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WSWS : Nouvelles et analyses : Amérique centrale

Le coup d’Etat au Honduras : un avertissement à la classe ouvrière

Par Bill Van Auken
9 juillet 2009

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Depuis le coup d’Etat effectué le 28 juin par les sections les plus à droite de l’élite dirigeante et soutenu par l’armée, qui a été formée par les Etats-Unis, les travailleurs honduriens mènent une lutte implacable contre l’imposition d’un régime illégitime et répressif.

Plus de 60 000 enseignants honduriens sont en grève illimitée depuis le 29 juin, soit le jour après que le président élu, Manuel Zelaya, fut capturé à la pointe du fusil par l’armée et sorti du pays par avion. Les écoles demeurent fermées à la grandeur du pays, avec l’appui des étudiants et des parents. D’autres sections de la classe ouvrière sont entrées dans la lutte, menaçant de l’intensifier en érigeant des barricades sur les autoroutes.

Cette résistance héroïque se développe alors que le pays se trouve de fait en état de siège. Un couvre-feu est imposé et l’armée contrôle les rues. Les droits démocratiques fondamentaux ont été suspendus et près de 1000 opposants au régime issu du coup  ont été arrêtés. Des sections des médias qui s’étaient opposées à la prise de pouvoir ont été fermées, des soldats armés prenant le contrôle d’installations servant à leur diffusion et menaçant de tuer des journalistes. 

Dimanche, le coup d’Etat a fait sa première victime. Isy Obed Murillo, un jeune homme de 19 ans, a été abattu par des soldats honduriens à l’aéroport de Tegucigalpa où des milliers de personnes s’étaient rassemblées pour démontrer leur appui à Zelaya. L’armée empêcha finalement l’avion de ce dernier de se poser.

Il y a tout lieu de craindre que cela ne soit qu’un début, et pas seulement au Honduras. L’oligarchie à la tête de ce pays est l’une des plus arriérées et réactionnaires de la région. Son commandement militaire est formé par le Pentagone, qui maintient une base militaire capitale à Soto Cano où plus de 600 soldats américains sont déployés.

Le danger que les travailleurs du Honduras puissent être victimes d’une tragédie sanglante comme celles qui furent infligées aux ouvriers du Brésil, de l’Uruguay, du Chili et de l’Argentine il y a de cela plus de 30 ans est bien réel à ce point-ci.

Au Honduras, comme ailleurs en Amérique latine, on n’a jamais véritablement réglé les comptes pour les crimes commis par les régimes fascistes et militaires dirigés par des gangsters tels que Pinochet au Chili et Videla en Argentine. Ceux qui étaient à la tête des escadrons de la mort de l’armée hondurienne, escadrons bénéficiant du soutien américain, et qui ont massacré, assassiné, « fait disparaître » et torturé il y a de cela 25 ans bénéficient encore aujourd’hui de l’impunité, tout comme la plupart de leurs homologues dans la région.

L’approfondissement de la crise économique mondiale, qui a fait diminuer le pouvoir d’achat des Honduriens de 30 pour cent par rapport à tout juste un an plus tôt, conduit à une nouvelle période d’intense conflit de classe, affaiblissant la façade de démocratisation érigée lorsque les chefs militaires de l’Amérique latine ont donné les rênes du pouvoir aux politiciens civils dans les années 1980.

Les leçons des défaites passées doivent être apprises pour en prévenir de nouvelles. D’abord et avant tout, comme ce fut démontré maintes et maintes fois, du coup militaire brésilien en 1964, au Chili en 1973 et en Argentine en 1976, la classe ouvrière ne peut se défendre contre la dictature en subordonnant ses luttes aux factions supposément « progressistes » de l’élite dirigeante du pays.

Nulle part cela n’est plus vrai que dans le cas du président hondurien, Manuel Zelaya, qui, comme les leaders mêmes du coup, cherche à obtenir l’intervention de l’administration Obama à Washington pour que cette dernière fasse respecter la légitimité politique de sa présidence.

