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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

La diffamation du peuple américain par Obama

Par Barry Grey
26 janvier 2009

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Les phrases du discours d’investiture d’Obama qui ont suscité le plus grand enthousiasme dans le spectre politique de l’establishment américain, qui va de la droite républicaine aux libéraux démocrates, ont été celles suggérant que le peuple américain était responsable de la catastrophe économique actuelle. « Notre économie est gravement affaiblie », a-t-il déclaré, une « conséquence de la cupidité et de l’irresponsabilité de certains, mais aussi de notre échec collectif à faire des choix difficiles et à préparer la nation à une nouvelle ère. »

Obama n’a pas spécifié quels étaient précisément ces « choix difficiles », mais il a clairement indiqué que ceux-ci n’impliquaient en aucune façon un défi du système capitaliste de marché, en déclarant que « sa capacité à générer de la richesse et à étendre la liberté est sans égal ».

En gros, il a laissé entendre que les « choix difficiles » qu’il ferait impliqueraient des coupes drastiques dans les programmes sociaux, y compris la fin des programmes qui ne « marchent » pas. Cette politique d’austérité qui, comme il l’avait déjà indiqué précédemment, affecterait des programmes sociaux de base tels par exemple la Sécurité sociale et Medicare, a été résumée par un appel à « une nouvelle ère de responsabilité ».

L’exigence implicite de sacrifices plus grands du peuple américain a été saluée par des commentateurs libéraux tels David Ignatius du Washington Post qui a loué Obama pour avoir dit au peuple que la crise était « en partie de notre faute ». Il a poursuivi en disant « Nous connaissons tous les paroles de Pogo [figure centrale d’une bande dessinée américaine] disant "nous avons rencontré l’ennemi, et l’ennemi c’est nous-mêmes." Il semble qu’Obama les ait implicitement adoptées. »

Le chroniqueur de droite, George Will, dans son article de la rubrique « éditorial et opinion » du Washington Post s’est enthousiasmé pour ces mêmes paroles en écrivant que l’un des thèmes d’Obama « était que non seulement les Américains avaient un problème mais qu’ils sont le problème ».

Ces commentaires approbateurs résument exactement la thèse profondément réactionnaire et trompeuse qui traverse le discours d’Obama et qui se cache derrière la rhétorique du « Je comprends votre souffrance ». La tentative d’Obama de rejeter la responsabilité de l’échec du capitalisme américain au peuple américain n’est rien moins qu’une diffamation, dont le but est de masquer les intérêts sociaux qui sont réellement responsables de la catastrophe qui se développe et de perpétrer des attaques encore plus graves contre la classe ouvrière.

La classe ouvrière ne porte aucune responsabilité dans l’effondrement du système financier et de la récession qui s’ensuit et qui est en train de se transformer en une dépression à grande échelle. La population laborieuse n’a aucun contrôle sur la politique et les agissements des multimillionnaires et des milliardaires qui envahissent Wall Street. Elle n’a pas eu voix au chapitre sur les chaînes de Ponzi qui, jusqu’au moment de leur effondrement inévitable, se sont traduites en compensations s’élevant à plusieurs millions de dollars et en fortunes colossales pour l’aristocratie financière.

Les travailleurs sont les victimes de la cupidité effrénée de l’élite patronale et financière qui est elle-même l’expression des contradictions fondamentales internes du système économique irrationnel qu’elle supervise. L’on pourrait déduire des remarques faites par Obama que la grande majorité des gens ont mené la grande vie aux Etats-Unis. En réalité, depuis trois longues décennies ils assistent au déclin de leur situation sociale et à la détérioration de leurs niveaux de vie alors qu’une part de plus en plus grande de la richesse nationale remplissait les comptes en banque de l’élite dirigeante.

L’aspect le plus significatif de la vie américaine, à savoir la croissance stupéfiante de l’inégalité sociale, n’a pas été mentionné dans le discours d’Obama. Il ne pouvait pas y faire allusion et en même temps accuser la population de culpabilité « collective ».

La seule référence fugitive faite par Obama à la criminalité entrepreneuriale, « la cupidité et l’irresponsabilité de certains », était en soi une couverture. De la part de « certains » ? Le quasi-effondrement de l’économie américaine et mondiale n’est pas dû à quelques financiers véreux ou à une simple aberration comportementale. L’imposture, l’incompétence, la témérité étaient, et sont encore, omniprésentes dans le capitalisme américain et sont systémiques.

