Vendredi, l’administration Bush a annoncé un programme
fédéral massif et sans précédent de sauvetage du système banquier américain.
Vendredi matin, le secrétaire au Trésor Henry Paulson et le président Bush ont
annoncé une série de mesures pour empêcher l’effondrement des marchés
financiers et ont demandé au Congrès de voter une loi la semaine suivante afin
d’utiliser, dans les mots de Paulson, « des centaines de milliards »
de dollars des contribuables dans le but de racheter des titres adossés à des
créances hypothécaires pratiquement sans valeur qui ne peuvent être vendus par
les banques ou d’autres institutions financières sur le marché.
Paulson a déclaré qu’il rencontrerait au cours du week-end
les leaders du Congrès pour présenter les détails du plan gouvernemental.
Dans ce plan, le coût total des immenses dettes accumulées
par les banques sera refilé au peuple américain. Les dettes des banques seront
transférées au gouvernement fédéral, augmentant ainsi de façon importante le
déficit budgétaire du gouvernement et la dette des Etats-Unis. Ce processus ne
peut qu’éroder davantage la solvabilité des Etats-Unis et remettre en question
la valeur du dollar américain.
Au cours de la semaine dernière seulement, le Trésor
américain a annoncé des injections de 200 milliards $ pour la Réserve
fédérale afin de tenter de rétablir le bilan financier de la banque centrale,
qui a déjà dépensé des centaines de milliards en prêts et subventions aux grandes
banques de Wall Street et un autre 85 milliards $ pour l’acquisition du
géant de l’assurance American International Group.
Les candidats à la présidence des deux principaux partis,
le sénateur républicain John McCain et le sénateur démocrate Barack Obama, ont
rapidement exprimé leur appui au sauvetage complet des banques et des grands
investisseurs, et des congressistes démocrates en vue ont promis qu’ils
allaient obéir aux demandes de Paulson, du président de la Réserve fédérale Ben
Bernanke et de Bush, et allaient voter la loi nécessaire avant la fin de la
semaine suivante.
Le ralliement immédiat des deux partis et des médias
derrière le plan de sauvetage de Wall Street contraste vivement avec leur
indifférence et leur inaction devant les problèmes de millions de travailleurs
américains qui font face à une vague de reprises de maisons, des mises à pied
et d’attaques sur leurs conditions de vie. Lorsqu’il est question des besoins
sociaux de la population, la réaction universelle de la bourgeoisie américaine
et des deux partis est : « Nous n’avons pas assez d’argent »,
mais lorsque les fortunes de l’élite financière sont menacées, tout le pouvoir
du gouvernement et des ressources illimitées sont déployés en un instant.
Aucune mention d’aide à la classe ouvrière n’a été faite
dans les déclarations de Bush et Paulson, rien pour stopper les forclusions ou
aider ceux qui ont déjà perdu leur maison. Plutôt, des centaines de milliards,
et plus probablement des billions, de dollars de fonds publics seront utilisés
pour soutenir les banques.
La banqueroute du gouvernement qui en résultera sera
utilisée pour justifier une violente attaque sur ce qui reste des programmes
sociaux, y compris Medicaid, Medicare et l’aide sociale, et pour exiger des
travailleurs d’autres « sacrifices » financiers encore plus grands,
peu importe qui dirigera la prochaine administration, Obama ou McCain. Rien ne
pourrait démontrer plus clairement que derrière la façade de la démocratie
américaine se trouve la dictature de la grande entreprise.
Paulson a fait son annonce à la suite d’une réunion jeudi
soir à laquelle assistaient Bernanke, le président de la Securities and
Exchange Commission Christopher Cox et des leaders congressistes des deux
partis. À la réunion, Paulson a mis en garde que le système financier américain
et mondial était au bord de l’effondrement et il a présenté en termes généraux
le plan visant à établir une certaine forme d’agence gouvernementale qui
retirerait les titres « non liquides » adossés à des créances hypothécaires
des bilans des banques.
