts du Québec » en attendant le grand soir de l’indépendance – a été ponctuée d’appels démagogiques visant à se donner une image progressiste et à dissimuler le véritable contenu de classe, pro-patronal, de sa politique.

Gilles Duceppe, le chef du BQ, a maintes fois accusé son vis-à-vis conservateur Stephen Harper d’être un clone du très-à-droite président américain George W. Bush. Mais il a omis de rappeler que le mouvement souverainiste québécois a toujours cherché à gagner les bonnes grâces de Washington. Dans les années 90, par exemple, les ténors souverainistes ont laissé flotter l’idée qu’un Québec indépendant pourrait adopter le dollar américain en tant que devise nationale. Plus récemment, dans un autre signal adressé à Washington, Duceppe a lui-même endossé la participation canadienne à la guerre d’occupation lancée par les États-Unis en Afghanistan comme étant une « noble cause ». Il a aussi qualifié d’« irresponsable » l’appel du NDP, le parti social-démocrate canadien, à mettre fin à la mission de combat du Canada en Afghanistan.

Un autre appel populiste lancé par Duceppe durant la campagne électorale est que le BQ serait le garant de « valeurs québécoises » axées sur la démocratie et la justice sociale, par opposition au « conservatisme social » de Harper sur des questions telles que la culture ou l’environnement.

Le fait est que le mouvement souverainiste a une longue tradition de collaboration avec la droite canadienne, que ce soit l’appui accordé aux conservateurs de Mulroney durant les années 80; le rôle joué par Duceppe dans la période précédant les élections de 2006 pour frayer la voie du pouvoir à Harper; ou les votes subséquents du BQ pour assurer la survie du gouvernement conservateur minoritaire. De plus, la véritable orientation socio-économique du Bloc est révélée par la politique mise en œuvre par son parti jumeau sur la scène provinciale, le Parti québécois (PQ), qui a éliminé des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur de la santé, sabré dans l’aide sociale, et baissé l’impôt sur les plus riches lorsqu’il a dirigé le gouvernement du Québec de 1994 à 2003.

Par-delà le discours populiste de Duceppe, son message politique essentiel s’addresse aux hautes sphères du monde politique et économique du Québec chez qui s’installe un doute croissant sur la pertinence même du BQ. Duceppe cherche à convaincre ces couches dominantes de la société qu’envoyer des députés du Bloc québécois à Ottawa demeure la meilleure façon de préserver leurs intérêts.

Le gros de l’élite dirigeante québécoise considère qu’un gouvernement conservateur serait en meilleure position pour tailler profondément dans les programmes sociaux, diminuer l’impôt sur les riches et faire valoir les intérêts de cette élite dans le monde, y compris par l’usage de la force militaire. Dans un contexte où les sondages prédisent que les troupes de Harper vont au moins conserver leur statut de gouvernement minoritaire, la classe dirigeante du Québec veut avoir sa place aux loges du pouvoir et réclame l’élection de conservateurs au Québec pour obtenir des postes au cabinet ministériel. L’engouement pour Harper a été renforcé par la reconnaissance officielle de la « nation québécoise », geste politique répondant à une revendication traditionnelle de l’élite dirigeante québécoise qui voit la décentralisation de l’État comme un levier essentiel pour le démantèlement de l’État-providence. Les écoles et les cliniques privées se développent au Québec aussi, sinon plus, rapidement que dans les autres provinces canadiennes.

Reflétant ces intérêts de classe que son parti représente au fond, Duceppe a fait attention durant toute la campagne à ne pas réclamer la défaite des conservateurs. Malgré ses vives dénonciations de Harper, allant jusqu’à l’attaquer personnellement à la fin de la campagne comme « tricheur », « rétrograde » et « arrogant », Duceppe n’a jamais écarté la possibilité de (continuer de) collaborer avec un gouvernement conservateur minoritaire.  « Peu importe si c’est rouge, vert, jaune ou bleu, peu importe la couleur », a déclaré Duceppe. « Nous allons regarder le contenu de chacune des propositions et évaluer si elle va dans le sens des intérêts du Québec et des valeurs du Québec. »

Duceppe accuse les conservateurs d’être « vendus aux pétrolières » de l’Alberta, mais du point de vue qu’il faut défendre avec autant, sinon plus de vigueur, les grandes entreprises du Québec. « Le secteur de l’aéronautique, l’industrie pharmaceutique, l’optique, le matériel informatique, les technologies environnementales et de transport sont autant de fleurons de notre économie de pointe [celle du Québec] », peut-on lire dans le programme du BQ. « Comme les entreprises de hautes technologies sont moins présentes au Canada qu’au Québec », déplore ensuite le BQ, « Ottawa soutient peu la recherche industrielle ». Plus loin dans le programme, le BQ réclame des subventions pour moderniser le secteur manufacturier, l’industrie forestière et l’industrie aéronautique, toutes des industries relativement mieux développées au Québec qu’ailleurs au Canada.

