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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

La crise de Wall Street et l’échec du capitalisme américain

Par Barry Grey
29 septembre 2008

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La fin de Lehman Brothers et de Merrill Lynch, deux des plus grandes banques d’affaires de Wall Street, une semaine après le rachat par le gouvernement américain des géants du crédit immobilier Fannie Mae et Freddie Mac, constitue un nouveau stade dans la crise convulsive du capitalisme américain.

Le 15 septembre, les marchés mondiaux ont fortement chuté, ce qui est le signe d’une panique et de doutes croissants quant à la stabilité du système bancaire américain. Les bourses européennes ont chuté de plus de quatre pour cent.

La chute fut encore plus brusque à Wall Street, le Dow Jones Industrial Average perdant 504 points, ou 4,42 pour cent. Tout porte à croire que les ventes vont s’accélérer, les conséquences définitives de l’effondrement des deux banques de Wall Street étant encore loin d’être évidentes.

Dans l’immédiat c’est le sort d’AIG (American International Group), la plus grande compagnie d’assurance du monde et celui de Washington Mutual, la plus grande banque de dépôts des Etats Unis qui inquiètent, toutes deux se trouvant au bord de la faillite.

La soudaine faillite de Lehman Brothers et de Merryl Lynch a retiré de l’économie une immense quantité de liquidités, des papier-valeurs accumulées pendant des décennies de spéculation s’effondrant. C’est là du capital nécessaire aux opérations financières et sa disparition déprimera inévitablement l’activité économique, renforçant le chômage et la récession, érodant plus encore les prix immobiliers et les dépenses des ménages et affaiblissant plus encore les bilans des banques déjà secouées financièrement.

D’énormes changements sont en train de se produire dans l’économie américaine et mondiale et qui présagent une crise comme on n’en a pas connu depuis la Grande Dépression des années 1930.

La chute d’icônes du capitalisme américain telles que Lehman Brothers et Merrill Lynch qui existent respectivement depuis158 et 94 ans ne peut que discréditer plus encore l’idéologie de « libre marché » de l’élite dirigeante américaine et de son système politique et économique. Le spectacle de géants du capitalisme sombrant dans les dettes qu’ils ont accumulées durant des décennies de spéculations irresponsables doit inévitablement discréditer la classe sociale — la classe capitaliste américaine — responsable de cette débâcle. 

Les discours tranquillisants prononcés par les porte-parole officiels du gouvernement, des médias, de Wall Street et des partis politiques au cours de l’année de crise financière qui vient de s’écouler, ont perdu toute crédibilité. Les assurances selon lesquelles les dernières mesures gouvernementales allaient stabiliser la situation et selon lesquelles le système bancaire américain était « foncièrement sain » et les marchés de l’immobilier et du crédit « avaient vu le pire » ne rassurent plus personne.  

C’est le genre de formules que le président Bush a utilisé lors de sa brève prise de parole à la Maison-Blanche. Le ministre des Finances Henry Paulson a éludé les questions sur qui était responsable du désastre financier et au lieu d’y répondre, il déclara qu’il fallait « se concentrer sur l’avenir ». 

Les candidats à l’élection présidentielle, le républicain John McCain et le démocrate Barack Obama, ont fait des déclarations lapidaires qui n’avaient de remarquable que leur brièveté et leur vacuité. Ce qui est généralement admis, même dans les cercles de la classe dirigeante, comme étant la plus grande crise financière depuis la Grande Dépression, se déroule au beau milieu d’une élection présidentielle. Mais cette crise fait à peine, de la part des deux candidats le républicain comme le démocrate, l’objet d’une mention.

Les deux partis et leurs candidats évitent de parler d’un scandale financier de proportions historiques et mondiales parce qu’ils sont tous deux impliqués au même degré. Ils sont tous deux indissolublement liés à Wall Street et ils sont tous deux résolument voués à la défense du capitalisme américain.

McCain fit une déclaration demandant une « réforme » à Washington et à Wall Street et s’engageant à apporter la « transparence » à Wall Street. Cela vient d’un multimillionnaire dont la campagne est dirigée par une collection de lobbyistes pour Wall Street et d’autres secteurs du grand patronat.

Son homologue démocrate, Barack Obama, fit lui, comme il fallait s’y attendre, une déclaration mielleuse, se plaignant de ce que « trop de gens à Washington et à Wall Street étaient à leur poste ». Tout en essayant de faire porter exclusivement la responsabilité de la crise à l’administration Bush – et ignorant la politique de déréglementation « libre échangiste » des démocrates Jimmy Carter et Bill Clinton – il offrit une amnistie mutuelle, disant : « Je ne donne certainement pas la faute de ces problèmes au sénateur McCain ».  

