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France : La LCR se dissout pour fonder le Nouveau parti anticapitaliste

Par Alex Lantier
10 février 2009

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Des reporters du World Socialist Web Site ont assisté au 18e Congrès de la Ligue communiste révolutionnaire qui s’est tenu le 5 février à la Plaine Saint Denis au nord de Paris. Lors de ce congrès, la LCR s’est officiellement dissoute. Lors des sessions suivantes, du 6 au 8 février, des délégués de la LCR et de nouveaux adhérents du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) ont fondé le NPA.

La LCR essaie de prendre un virage à droite en recrutant des forces politiques venant des partis de la « gauche » de gouvernement, Parti socialiste (PS) et notamment Parti communiste (PC), ainsi que de plus petits partis de gauche tels Lutte ouvrière, des organisations altermondialistes liées au PC et des organisations contestataires plus petites. La LCR utilise l’« anticapitalisme » comme un slogan idéologiquement plus diffus avec lequel il lui est possible de recruter dans ces organisations.

Des différences importantes sur l’orientation de la LCR par rapport aux partis de gauche bourgeois ont néanmoins émergé. La session du matin était dominée par une lutte de factions entre le courant majoritaire et le courant minoritaire du comité politique de la LCR qui avaient proposé deux plateformes rivales avant le congrès du parti. Deux rapports ont été présentés, l’un par le dirigeant de la LCR, Alain Krivine, parlant pour la majorité et un autre rapport de la plateforme minoritaire, présenté par Christian Picquet.

La plateforme majoritaire de la LCR appelle à une reconstitution des tendances de la gauche officielle au sein du NPA : « Etre tous ensemble dans le NPA est la conclusion logique du processus engagé. Cela nécessite de dissoudre la LCR. [Le NPA] a besoin de militants nouveaux venus en politique, ou venus d'autres sensibilités ou courants politiques; socialistes, communistes, écologistes, libertaires, révolutionnaires, du mouvement social... »

Dans son discours d’ouverture, Krivine a dit que la nécessité du NPA naît du « discrédit de la gauche réformiste » ce qui signifie qu’il ne peut répondre aux besoins des travailleurs dans la crise économique actuelle. Il a ajouté, « Il n'est pas question d'enterrer » la gauche officielle, faisant remarquer que le PS a une « force électorale » significative et le PC des « des militants sincères et courageux » qui ne sont retenus que par une  « crise identitaire » due au lien électoral du PC avec le PS. Krivine a décrit la « nécessité d'unité », c'est-à-dire de « rassembler les réformistes, les syndicats, toute la gauche » dans des actions de protestation.

Il s’est, de plus, félicité que les questions d’histoire et de perspective politique ne seraient pas discuté : « [En 1968] On s'adressait à ceux qui distinguaient entre courants maoïstes, courants trotskystes, etc. Aujourd'hui, quel ballon d'oxygène. On a des gens qui veulent se battre, s'opposer contre Sarkozy. »

Il a suggéré que les militants de la LCR ne défendent aucune orientation politique particulière et mettent au second plan les discussions sur le marxisme révolutionnaire : « Personne n'a l'audace de dire “J'ai la vérité”. Tous les problèmes de stratégie restent ouverts. » Il a mis en garde, que « On ne peut pas jouer aux professeurs rouges, » faisant remarquer qu’avec le recrutement au NPA de personnes ayant des orientations féministes, écologiques ou politiquement différentes, les ex-militants de la LCR devront « faire attention au vocabulaire. »

L’intervention de Christian Picquet représentait les sections de la LCR orientées vers une collaboration plus directe avec le PS et le PC. Pour eux, la perspective majoritaire de la LCR, consistant à recruter au sein des partis de gauche bourgeois en critiquant les directions du PS et du PC, va à l’encontre des relations bien établies que les sympathisants de Picquet ont construites à l’intérieur des directions de ces partis.

La plateforme minoritaire a déclaré, « [le NPA] doit être un levier, une étape vers un rassemblement pour un grand parti pour le socialisme, un parti pluraliste et démocratique favorisant une réorganisation de l'ensemble de la gauche et du mouvement ouvrier, » en ajoutant que le but immédiat était de « faire converger les forces disponibles, à la gauche du PS. »

Picquet avait été limogé du comité politique de la LCR l’année dernière et il avait attaqué le NPA dans les médias bourgeois avant le Congrès. Dans une interview accordée à Libération, Piquet avait dit que le projet du NPA était la « surenchère gauchiste la plus folle », ajoutant « Même à 10 000 membres, vouloir révolutionner la société, c'est un peu mégalo. »

Dans son rapport, Picquet a fait remarquer que « Le marasme provoque une libération de forces qui peuvent amener à une convergence des meilleures forces de la gauche. » Il a cité la récente scission de l’aile gauche du PS, conduite par Jean-Luc Melenchon qui a fondé le Parti de Gauche (PG) à la recherche d’une alliance politique avec le PC. Faisant remarquer que le NPA était construit sur la base de la popularité médiatique du candidat LCR à la présidentielle, Olivier Besancenot, Picquet a dit que la réponse ambivalente de Besancenot à la proposition du PG d’une plateforme électorale commune NPA-PG aux élections européennes de 2009, était une mauvaise décision.