C’est un système qui, durant des décennies, a épuisé à mort l’industrie de base, a permis à l’infrastructure sociale de pourrir et a accéléré la détérioration du niveau de vie de la majorité de la population dans le but de générer par la manipulation et la spéculation des profits plus vastes pour l’élite. L’élite dirigeante américaine est révélée au grand jour et déchue, apparaît au monde telle une couche sociale semi-criminelle.

La « nouvelle ère de responsabilité » signifie en réalité une amnistie générale pour le système, pour la classe sociale et ceux des membres du gouvernement qui sont vraiment responsables de la crise. Aucun des banquiers et des spéculateurs qui ont créé une montagne de valeurs papiers sur la base de prêts immobiliers prédateurs et qui étaient voués à l’échec n’auront à répondre de leurs actes. Pas plus que les régulateurs du gouvernement qui sont intervenus et leur ont servi de complices. Il en sera de même pour les membres du Congrès appartenant aux deux partis qui ont démantelé les réglementations et qui ont supprimé les taxes professionnelles pour obtenir en échange des fonds de campagne électorale et autres pots-de-vin.

Pour n’en nommer que quelques-uns :

● Le sénateur Charles Schumer, président du Joint Economic Committee de New York qui avait amassé, selon le Center Responsive Politics (CPR), 12 928 000 dollars durant le cycle électoral 2003-2008. Figuraient parmi les cinq industries en tête de liste du financement de sa campagne les sociétés de gestion de titres et d’investissement, les cabinets d’avocats, les agences immobilières, diverses banques d’affaires et banques commerciales qui lui ont permis d’engranger un total net de 3 937 000 dollars. Ses cinq plus importants bailleurs de fonds du côté des firmes étaient Citigroup, UBS, Weiss et al., Kosowitz, Benson et al. et Metlife, qui ont versé un total de 271 000 dollars à ses campagnes.

En tant que président du Comité sénatorial démocrate de campagne durant ces quatre dernières années, Schumer a réussi à augmenter de 50 pour cent les dons de Wall Street. Il avait récolté ces dernières années plus de 120 millions de dollars de Wall Street.

● Barney Frank, le président démocrate de la Chambre du Comité des services financiers. Il a rassemblé 2 282 000 dollars en 2007-2008, selon le CPR, grâce à ses cinq industries een tête de liste pour le financement et comprenant des sociétés de gestion de titres et d’investissement, des agences immobilières, des compagnies d’assurance, des cabinets d’avocats et de conseils ainsi que des banques commerciales.

● Rahm Emanuel, le chef de cabinet d’Obama à la Maison-Blanche. Après avoir quitté le gouvernement Clinton, il a empoché 18 millions de dollars net durant les trois ans, de 1999 à 2002, qu’il a passés à la banque d’investissement Dresdner Kleinwort Wasserstein à Chicago.

Et puis, il y a Obama lui-même. Il est un produit de la machine du Parti démocrate de l’Illinois qui est liée aux rois de la finance tels Robert Wolf, le patron de la banque suisse UBS America et Warren Buffet, le deuxième homme le plus riche des Etats-Unis. Obama, qui est le bénéficiaire de centaines de millions de dollars de contributions électorales venant du patronat, est lui-même un multi millionnaire qui incarne la corruption sociale de l’élite dirigeante en général et du mouvement droitier du Parti démocrate en particulier. Son ascension est le résultat du tournant opéré vers la politique identitaire et les préférences raciales comme moyen d’intégration de la classe moyenne supérieure noire dans l’establishment politique en supprimant les questions fondamentales de classe dans la société américaine.

Pour la classe ouvrière, la condition préalable à l’établissement d’une « responsabilité » authentique est de revendiquer l’obligation de rendre compte publiquement et intégralement du pillage de l’économie et de la misère sociale qu’il a produit. Ceci doit inclure une enquête sérieuse sur le rôle joué par les banquiers, les directeurs de fonds spéculatifs, les spéculateurs et leurs complices au sein du gouvernement ainsi que par les facilitateurs au sein des médias sous contrôle patronal.

Le procès de l’ensemble du système économique et politique doit être fait et des poursuites judiciaires doivent être entreprises contre les principaux délinquants. Les fortunes amassées grâce à l’imposture et à l’escroquerie doivent être confisquées et la richesse volée au peuple américain doit être restituée. Une telle obligation de rendre des comptes est essentielle au développement d’une solution rationnelle et progressiste à la crise.

Ceci ne peut être entrepris que sur la base d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière luttant pour une politique socialiste, y compris la nationalisation des banques et des industries de base placées sous le contrôle démocratique de la population laborieuse, et non de l’élite dirigeante, de ses deux partis et du système capitaliste qu’ils défendent.

(Article original paru le 23 janvier 2009)

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