Ces événements sont les jalons qui marquent l’échec historique du capitalisme américain et mondial. Pour la classe ouvrière, ils signifient une augmentation rapide du chômage, de la pauvreté, de la perte du logement et de la misère sociale. Le gouvernement, Wall Street et les deux partis politiques chercheront à faire porter les conséquences de leur cupidité et de leur incompétence à la population laborieuse.

L’effondrement financier fait des ravages dans des couches de plus en plus importantes de la population, y compris parmi ceux qui travaillaient à Wall Street et profitaient des avantages financiers offerts par le boum spéculatif. Quelque 26 000 employés de Lehman ont non seulement perdu leur travail, et ont peu de chances de trouver un emploi similaire ailleurs, mais en tant que propriétaires de 25 pour cent du capital de la société, ils ont perdu en tout 10 milliards de dollars ; leurs économies et leurs fonds de pension sont anéantis.

Des dizaines de milliers d’employés de Merrill Lynch et de la Bank of America perdront leur emploi dans la fusion entre les deux firmes et viendront s’ajouter aux 110 000 emplois détruits en un an dans l’industrie des services financiers américains. L’annonce par Hewlett-Packard de la suppression de 25 000 emplois lundi est une indication des implications plus vastes de cette crise financière grandissante.

D’autre part, beaucoup parmi ceux qui ont amené ce désastre économique feront un profit appréciable avec les ruines qu’ils ont laissé derrière eux. Les fonds d’investissement et autres spéculateurs qui parient sur l’effondrement des entreprises, sont à l’heure qu’il est en train de spéculer frénétiquement sur la chute des firmes restantes cotées à Wall Street, comme Morgan Stanley et Goldman Sachs, ainsi que sur celle des grandes banques commerciales comme Bank of America.

William Gross, le patron de Pimco, le plus grand fond obligataire du monde, a empoché 1,7 milliard de dollars la semaine dernière en pariant sur (et en faisant publiquement de l’agitation pour) un rachat de Fannie Mae et Freddie Mac par le gouvernement.

Les discussions d’urgence ayant eu lieu pendant le week-end ont réuni les chefs des principales banques commerciales et d’affaires. Conduites par le secrétaire au Trésor Paulson et de hauts responsables de la Fed (Federal Reserve, la banque centrale américaine) elles se sont concentrées sur le plan de sauvetage de Merrill Lynch et l’orchestration d’une liquidation en bon ordre de Lehman Brothers. Sous la pression de Paulson et de la Fed, Merrill Lynch a accepté de se vendre à la Bank of America, la plus grande banque commerciale des Etats-Unis.

Dans le même temps, de furieuses négociations ont eu lieu sur le sort d’AIG guetté par la banqueroute à moins qu’il ne puisse lever des dizaines de milliards de dollars de capital. A l’ouverture des marchés américains lundi, AIG a demandé des prêts d’urgence à la Fed afin d’éviter un effondrement.

Une faillite d’AIG menace de faire capoter l’ensemble du système de crédit aux Etats-Unis et internationalement, parce que cette société possède une large part du marché des soi-disant Credit Default Swaps (CDS) et qui représente des billions de dollars. AIG a vendu à des banques, des fonds d’investissement et à de grands investisseurs du monde entier des contrats CDS en vertu desquels elle garantit la dette, couverte par des hypothèques, d’un grand nombre de sociétés au cas où celles-ci feraient défaut. Si AIG sombrait, la valeur de la dette qu’elle assure tomberait à un niveau inconnu, déstabilisant les marchés de crédit et entrainant une réaction en chaine de non-paiements et de banqueroutes. 

Les événements de ces deux dernières semaines démontrent que l’aristocratie financière américaine est en train de plonger tout le pays dans la faillite. Ces événements sont eux-mêmes les épisodes saillants d’un long processus.

Pendant trois décennies, on a élevé aux Etats-Unis le « libre marché » au rang de religion laïque, le marché capitaliste étant le dieu de cette religion et le socialisme son diable. Cette période, tant sous les gouvernements démocrates que républicains, a vu le démantèlement de toute la base productive de l’économie américaine coûtant à la classe ouvrière américaine des millions d’emplois et son niveau de vie.

Au nom de la prétendue infaillibilité du marché, les opérations du grand capitalisme ont été déréglementées, on a enlevé toutes les restrictions légales à la création de profit par les entreprises et on a accéléré l’accumulation de plus en plus obscène de richesses dans les mains d’une oligarchie financière. Un énorme processus de pillage social a été mis en route à travers lequel la richesse du pays a été redistribuée du bas vers le haut.

