wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : Les conservateurs perdent des votes mais conservent le pouvoir

Par Keith Jones
18 octobre 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le Parti conservateur du Canada s’est maintenu au pouvoir lors de l’élection fédérale de mardi, obtenant ainsi 19 sièges de plus que lors du vote de 2006 qui le portait au pouvoir et mettait fin à douze années de gouvernance libérale.

Mais au grand damne d’importantes sections de la grande entreprise qui souhaitent un gouvernement « fort et stable », c’est-à-dire un gouvernement davantage isolé de l’opinion populaire pour mieux faire porter le fardeau de la crise capitaliste aux travailleurs, les conservateurs n’ont pas pu encore une fois obtenir une majorité.

Des 308 sièges de la Chambre des communes, les conservateurs en détiennent maintenant 143, les libéraux 76, le Bloc québécois 50 et le Nouveau Parti démocratique 37. Deux indépendants, alliés des conservateurs, ont aussi été élus.

Les partis de l’opposition ont rapidement promis qu’ils allaient collaborer avec le gouvernement conservateur pour apparemment combattre la crise économique.

Le chef libéral Stéphane Dion, qui est à la tête d’une opposition officielle considérablement réduite, a déclaré mardi soir : « Nous allons travailler avec le gouvernement pour nous assurer que les Canadiens seront protégés de la tempête économique. Ma priorité sera l’économie, et j’ai juré [au premier ministre conservateur Stephen Harper] que j’allais collaborer sur cette question. »

Tout juste avant l’élection de mardi, Jack Layton, le chef du NPD social-démocrate, a à maintes reprises réprimandé Harper pour sa trop grande préoccupation des besoins des banques et des compagnies pétrolières et pour ne pas tenir compte des inquiétudes des travailleurs quant à leurs emplois, leurs épargnes et leurs maisons. Mais quelques heures à peine après la fermeture des bureaux de scrutin, il appelait tous les partis à « mettre de côté les vieilles chicanes » et à « servir les intérêts du Canada », en promettant que le NPD « allait être prêt à travailler avec d’autres partis dans le prochain parlement ».

Durant la majorité de la campagne, Harper a soutenu que la crise financière mondiale n’allait avoir qu’un impact limité sur le Canada. Mais maintenant que l’élection est terminée, il a, sans surprise, changé de discours.

Après sa victoire mardi soir, Harper a proclamé que c’était « le moment de mettre de côté les différences politiques et les considérations partisanes… Nous tendons la main à tous les députés, de tous les partis, leur demandant de s’unir afin de protéger l’économie et d’apaiser la crise financière mondiale. »

Il s’est par la suite engagé à ce que son gouvernement conservateur minoritaire continue à « maintenir un faible fardeau fiscal, garder un budget équilibré et garder les dépenses sous contrôle ». Autrement dit, il rejette toute initiative gouvernementale importante visant à aider économiquement les travailleurs, dans des conditions où de nombreux analystes anticipent le pire ralentissement économique depuis la Grande Dépression. Il va plutôt aller de l’avant avec un programme de droite ayant pour but de redistribuer la richesse, de la classe ouvrière aux sections les plus privilégiées de la société, par des baisses d’impôt et le démantèlement des services publics et des programmes sociaux.

Harper a de plus promis que son gouvernement continuerait à « renforcer notre système de justice pénal » — ce qui signifie l’implémentation de lois répressives favorisant la punition à la réhabilitation — et à « défendre nos intérêts et nos valeurs sur la scène mondiale ». Harper a constamment eu recours à cette dernière formulation pour justifier le rôle d’avant-plan que les Forces armées canadiennes jouent dans la guerre de contre-insurrection afghane.