Picquet a appelé à une renaissance du « meilleur de la LCR » signifiant par là son opposition  aux conceptions fondamentales du marxisme révolutionnaire, parmi lesquelles : « ne pas se poser comme noyau du mouvement révolutionnaire, une organisation tournée vers l'extérieur et opposée à toute tendance avant-gardiste [...] une conception du socialisme comme extension des conquêtes sous le régime capitaliste. »

Après les rapports initiaux, les sympathisants du courant majoritaire et ceux du courant minoritaire ont débattu dans une atmosphère tendue et quelque peu turbulente. Les intervenants du courant majoritaire étaient d’accord avec la description de Picquet concernant la politique révisionniste de la LCR mais ont argué que les méthodes de la LCR convenaient mieux pour gagner un large soutien auprès de la gauche bourgeoise française. François Duval a félicité la majorité LCR de « rassembler les camarades de lutte, du PCF, des jeunes où le principe d'organisation n'est pas gagné. » Il a ajouté, « [la minorité] a rêvé de dépasser la LCR, nous l'avons fait ».

Le théoricien de la LCR Daniel Bensaïd a exprimé peut-être de la façon la plus concise la perspective de la majorité LCR. Se référant à la crise économique, il a dit « D'ici 5 à 10 ans, les coordonnées auront complètement changé. Souvent, on pense à la LCR comme obstacle. Ils n'ont pas tort. Le NPA » a-t-il ajouté « est un changement quantitatif et qualitatif. » et permettra à l’organisation de « peser sur la décomposition de la vieille gauche. »

La session de l’après-midi a été consacrée à la discussion des relations futures du NPA avec le Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale (Secrétariat unifié), l’organisation internationale des partis opportunistes et révisionnistes. La LCR fournit des ressources financières importantes au Secrétariat unifié, gère plusieurs de ses publications ainsi que plusieurs activités de formation des jeunes pour le Secrétariat unifié. La LCR a cependant clairement fait entendre que le NPA ne maintiendra aucun semblant d’orientation socialiste ou de discipline internationale que des liens avec le Secrétariat unifié impliqueraient.

La première intervenante pour la plateforme majoritaire a expliqué que le NPA « Nous allons maintenir tous les liens — cotisations, formations, etc. Mais le NPA ne sera pas lié par ses orientations et éventuellement ses décisions. » Elle a ajouté qu’exiger que le NPA soit affilié au Secrétariat unifié et accepte un droit de regard international serait en violation de son « pluralisme. »

L’intervenant de la plateforme minoritaire a critiqué la position de la majorité qu’elle a qualifiée de maladroite et d’impossible: une portion significative des activités du Secrétariat unifié sera gérée par un parti qui a officiellement renoncé au trotskysme et qui refuse de reconnaître l’autorité du Secrétariat unifié. Il a fait remarquer qu’il y avait un consensus large à la LCR sur le fait que le NPA ne devrait pas être une section du Secrétariat unifié, mais que le NPA devrait continuer à jouer un rôle clé en son sein. Pour cela il a proposé qu’il y ait une « association » pro-Secrétariat unifié au sein du NPA.

Une discussion confuse s’en est suivie. La conception politique de la minorité a semblé être la suivante : elle veut maintenir une certaine référence au Secrétariat unifié et à Trotsky afin de maintenir une certaine indépendance idéologique et politique par rapport à ses partenaires de négociation dans le PS et le PC. Une association pro-Secrétariat unifié au sein du NPA serait, de plus, un point de ralliement pour les sympathisants de Picquet dans le NPA.

Le courant majoritaire dans la LCR considère toute affiliation, orientation socialiste ou référence à Trotsky comme un obstacle intolérable aux alliances internationales qu’elle cherche à construire et à son recrutement dans la gauche bourgeoise française. Elle ne veut pas non plus renforcer le groupe de Piquet dont la ligne politique montre que l’opposition intransigeante que la LCR affiche envers le PS et le PC, une de ses principales tactiques politiques pour gagner un soutien électoral de masse, est fondée non sur des considérations de principes mais de tactiques. De ce fait, malgré les points communs entre les perspectives des deux factions, aucun compromis n’est possible.

Le discours final a été prononcé, pour le courant LCR majoritaire, par François Sabado. Sa contribution a clairement laissé entendre que l’opposition de la majorité au Secrétariat unifié était liée à la fois à l’orientation délibérée vers une politique bourgeoise et à la décision d’imposer la fin des débats internes dans la LCR.

Sabado a parlé d’« une fenêtre qui s'ouvre qu'il ne faut pas rater ». Il a fait référence aux régimes bourgeois de gauche d’Amérique latine, de Hugo Chavez au Venezuela et d’Evo Morales en Bolivie, comme étant des évolutions « révolutionnaires » en opposition au capitalisme mondial et a conclu qu’« il faut un pôle anti-capitaliste, pas une nouvelle Internationale », terme impliquant traditionnellement une adhésion au socialisme. Il a ajouté que pour avoir un « caractère de masse », des partis comme le NPA ne pouvaient avoir de telles affiliations.

Il a ajouté, « Nous ne voulons pas continuer le débat entre les plateformes A (majoritaire) et B (minoritaire) au NPA ». Sabado a déclaré que la différence entre « révolution et réforme », comme celle entre soutien et opposition au Secrétariat unifié, n’était plus d’actualité.

C’est ainsi que s’est conclu le congrès de dissolution de la LCR. Après une discussion à huis clos sur les questions de finances et d’organisation, les adhérents de la LCR ont procédé au vote. La plateforme majoritaire a obtenu la majorité décisive des délégués. Sur un total de 150 délégués votants, la plateforme majoritaire a recueilli 87,1 pour cent des voix, la minorité 11,5 et 1,4 pour cent se sont abstenus.

(Article original anglais paru le 7 février 2009)

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