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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le Nouveau Parti anticapitaliste tient son congrès fondateur

Par Alex Lantier
17 février 2009

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Le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) a tenu son congrès fondateur du 6 au 8 février à la Plaine Saint-Denis, au nord de Paris. Préparé et organisé par les membres de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), le congrès du NPA a fait immédiatement suite au congrès de dissolution de la LCR le 5 février.

Le congrès a marqué une rupture publique et officielle avec toute association rhétorique ou symbolique au trotskysme, une répudiation formelle de toute association à la politique révolutionnaire et a ainsi posé les fondements de l’intégration du NPA dans la structure de la politique bourgeoise.

Les débats lors du congrès se sont concentrés sur la manière d’éliminer des documents fondateurs les formulations trotskystes politiquement gênantes et la meilleure façon de poser les bases d’une participation future à un gouvernement de coalition de la gauche bourgeoise. La tâche la plus immédiate a donc consisté à définir la plateforme du parti pour les élections européennes de 2009 et à décider de la manière de formuler ses négociations avec le Parti communiste (PC) et celui récemment fondé, le Parti de Gauche (PG) et de plus petits partis et organisations politiques à leur périphérie.

Les délégués du congrès se sont montrés généralement peu intéressés, voire franchement hostiles à la théorie marxiste. Une tentative de remplacer les références au « socialisme » par « éco-socialisme » a été refusée mais a recueilli le soutien d’environ un quart des délégués. La formulation de Marx, reprise par Luxembourg et Trotsky, selon laquelle les alternatives  posées à l’humanité par la crise du capitalisme sont « socialisme ou barbarie » ont été rejetées comme étant « ethnocentriques. »

Dans la plateforme électorale européenne, les références aux « Etats unis socialistes d’Europe, » une formulation de longue date du mouvement trotskyste visant à appeler à l’unification de l’Europe sur une base socialiste, ont été remplacées par « une Europe des travailleurs et des peuples. » La dissolution sanglante de la Yougoslavie, le risque d’une désintégration ethnique en Belgique et un certain nombre d’autres mouvements (notamment le séparatisme irlandais et catalan en Espagne) que la LCR a soutenus, montre la nature de cette mise en avant de l’ethnicité comme base de l’unité politique. Le passage d’une conception de l’Europe comme entité fondée sur les classes sociales, à une conception de l’Europe comme groupement de nationalités distinctes, est dangereux et réactionnaire.

Le sujet le plus largement débattu au congrès a été de savoir comment formuler les conditions du NPA pour une alliance électorale large avec le PG, le PC et autres organisations associées. Le congrès du NPA s’est accordé pour déclarer que le NPA est « favorable à un accord durable avec toutes les forces se déclarant favorables à l’anticapitalisme. »

Le contexte politique de ce débat est la création du PG en novembre dernier et sa proposition de former un Front de gauche, incluant le PG, le PC et le NPA, aux élections européennes. Le PG a été formé par le sénateur Jean-Luc Mélenchon suite à une scission d’avec le Parti socialiste (PS), le principal parti français de la gauche de gouvernement. Après le congrès fondateur du PG du 29 au 31 janvier dernier, Mélenchon avait lancé un appel public au candidat LCR à la présidentielle, Olivier Besancenot : « Olivier Besancenot a une responsabilité devant l'Histoire, il n'est plus à la tête d'un groupuscule. » Mélenchon avait ajouté, « S'il refuse le front de gauche, le rééquilibrage (à gauche) ne pourra pas se faire. Passer devant le PS, c'est jouable. » Les sondages d’opinion montrent que le Front de Gauche recueillerait 14,5 pour cent des voix si les élections européennes se tenaient aujourd’hui.

L’objectif à plus long terme d’une alliance de type Front de Gauche, dans une situation de crise politique et de discrédit du gouvernement droitier de Sarkozy, serait de permettre la formation d’un gouvernement de coalition de la gauche bourgeoise française.

La direction du NPA a, à plusieurs reprises, indiqué son intérêt pour une telle alliance. Elle a signé un appel conjoint organisé par le PG et le PC juste avant la grève et journée d’action du 29 janvier et le 3 février elle a signé, avec un groupe de partis incluant le PS, le PG et le PC, une critique conjointe de la manière dont le président Nicolas Sarkozy gère la crise économique.

Le NPA a aussi autorisé le PG et le PC de faire circuler des appels à ses adhérents au congrès. Le PG a écrit que les travailleurs seront appelés à « à souffrir de la crise du capitalisme si une alternative n'y fait pas face. Nous savons que vous prenez au sérieux cet argument. [...] Nous sommes persuadés que ces différences ne sont pas de taille à nous empêcher de faire front pour contribuer à changer le monde. »

Lors de discussions sur les plateformes électorales européennes et le Front de Gauche, des délégués du congrès se sont fortement exprimés en faveur de « l’unité de la gauche. » La majorité des intervenants était en faveur du Front de Gauche, bien qu’une minorité significative ait exprimé des doutes sur Mélenchon dont la position de membre de longue date du PS et de ministre délégué à l’enseignement professionnel dans le gouvernement du premier ministre PS, Lionel Jospin (1997-2002) est bien connue. Un délégué qui le qualifiait de « traître de la classe ouvrière » s’est fait cependant huer.