Le jour suivant, lors de sa première annonce de politique postélectorale, Harper a mentionné que les conservateurs s’apprêtaient à sabrer dans les dépenses gouvernementales afin d’assurer que le budget fédéral demeure équilibré au moment où le ralentissement économique entraîne une baisse des revenus de taxes. « Il est essentiel d’axer et de contrôler les dépenses du gouvernement » en période d’instabilité économique, a déclaré Harper.

Le premier ministre a aussi annoncé que son gouvernement allait prendre « toute mesure jugée nécessaire pour s’assurer que le système financier du Canada ne se retrouve pas en position de désavantage concurrentiel ». On a généralement interprété que cela signifie qu’Ottawa envisage des mesures supplémentaires pour renforcer les bilans des banques canadiennes, y compris étendre un programme annoncé la semaine dernière selon lequel le gouvernement allait racheter pour 25 milliards de dollars de prêts hypothécaires des banques.

Harper a à maintes fois vanté les mérites des banques canadiennes en affirmant qu’elles étaient les mieux capitalisées et les plus stables du monde. Selon un article paru mercredi dans le National Post, « les dirigeants des banques ont été plutôt déconcertés de voir avec quel enthousiasme Stephen Harper a répété » la propre propagande de l’industrie durant la campagne électorale. En réalité, les banques du Canada ont essuyé d’importantes pertes en raison de l’effondrement du marché hypothécaire américain, font face actuellement au resserrement mondial du crédit, et pourraient devoir affronter une baisse marquée du prix des maisons. De plus, les banques du Canada craignent que l’injection de liquidités par les divers gouvernements dans les banques américaines, britanniques et européennes et les garanties des dépôts en pays étrangers les rendent moins attrayantes aux yeux des prêteurs et des investisseurs.

Conséquemment, malgré les dénis de Harper, il est presque inévitable que le gouvernement placera des montants substantiels provenant des impôts des contribuables à la disposition des grandes banques canadiennes. Cela sera seulement le début d’une poussée concertée du gouvernement et du nouveau parlement pour « sauver » la grande entreprise aux dépens des emplois, des salaires et des droits de la classe ouvrière.

Désabusement grandissant envers tout l’establishment politique

Les conservateurs prétendent que le fait d’avoir gagné une pluralité de votes lors d’élections successives constitue un « mandat fort ». En fait, les résultats des élections de mardi montrent une mince base d’appui populaire aux conservateurs, le parti qui a le plus clairement articulé le tournant de la bourgeoisie canadienne vers la réaction sociale et le militarisme et, de manière plus générale, les résultats montrent aussi un désabusement populaire envers tout l’establishment politique.

La participation électorale a chuté de 6 pour cent par rapport à janvier 2006 pour atteindre 59 pour cent, soit le plus bas total en 140 ans d’élections fédérales. De plus, tous les partis avec une représentation parlementaire ont gagné moins de votes mardi qu’ils en avaient gagné lors de la précédente élection.

D’un autre côté, le Parti vert, qui n’a jamais élu de membre dans une législature canadienne, a clairement bénéficié du mythe populaire selon lequel il représenterait un parti anti-establishment. Alors que les Verts ont eu des résultats nettement sous les projections des sondages d’après lesquels ils auraient dû obtenir 10 pour cent du vote populaire, ils ont obtenu 286 000 votes de plus pour cette élection que la précédente, augmentant leur part du vote populaire de 4,5 pour cent à 6,9 pour cent.

Les conservateurs ont augmenté leur part du vote populaire depuis la dernière élection de 1,4 pour cent, à 37,6 pour cent. Mais ils ont recueilli 170 000 votes de moins qu’en 2006.

Même si les conservateurs détiennent maintenant 47 pour cent des sièges de la Chambre des communes, seulement un peu plus qu’un électeur sur cinq, 22,24 pour cent, a voté en faveur du parti du gouvernement. Cela s’est fait dans des conditions où les médias de la grande entreprise appuyaient fortement les conservateurs, en répétant notamment la propagande conservatrice selon laquelle Harper est un chef « centriste » mais ferme.