Des nouvelles de ce plan ont d’abord été rapportées dans
l’après-midi de jeudi, lorsqu’une injection massive de liquidités par la
Réserve fédérale et des banques centrales en Europe, au Canada et au Japon n’a
pas réussi à faire débloquer les marchés du crédit qui s’étaient effondrés au
cours des jours précédents. La Fed a émis 180 milliards $ en prêts aux
autres banques centrales et a rajouté par la suite 120 milliards $ de plus
dans le but d’inciter les banques à se prêter entre elles et à d’autres
compagnies, dans des conditions où la confiance dans les marchés financiers et
les grandes institutions était si basse que les marchés du crédit avaient cessé
de fonctionner. Mais plutôt que de prêter cet argent neuf à d’autres compagnies,
les grandes banques se le réservaient pour se protéger elles-mêmes.
L’effondrement du système capitaliste mondial, que l’on
considère largement comme la pire crise depuis le krach boursier de 1929 et qui
nous mènerait vers une autre Grande Dépression, est survenu dans la foulée de
l’acquisition par le gouvernement des Etats-Unis des géants du refinancement
hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, l’effondrement la semaine dernière des
emblèmes de Wall Street qu’étaient Lehman Brothers et Merrill Lynch, et
l’acquisition mardi d’American International Group.
Suite à ces développements, d’autres grandes banques
américaines ont éprouvé de graves problèmes et étaient au bord de la faillite,
y compris la banque d’investissement Morgan Stanley et le géant du prêt et de
l’épargne Washington Mutual. Tous deux étaient frénétiquement à la poursuite
d’acheteurs alors que les prix de leurs actions chutaient. L’effet domino de la
chute des banques menaçait ainsi la plus importante banque d’investissement
américaine, Goldman Sachs, dirigée par Paulson avant que celui-ci ne devienne
secrétaire au Trésor, dont l’action avait subi d’énormes pertes au cours de la
semaine.
La crise a atteint un point limite mardi et mercredi
lorsque d’importants fonds monétaires américains ont annoncé des pertes et
d’autres ont été forcés de fermer. Cela déclencha un retrait massif de ces
fonds, alors que les plus grands fonds perdirent 78,7 milliards $ mercredi
et, selon une évaluation de l’industrie, un total de 145,3 milliards $ en
deux jours.
Les fonds du marché monétaire sont considérés comme étant
les formes les plus sûres d’investissement et l’épargne de dizaines de millions
d’Américains y est investie. Plus directement, du point de vue de Wall Street,
ces fonds injectent de l’argent dans les marchés du crédit en achetant des
reconnaissances de dette à court terme émises par les banques et les
compagnies, appelées « papier commercial ». L’intensification de la
crise des fonds du marché monétaire menaçait d’entraîner l’effondrement du marché
du papier commercial, précipitant une réaction en chaîne de défauts de paiement
et de faillites à travers l’économie.
« C’est le cauchemar ultime que d’avoir une crise sur les marchés
monétaires — c’est vraiment l’Armageddon — et ils ne vont pas laisser cela se
produire », a dit Paul McCulley de Pacific Investment Management Co.
L’indice Dow Jones industriel avait déjà perdu 800 points dans les trois
premières journées boursières de la semaine et, jeudi après-midi, la reprise
stimulée par l’action coordonnée de la Réserve fédérale et d’autres banques
centrales ce matin-là redevenait incertaine. Vers trois heures de l’après-midi,
des nouvelles arrivèrent concernant le plan du gouvernement de sauver les
banques. Le plancher de la Bourse de New York éclata d’applaudissements et le
marché s’est immédiatement renversé en montant en flèche dans une frénésie
d’achats.
Dans la dernière heure des échanges, l’indice Dow Jones industriel a regagné
la plupart de ses 449 points perdus mercredi, grimpant de 410,03 points,
constituant le plus haut gain de pourcentage en presque six ans. De son bas
niveau du milieu de la journée jusqu’à son sommet de la fin de l’après-midi, le
Dow Jones avait repris 617 points.
Les plus grands gagnants furent les valeurs financières, incluant Morgan
Stanley et Washington Mutual, qui passèrent de grandes pertes à d’importants
gains.
Le vendredi matin, le gouvernement a annoncé une série de mesures immédiates
pour sauver les marchés, incluant une interdiction temporaire sur les
« short selling » (qui sont une mise sur des baisses de prix) de
valeurs financières et un programme de 50 milliards du gouvernement pour
assurer les fonds du marché monétaire. Le département du Trésor a aussi annoncé
que Fannie Mae et Freddie Mac, maintenant étatisés, achèteraient plus de titres
de placement adossés à des prêts hypothécaires et que le Trésor achèterait
directement un grand nombre de tels actifs. La Fed a aussi annoncé qu’elle
prolongerait ses prêts à faibles coûts aux banques afin de dégeler le marché
des papiers commerciaux.