La proposition du PG d’un Front de Gauche crée un problème tactique pour le NPA : il craint de perdre sa popularité et son pouvoir de négociation s’il entre trop rapidement dans une alliance de Front de Gauche. Sur la question de savoir comment rejoindre une formation de type Front de Gauche, le NPA est divisé sur une ligne de faille bien établie : entre la majorité de la LCR conduite par Alain Krivine qui cherche à adopter une ligne plus indépendante et la minorité de la LCR conduite par Christian Picquet qui lui préfère rejoindre immédiatement le Front de Gauche.

Un reporter du WSWS s’est entretenu avec Picquet lors du congrès. Plus réservé quant au potentiel électoral et politique de la promotion de Besancenot en célébrité médiatique, Picquet est tellement soucieux du mécontentement et de l’opposition politique dans la classe ouvrière qu’il sent que le NPA doit rapidement s’allier à l’establishment de gauche pour détourner toute explosion de la classe ouvrière.

Picquet a dit, « Ceux qui rompent l'unité [c'est-à-dire les partis de « gauche », dont le NPA, le PC et le PG] paieront un gros prix politique. Ils [La majorité du NPA] croient au succès du NPA et de Besancenot — c'est un choix électoral, je crois qu'ils ont tort. Les déçus du PS ne comprennent pas pourquoi ne s'exprime aucune gauche crédible contre la droite. » Il a ajouté que la majorité, en n’adoptant pas une alliance de type Front de Gauche pouvant former un gouvernement, est « sourde à la colère sourde dans ce pays. »

Interrogé sur les risques pour la majorité NPA d’une telle prise de position, Picquet a répondu : « beaucoup de déception, une montée soudaine de l'opinion. »

Les conceptions politiques mises en avant par le NPA au sein de ses membres, un « anticapitalisme » mélangeant toutes les idéologies de la gauche petite-bourgeoise, ont été présentées on ne peut plus clairement dans le discours-programme de 20 minutes de Besancenot. Il a commencé par faire remarquer que « rien ne sera tranché en détail » dans son discours, qui n’était qu’une « introduction aux débats du congrès. » Cependant sa perspective essentielle était que l’effondrement de l’URSS avait éliminé toutes distinctions politiques significatives entre les tendances de l’establishment politique de gauche, qui pouvaient être unifiées autour d’une plateforme de politique de contestation.

L’effondrement de l’URSS en 1991 avait « fermé » ce que Besancenot a appelé « cycle de 1917 » et le « siècle ouvert par 1917 », c’est à dire la Révolution d’octobre en Russie. Il n’y a plus de « clivage entre les formes de révolution », a-t-il expliqué : « Ecosocialisme, autogestion [c'est-à-dire l’anarchisme],  peu importe le mot. »

Pour expliquer les raisons pour lesquelles la LCR n’avait fondé le NPA que 18 ans après l’effondrement de l’URSS, Besancenot a fait remarquer que la LCR avait échoué, à plusieurs, dans des tentatives de construire des blocs avec d’autres partis politiques, appelant ces tentatives des « cartels par le haut. » Ces tentatives, a-t-il dit, impliquaient des négociations publiques de la LCR avec des partis associés au PS. Présentant une version concise de l’argument de la majorité s’opposant à une intégration rapide dans le Front de Gauche, Besancenot a dit que de telles alliances « parasit[aient] la dynamique. »

Besancenot a fait remarquer que la crise économique mondiale a crée une atmosphère favorable au NPA : « Pour une fois, il n'y a pas une démoralisation généralisée. » Faisant référence aux protestations de masse qui ont émergé en Grèce après la mort par balle d’un jeune de 15 ans, Alexandros Grigoropoulos, il a dit : « Le syndrome grec a fait peur. »

Il a cité les problèmes environnementaux comme des aspects clés de la crise économique et encouragé les gens à « produire à partir du strict nécessaire. » Il a proposé une série de revendications : l’interdiction des licenciements, une augmentations du Smic (salaire minimum) de 300 euros, l’utilisation des maisons et appartements vides pour y loger les sans domicile fixe. Il a finalement appelé à l’« activité volontariste » et à la « transformation sociale ».

De cette éruption de luttes potentiellement insurrectionnelles dans la classe ouvrière, Besancenot ne tire pas la conclusion qu’il y a une nécessité objective d’une perspective socialiste et révolutionnaire pour les travailleurs. Pour Besancenot, on ne peut tirer aucune leçon politique de la défaite des vagues de grèves successives contre la politique d’austérité sociale en France depuis 1995. Au contraire, le développement d’une crise économique et sociale d’une envergure jamais égalée depuis les années 1930 est vu comme créant de meilleures conditions pour des mobilisations de protestation dans l’unité avec les syndicats et des partis comme le PC et le PG.

Dès sa naissance, le NPA est une organisation politique fermement attachée à l’aile gauche de la politique bourgeoise française. Avec le développement de luttes révolutionnaires au sein de la classe ouvrière, cette dernière trouvera dans le NPA un ennemi déterminé.

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