Les conservateurs ont une faible représentation dans de grandes portions du pays. Même s’ils ont réussi à faire élire des députés dans chaque province sauf Terre-Neuve, ils demeurent une force marginale au Québec, la deuxième province la plus populeuse du pays.

Revigorés par l’appui de la majorité de l’élite du Québec et ayant la machine de l’Action démocratique du Québec (l’opposition officielle au parlement du Québec) à leur disposition, les conservateurs ont commencé leur campagne en anticipant qu’ils gagneraient 20 sièges ou plus au Québec. Plutôt, ils ont obtenu seulement 10 des 75 sièges québécois, le même nombre qu’en 2006, et ils ont terminé avec seulement 21,8 pour cent du vote populaire.

Les conservateurs n’ont pas réussi à faire élire un seul député dans les deux plus grandes villes du Canada, Montréal et Toronto, dont la population combinée surpasse celle de la troisième plus populeuse province du Canada, et ils se sont emparés d’un seul siège dans la troisième plus grande ville du pays, Vancouver.

La pire performance des libéraux

Les libéraux, le principal parti de l’élite canadienne durant le 20e siècle, furent de loin les plus grands perdants des élections de mardi. Ils ont obtenu seulement 76 sièges, 27 de moins qu’en 2006, et n’ont reçu que 26,2 pour cent du vote populaire, leur plus faible score de l’histoire des élections fédérales.

Le total du vote libéral a chuté mardi de 850 000 votes, ou plus du cinquième, par rapport à 2006.

Les libéraux ont perdu des sièges dans toutes les régions sauf le Québec, où ils avaient déjà encaissé plusieurs pertes en 2006. Mais, le gros de leurs pertes est survenu en Ontario.

Le chef libéral Dion a cherché à obtenir des votes, comme l’avait fait ses prédécesseurs, les premiers ministres Jean Chrétien et Paul Martin, en prétendant que les libéraux étaient le seul moyen de bloquer la venue au pouvoir d’un gouvernement réactionnaire, du même style que celui des républicains aux Etats-Unis. Mais cet argument n’a clairement pas influencé l’électorat. Après tout les libéraux ont, de nombreuses fois après avoir été élus, imposé les recommandations politiques de leurs rivaux de droite.

Dans le dernier parlement, les libéraux ont été ceux qui ont donné aux conservateurs le soutien dont ils avaient besoin pour rester au pouvoir, que ce soit en votant avec le gouvernement ou en s’abstenant, et cela plus de 40 fois. Il est remarquable qu’ils aient endossé le plan conservateur de réductions importantes d’impôts pour les entreprises et qu’ils aient rapidement voté deux fois avec les conservateurs sur des motions qui prolongeaient la mission de contre-insurrection des Forces armées canadiennes (FAC) en Afghanistan jusqu’à la fin de 2011.

Les libéraux traversent une crise depuis que la grande entreprise a demandé que Chrétien, qui a présidé les plus importantes coupes dans les dépenses sociales et réductions d’impôts de l’histoire et lancé le Canada sur le chemin de la guerre en Yougoslavie et en Afghanistan, soit remplacé pour que le Parti libéral adopte un programme encore plus à droite.

Dion a été décrit par les conservateurs, avec la connivence de la plus grande partie de la presse, comme un « radical » et un « grand dépensier », même s’il insistait pour expliquer que la taxe sur le carbone qu’il proposait, le « tournant vert », visait à rendre la grande entreprise canadienne plus « concurrentielle » et qu’il permettrait d’autres importantes diminutions d’impôts pour les entreprises et les particuliers.