Ces actions et les déclarations de Paulson et Bush ont déclenché une orgie
d’achats sur les marchés boursiers, le Dow Jones fermant en hausse de 368,75
pour la journée.
Dans sa déclaration, Paulson a dit que des mesures « exhaustives »
étaient nécessaires « pour aller à la racine des tensions de notre système
financier. Les faiblesses sous-jacentes de notre système financier aujourd’hui
sont les actifs hypothécaires non liquides qui ont perdu de la valeur au cours
de la correction hypothécaire. »
C’est un mensonge. La cause véritable de la crise est le parasitisme débridé
du capitalisme américain qui a, pendant des décennies, démantelé d’énormes
sections de l’industrie dans le but d’amasser de grands profits pour les riches
par des moyens de spéculation financière et de fraude, basés sur
l’établissement d’une dette colossale. La facture est
maintenant refilée au peuple américain.
Bush, flanqué de Paulson, Bernanke et Cox, a appelé à un sauvetage par le
gouvernement de Wall Street au nom de « notre système de la libre
entreprise ».
« Il y aura beaucoup d’occasions pour débattre des origines de ce
problème », a-t-il dit. « Maintenant, c’est le temps de le
résoudre. »
Il n’y aura, en fait, aucun débat ou discussion. Personne ne sera tenu
responsable du plus grand scandale financier de l’histoire mondiale. Il n’y aura
pas de pénalités. De tous ceux qui ont engrangé des dizaines et des centaines
de millions de dollars en pillant les Etats-Unis, pas un ne sera forcé de
redonner un cent.
Toutes les ressources financières des Etats-Unis sont mises à la disposition
de Wall Street et chaque citoyen américain, sans qu’on ne le lui demande, se voit
donner la responsabilité de prendre sur lui les dettes des gens les plus riches
du pays.
Certainement, aucun débat ou résistance ne viendra de la supposée opposition
politique — le Parti démocrate. Vendredi à Miami, Obama a affirmé qu’il
soutenait pleinement le plan de sauvetage. « John McCain et moi pouvons continuer
d’argumenter sur nos différents programmes économiques pour l’année prochaine,
mais nous devons nous unir maintenant pour travailler sur ce que ce pays a
urgemment besoin », a-t-il déclaré.
Obama n’est pas moins lié à Wall Street que son opposant républicain. En
fait, il a reçu plus d’argent de l’industrie financière pour sa campagne — 22,5
millions de dollars — que McCain, qui a reçu 19,6 millions.
Les leaders démocrates au Congrès se sont rangés vendredi du côté du plan de
l’administration. Le sénateur de New York, Charles Schumer, président de la
commission économique mixte, a dit qu’il était optimiste que le Congrès
approuve le plan d’ici une semaine.
Barney Frank, un démocrate du Massachusetts et président de la commission
des Finances de la Chambre des représentants, a dit que son comité pourrait
tenir un vote sur le plan aussi tôt que mercredi. « Ils ont dit qu’ils
aimeraient avoir une loi pour le faire et pratiquement tous étaient d’accord pour
une telle loi », a dit Frank.
La représentante Nancy Pelosi, la speaker démocrate de la Chambre des
représentants, a ajouté : « Nous espérons agir très rapidement. Le
temps est crucial. »
Tous ceux qui sont impliqués dans la mise en branle de ce plan pour diriger
toute la richesse du pays dans les coffres de l’élite financière ont des
intérêts financiers directs dans le résultat. Paulson a fait des centaines de
millions de dollars en tant que président de Goldman Sachs. Pelosi aurait des investissements
majeurs dans American International Group. Plusieurs des leaders au Congrès,
qu’ils viennent d’un parti ou de l’autre, sont eux-mêmes multimillionnaires et
comptent sur l’aide financière de la grande entreprise pour être élus. Ils sont
tous dirigés par des intérêts personnels qui reflètent les intérêts de la
classe dirigeante américaine.
Le résultat des actions du gouvernement jeudi et vendredi a été non
seulement de renflouer les dettes des super riches, mais de faire croître leurs
portefeuilles d’action et leurs comptes bancaires par la flambée du prix des
actions.
(Article original anglais paru le 20 septembre 2008)