Le BQ veut aussi favoriser le développement de l’important secteur hydro-électrique du Québec. « En réduisant de moitié la dépendance du Québec au pétrole », a déclaré Duceppe, « nous pouvons accélérer la croissance économique et réduire sérieusement le déficit commercial. Cela nous donnerait un avantage stratégique majeur qui pourrait faire du Québec l’une des régions les plus prospères d’Amérique du Nord. » Le BQ a toutefois signalé qu’il n’était pas opposé à la potentielle exploitation des réserves de gaz et de pétrole du fleuve Saint-Laurent.

Dans un effort pour pousser les troupes de Duceppe encore plus à droite, Jacques Brassard, ancien ministre du PQ, a dénoncé le Bloc québécois pour avoir abandonné la lutte pour l’indépendance, pour son « bric-à-brac idéologique de la gauche » et pour être un « clone du NPD » (le parti social-démocrate du Canada).

Les éditorialistes et chroniqueurs de la province ont largement repris et commenté les propos de Brassard, beaucoup dénonçant le BQ pour être trop proche des syndicats et beaucoup plus à gauche que l’électorat québécois. Ils ont rappelé que Duceppe et plusieurs dirigeants du BQ proviennent du milieu syndical. Quelques jours plus tard, cinq anciens députés du BQ se joignaient à Brassard et dénonçaient le parti dont ils avaient été députés pour être devenu un « groupe d'intérêt qui défend surtout les besoins des syndicats ».

Les arguments avancés par Duceppe pour justifier la présence d’anciens chefs syndicaux au sein du Bloc – présence encouragée par le mouvement souverainiste pour chercher à restaurer sa crédibilité minée auprès des travailleurs ordinaires après les années de mesures anti-ouvrières et pro-patronales du PQ – en disent long sur la nature de classe du BQ et de ses alliés syndicaux. Duceppe a insisté sur le fait que la Fédération des travailleurs du Québec, la centrale syndicale regroupant la majorité des travailleurs du secteur industriel du Québec, a fondé et gère le Fonds de solidarité. Ce fonds, constitué de l’épargne des travailleurs, a aujourd’hui des investissements dans plus de 1600 entreprises au Québec et est plusieurs fois intervenu pour renflouer des compagnies en difficulté dont les plans de redressement impliquaient des l’élimination d’emplois et des baisses de salaires.

La bureaucratie syndicale, un des principaux piliers du mouvement souverainiste québécois, joue un rôle clé pour tenter de maintenir les illusions des travailleurs dans le nationalisme québécois en général, et le PQ et le BQ en particulier.

Au cours de cette campagne, les grandes centrales ont volé à l’aide du BQ. La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la centrale syndicale regroupant la majorité des ouvriers industriels, a demandé « à ses militants, ses militantes de travailler pour les candidats du Bloc dans les différents comtés du Québec. C’est important pour nous que les conservateurs ne soient pas élus majoritairement. » La Confédération des syndicats nationaux (CSN) a aussi demandé à ses membres de voter pour vaincre les conservateurs. Mais la présidente a tenu à spécifier que « dans près de deux tiers des comtés (au Québec), la vraie lutte c'est une lutte à deux entre le Bloc et les conservateurs. Dans ce cas-là, appelons un chat un chat : le vote utile, ça veut dire voter Bloc. »

Québec solidaire, un parti souverainiste qui se décrit comme la gauche au Québec et qui compte en son sein le Parti communiste du Québec et les pseudo-trotskystes de Gauche socialiste, est intervenu dans les élections fédérales, lui aussi pour demander de bloquer un gouvernement conservateur majoritaire. « Votons pour un Québec écologiste, de justice et d’égalité (…) [p]as pour cette société rabougrie, méfiante et profondément inégalitaire que veulent construire les conservateurs », ont récemment écrit les deux dirigeants de Québec solidaire, Françoise David et Amir Khadir.

Toutes ces forces qui se donnent une image de gauche jouent un rôle crucial pour attacher les travailleurs au mouvement souverainiste québécois et finalement à la conception que la société québécoise n’est pas divisée sur des lignes de classe. Elles cherchent à stopper l’érosion de l’appui parmi les travailleurs pour le BQ en le décrivant comme une alternative aux conservateurs plutôt que comme un parti défendant la grande entreprise québécoise.


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