Le jour après les élections, plusieurs parmi les plus importants quotidiens ont publié des éditoriaux et des commentaires demandant la démission de Dion en tant que chef du Parti libéral, tout en affirmant que les libéraux devaient s’adapter au 21e siècle en allant vers le « centre », c’est-à-dire en se rapprochant encore plus des conservateurs. Le Globe and Mail a écrit : « M. Dion doit laisser sa place de façon élégante et permettre au prochain dirigeant d’être choisi avec le moins d’acrimonie. En échange, les libéraux doivent reconnaître que changer de chef n’est qu’une petite partie de ce qu’il faut faire. Il est absolument décisif de développer une politique moderne et complète qui ramènera le parti vers ses racines centristes, celles qui ont un attrait nationalement. »

Le Toronto Star, le quotidien le plus proche du Parti libéral, a lui cité en exemple la motion conjointe des libéraux et des conservateurs prolongeant la mission des CAF en Afghanistan au-delà de février 2009 jusqu’à la fin de 2011 comme étant le type de compromis bipartisan pouvant être réalisé si seulement Harper choisissait d’être moins provocateur avec l’opposition officielle.

Le Bloc québécois (BQ), le parti régionaliste qui se présente comme le « défenseur des valeurs québécoises » en attendant l’indépendance de l’unique province du Canada à majorité francophone, a craint de connaître la débâcle électorale au début de la campagne électorale il y a cinq semaines. Mais, au bout du compte, il a pu obtenir cinquante sièges, un de moins qu’en 2006. Toutefois, il a tout de même perdu 174 000 voix et a vu sa part du vote exprimé passer de 41,5 pour cent à 38,1 pour cent.

La bureaucratie syndicale, plusieurs ONG et Québec solidaire se sont ralliés à la campagne du BQ pour « bloquer » Harper, le « clone de Bush » et l’empêcher d’obtenir une majorité. Cette campagne était entièrement cynique. Les indépendantistes québécois ont une longue histoire de collaboration avec les conservateurs et pour la plus grande partie du gouvernement Harper, ils lui ont donné les votes qui lui manquaient pour gagner les motions de confiance. Mardi dernier, le chef du BQ Gilles Duceppe a indiqué que son parti avait l’intention de continuer à réaliser des ententes avec les conservateurs en énumérant dans son discours les « demandes du Québec ».

« Aucun gouvernement ne pourra survivre s’il ne prend pas en considération au moins certaines de nos principales considérations en compte » a affirmé le député Réal Ménard au Globe and Mail le soir du décompte des votes.

Le NPD a récolté 37 sièges, huit de plus qu’à la dernière élection, mais n’a accru sa part du vote exprimé, qui a atteint 18,1 pour cent, que de 0,7 pour cent. Il a perdu 70 000 voix sur les quelque 2,5 millions qu’il avait obtenu en 2006. Le NPD a gagné une poignée de sièges à travers le pays, obtenant le plus de succès dans le nord de l’Ontario, une région qui connaît traditionnellement des difficultés économiques et qui a été durement touchée par le déclin de l’industrie forestière.

Alors que les sociaux-démocrates du Canada ont fait un appel mesuré à la colère populaire envers la destruction des emplois du secteur manufacturier et les diminutions d’impôts pour les grandes entreprises, le NPD a concentré son tir à vouloir se présenter comme un parti « progressiste », « modéré » et « responsable », un parti que le chef du NPD Jack Layton a ouvertement déclaré comme pouvant accueillir les « progressistes » de tous les partis, les libéraux et même les conservateurs « progressistes ». (Le Parti progressiste-conservateur a longtemps été le deuxième parti du pouvoir de l’élite canadienne avant de se dissoudre et de se rallier à l’Alliance canadienne pour former le « nouveau » Parti conservateur dirigé par Harper.)

En ligne avec l’orientation du NPD vers l’élite canadienne, le NPD a mis la pédale douce sur son opposition à l’implication du Canada dans la guerre en Afghanistan, même si son appel pour le retrait immédiat des troupes canadiennes correspondait aux sentiments de la population canadienne, comme l’ont démontré une longue série de sondages.

(Article original anglais paru le 16 octobre 2008)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés