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Le gouvernement socialiste d’Espagne empêche la tenue d’un procès pour torture de hauts responsables de Bush

Par Paul Mitchell
30 avril 2009

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Le gouvernement Obama et le gouvernement du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) travaillent en tandem pour empêcher la poursuite judiciaire de hauts responsables du gouvernement Bush.

Le président Barack Obama et le premier ministre José Luis Zapatero ont tous deux été élus par le vote populaire en raison de leur opposition expresse à la guerre en Irak et de leur aversion pour la détention illégale et la torture dans la soi-disant « guerre contre le terrorisme ». Au lieu de cela, ils collaborent dans un effort mondial pour protéger les auteurs de ces crimes.

Le chef du parquet espagnol, Candido Conde-Pumpido, a rejeté au début du mois l’ouverture d’une procédure pénale visant six conseillers du gouvernement Bush. La décision a été prise par la personne que le gouvernement PSOE a nommée pour représenter son système judiciaire.

Les accusés étaient Alberto Gonzales, ancien conseiller à la Maison Blanche puis secrétaire à la Justice, Jay Bybee, ancien adjoint du secrétaire à la Justice, John Yoo, ancien avocat-conseil du département de la Justice, William Haynes, ancien conseiller juridique du Département américain de la Défense, Douglas Feith, ancien sous-secrétaire à la Défense et David Addington, chef de cabinet et conseiller juridique du vice-président Dick Cheney.

Le groupe humanitaire Association for the Dignity of Prisoners (Association luttant pour la Dignité des prisonniers) avait déposé plainte contre eux en alléguant que ces responsables étaient les architectes de la politique à l’origine de la torture infligée à Guantánamo Bay à six citoyens espagnols. Leurs accusations avaient été étayées par la récente divulgation de mémos secrets sur les attentats du 11 septembre rédigés par le département américain de la Justice détaillant et cautionnant le recours à des tactiques d’interrogatoire illégales et brutales, y compris la simulation de noyade (« waterboarding ») infligées aux présumés membres d’al-Quaïda détenus aux Etats-Unis.

Le juge d’instruction, Baltasar Garzón, avait jugé la plainte recevable et l’avait transmise au parquet du Tribunal national espagnol en sollicitant l’avis de ce dernier sur la suite à y donner. Conde-Pumpido est intervenu pour demander le rejet de la plainte. « S’il existe une raison de déposer une plainte contre ces gens, elle devrait être portée devant la justice locale, en d’autres termes, aux Etats-Unis, » a-t-il déclaré.

Il a ainsi retourné la justification utilisée pour poursuivre des dirigeants serbes, tel le président yougoslave Slobodan Milosevic, inculpé pour des crimes commis durant la guerre des Balkans en mettant en cause « sa responsabilité dans la chaîne de commandement » en déclarant, « S’il s’agit d’enquêter sur le crime de mauvais traitement à un prisonnier de guerre, il s’agit alors de poursuivre ceux qui y ont eu physiquement recours. »

L’on rapporte que le gouvernement PSOE est en train de renforcer ses pressions pour restreindre le recours à la juridiction universelle pour engager des poursuites contre des responsables haut placés inculpés de mauvais traitement, bloquant de ce fait la possibilité d’entreprendre de telles démarches à l’avenir.

Les préoccupations du gouvernement Zapatero à ce sujet relèvent de la politique intérieure. L’année dernière Garzón avait abandonné une enquête sur les exécutions et la répression commises par le régime fasciste du général Francisco Franco après une intervention identique de Conde-Pumpido motivée par la crainte que le fait de miner le « pacte du silence » adopté durant la transition à la démocratie parlementaire après la mort du dictateur pourrait être politiquement explosif.

Mais le principal motif derrière la décision d’arrêter les poursuites des responsables de Bush ont été les pressions exercées par le gouvernement américain. Une série de réunions avaient eu lieu entre Zapatero et le président Barack Obama durant Pâques et au cours desquelles Washington a, on ne peut plus clairement, montré sa détermination à empêcher les poursuites contre les responsables de Bush et les agents de la CIA ayant procédé aux interrogatoires.

Eu égard au fait qu’Obama est en train de faire tout son possible pour limiter les dégâts politiques causés par les articles de presse disant que le président Bush, le vice-président Cheney, la conseillère pour la sécurité nationale Condoleezza Rice, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, le secrétaire d’Etat Colin Powell et d’autres avaient approuvé la tactique de torture de la CIA, la moindre action émanant du parquet espagnol susceptible de gêner ces efforts doit être arrêtée.

En réponse aux questions posées par l’interviewer de CNN espagnol, Juan Carlos López, sur les efforts entrepris en Espagne pour poursuivre en justice les responsables de Bush, Obama a répondu, « Je crois fermement que nous devrions regarder en avant et non pas en arrière. »

Bien qu’il ait affirmé ne pas avoir été « directement en contact » avec le gouvernement espagnol à ce sujet, Obama a admis que son équipe l’avait été. Des articles ont confirmé que le département d’Etat américain avait maintenu des contacts réguliers avec le gouvernement espagnol dans cette affaire.

Peu de temps après que l’Association pour la dignité des prisonniers eut lancé ses poursuites judiciaires, le 17 mars, l’ambassade américaine à Madrid « avait invité » le procureur en chef du parquet, Javier Zaragoza, à expliquer la nature des accusations ainsi que le comment et le pourquoi de la suite à donner au dossier.

Une préoccupation majeure se cachant derrière les efforts entrepris par Obama pour couvrir les crimes d’Etat commis par son prédécesseur, y compris l’espionnage illégal de la population américaine ainsi que la torture, les restitutions (« renditions ») et la détention illimitée, est le vœu cher de maintenir l’extension considérable du pouvoir exécutif unilatéral durant les années Bush et qui se trouvait au cœur des conceptions dictatoriales élaborées dans les mémos secrets. Obama, ses conseillers et l’appareil du renseignement militaire devant lequel ils s’inclinent veulent préserver les structures répressives et les lois adoptées par Bush face aux tensions explosives qui sont en train de s’intensifier au sein de la société américaine. D’autant plus que, dans les conditions de la crise économique, les formes démocratiques deviennent intenables dans une société dominée par des niveaux d’inégalité sociale ahurissants et où un monopole du pouvoir politique est exercé par une aristocratie financière par le biais de deux partis corrompus et serviles.

En principe, les mêmes considérations se trouvent derrière les actions entreprises par le gouvernement Zapatero. Le PSOE fut porté au pouvoir en 2004 par une énorme vague anti-guerre, attisée par la colère contre le fait que gouvernement du Parti populaire avait cherché à faire porter la responsabilité des attentats terroristes à la bombe survenus à Madrid à l’organisation séparatiste basque ETA afin de dissimuler le lien existant entre les attentats et la participation de l’Espagne à la guerre contre l’Irak.

Le vote avait révélé un vaste sentiment de profonde hostilité contre les fauteurs de guerre Bush, le premier ministre britannique Tony Blair et le prédécesseur de Zapatero, José Maria Aznar. A l’époque, Zapatero s’était senti obligé de se positionner dans ses déclarations le plus clairement à gauche et contre la guerre, de tous les autres dirigeants européens. Il avait annoncé immédiatement le retrait de 1300 soldats espagnols d’Irak.

Mais, bien qu’il considérât la guerre d’Irak comme une catastrophe, le PSOE n’eut jamais l’intention de s’opposer au militarisme américain. Il maintint la présence de ses troupes en Afghanistan. Cette armée fut renforcée le mois dernier par le déploiement de 1000 hommes supplémentaires.

La décision de mettre fin aux poursuites judiciaires des responsables de Bush prouve combien les engagements rhétoriques aux normes démocratiques ont peu de valeur quand il est question de la politique réaliste impérialiste et ce indépendamment de la couleur politique d’un gouvernement bourgeois donné.

Ce qui est en jeu dans la démarche du gouvernement Zapatero ce n’est pas seulement le besoin de rétablir les relations politiques avec Washington. Le capitalisme espagnol se trouvant en grandes difficultés et les tensions sociales devenant de plus en plus aiguës, tout ce qui risque d’entraver la capacité de l’élite dirigeante de promouvoir ses propres ambitions mondiales, y compris par des moyens militaires, est intolérable. Avant tout, l’establishment politique et les services de sécurité doivent rester libres de tout obstacle juridique ou de responsabilité démocratique quand il s’agit de leurs propres actions répressives.

La seule base de la lutte contre le militarisme et pour la défense des droits démocratiques est la mobilisation politique indépendante et l’unification internationale de la classe ouvrière contre tous les représentants du capital, ceux de la « gauche » officielle au même titre que ceux de la droite.

(Article original paru le 25 avril 2009)

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