La mise au rebut d’énormes parties de l’industrie et l’énorme croissance de l’inégalité sociale sont les caractéristiques du déclin historique du capitalisme américain. Au centre de ce déclin, il y a la séparation de l’enrichissement personnel de l’élite dirigeante du processus matériel de la production.

Les Etats-Unis sont devenus dans le monde le chef de file non pas de la technologie de la production industrielle ou de la puissance industrielle, mais de la spéculation financière et du parasitisme. Comme Floyd Norris, le rédacteur économique du New York Times l’a exprimé vendredi : « Ces dernières années, Lehman, et d’autres concurrents nombreux, s’est adonné à une véritable débauche d’emprunts et a acheté des valeurs en les couvrant avec le moins d’argent possible. »

Le parasitisme du capitalisme américain a, par sa nature même, engendré la corruption et la criminalité à une échelle jamais vue jusque-là. Les patrons des firmes de Wall Street se sont accordé, au profit de la cupidité privée, des dizaines de milliards de dollars en compensations, dans un gaspillage totalement irrationnel et destructeur de ressources sociales.

A la fin de 2007 par exemple, le directoire de Lehman a accordé au président Richard S. Fuld un ensemble compensatoire d’une valeur de plus de 40 millions de dollars. Selon Reda Associates, il peut s’attendre à toucher 63,3 millions de dollars si son contrat prenait fin. En 2004, il a payé 13, 75 millions de dollars pour une maison avec vue sur l’océan, sur l’île Jupiter, en Floride, en plus de ses autres propriétés, qui incluent une maison à Sun Valley, dans l’Idaho.

Joe Gregory, un ancien président de Lehman avait l’habitude d’aller à son travail en hélicoptère. Il a récemment mis en vente sa maison de 3.500 mètres carrés avec vue sur l’océan à Bridgehampton dans l’Etat de New York pour 32,5 millions de dollars.

Le Financial Times écrivait récemment que les compensations des principaux directeurs des sept plus grandes banques se montaient à un total de 95 milliards de dollars sur les trois dernières années et ce, au moment même où ces banques enregistraient des pertes de 500 milliards de dollars.

La question de savoir exactement à qui et à quoi faire porter la responsabilité du plus grand désastre économique depuis plus de trois quarts de siècle ne sera pas et ne peut pas être soulevée par une partie quelconque de l’establishment politique ou médiatique.

Depuis le début de la crise actuelle il n’y a pas eu d’audiences parlementaires sérieuses, pas d’enquêtes publiques, pas de tentatives de rendre qui que ce soit responsable. Des interventions gouvernementales massives dans le domaine soi-disant sacro-saint du « libre marché » dans le but de dédouaner les firmes géantes de Wall Street, y compris le plus grand rachat gouvernemental d’une société de toute l’histoire des Etats-Unis, ont été effectués sans aucun débat public ni aucune opposition significative de la part d’un des deux partis. Et cela, alors que des millions d’Américains perdent leur logement à la suite des pratiques prédatrices du patronat !

Il faut tirer les conclusions de la crise du système économique et politique américain. Il n’y a pas de solution dans le cadre du système de profit. Ce qui est requis est un programme socialiste qui place les besoins de la population avant les profits et les fortunes personnelles de l’élite dirigeante.

L’ensemble du système financier doit être soustrait aux entreprises privées, il doit être nationalisé sous forme d’une entreprise publique et placé sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière, des provisions étant prises pour sauvegarder les avoirs des petits épargnants et des petits actionnaires. Cette entreprise doit être subordonnée aux besoins sociaux de la population et consacrée au développement des forces productives afin d’éliminer la pauvreté et le chômage et afin d’améliorer fortement le niveau de vie de la population toute entière.

Il faut demander des comptes à ceux qui sont responsables de cette catastrophe économique. Des enquêtes judiciaires doivent être ouvertes et des sanctions appropriées appliquées à ceux qui ont pillé la richesse sociale. Il faut une comptabilisation publique des centaines de milliards de dollars qui ont été détournés vers les comptes en banque privés grâce à la fraude et à la criminalité. De tels gains doivent être saisis et mis au service du bien public. 

La seule force sociale qui puisse réaliser cela est la classe ouvrière. Cela exige une nette rupture d’avec le parti démocrate et le système bipartite et la mobilisation de l’immense puissance sociale de la classe ouvrière dans son propre parti, sur la base d’un programme révolutionnaire et socialiste.

C’est la le programme pour lequel lutte le Socialist Equality Party.

(Article original paru le 16 septembre 2008)


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