Après son vol théâtral au-dessus de Tegucigalpa dimanche — Zelaya avait annoncé qu’il « sauterait » s’il pouvait trouver un parachute — le président évincé a abandonné sa promesse de retourner au Honduras par « les airs, la terre ou la mer », se rendant plutôt à Washington mardi pour une réunion avec la secrétaire d’Etat Hillary Clinton.

Le résultat de cette réunion fut que Zelaya donna son accord à la « médiation » par le président costaricien Oscar Arias entre le président élu et ceux qui l’ont renversé. Arias est un vétéran de tels sales accords, ayant participé à la fin des années 1980 dans le processus Esquipulas qui avait mis fin à la guérilla insurrectionnelle de gauche en El Salvador, consolidant le pouvoir dans les mains des factions de l’élite dirigeante appuyées par les Etats-Unis.

De manière significative, Clinton a refusé d’appeler au retour du président renversé, permettant seulement que l’administration américaine favorise « une résolution pacifique de cette affaire » et la « restauration de la démocratie ».

Il n’y a aucun doute que le coup au Honduras fut préparé avec les faveurs de Washington et en toute connaissance de cause par ce dernier. Selon des rapports qui ont été publiés, des diplomates américains étaient en discussion avec les opposants de Zelaya sur l’éviction du président du pouvoir et il est impossible de croire que l’armée hondurienne ait été déployée sans l’approbation de ses chefs américains.

L’objectif de Washington a été de remplacer le président du Honduras dans le but de provoquer un changement de la politique hondurienne qui serait plus favorable aux intérêts américains dans la région, y compris de mettre un terme aux liens économiques et politiques étroits de Zelaya avec le Venezuela d’Hugo Chavez et le Cuba de Fidel Castro. On espérait que la rhétorique d’Obama sur le « respect mutuel » dans l’hémisphère combinée avec quelques dénonciations officielles créeraient les conditions pour un « coup de velours ».

La décision de Zelaya de se tourner vers Washington et d’accepter ses demandes pour une médiation avec les dirigeants du coup est une expression des intérêts de la classe à laquelle il appartient. Venant d’une riche famille de propriétaires terriens avec des intérêts dans l’industrie du bois, il est arrivé au pouvoir en tant que le candidat du Parti libéral qui a partagé le pouvoir à tour de rôle avec le Parti national et les militaires depuis le 19e siècle. Il avait le soutien de plusieurs parmi les personnalités les plus riches du Honduras.

Zelaya s’est tourné vers le Venezuela comme source de pétrole à bon marché et de prêts qui lui étaient accordés sans qu’il ait à répondre à des questions difficiles sur la façon dont son gouvernement gère les fonds publics. Ce virage ainsi que sa prédilection pour les expressions creuses faisant radical ont permis de lui faire une image de dirigeant de « gauche » défiant l’oligarchie.

En réalité, Zelaya a obtenu le soutien nécessaire pour joindre l’ALBA (l’acronyme espagnol pour l’Alternative bolivarienne pour les Amériques, un regroupement commercial des pays de la région parrainé par le Venezuela) en promettant d’appuyer la candidature à la présidence de Roberto Micheletti, le dirigeant de droite du Parlement qui a été propulsé à la tête du pays suite au coup d’Etat.

Toutefois, peu importe les différences acerbes entre Zelaya et les éléments de droite qui l’ont renversé, les deux factions sont des défenseurs indéfectibles des intérêts de la classe dirigeante capitaliste du Honduras. La résolution de la crise actuelle sur la base d’un accord suite à une médiation des deux camps signifiera une défaite politique pour les travailleurs du Honduras, tout en contribuant à la légitimation des coups d’Etat militaires, qui seront plus probables en Amérique centrale et dans le reste de l’hémisphère.

Seuls les travailleurs honduriens, qui ont été la principale force s’opposant au coup, peuvent défaire une entente réactionnaire pour mettre un terme à la crise actuelle. La tâche essentielle est la construction d’un mouvement politique révolutionnaire de la classe ouvrière qui sera indépendant de toutes les factions de la bourgeoisie et sera armé d’un programme socialiste. Un tel mouvement doit être construit avec l’objectif de la lutte pour un gouvernement des travailleurs et des paysans et de la transformation socialiste non seulement du Honduras, mais encore de toute la région comme partie de la lutte pour établir les Etats unis socialistes des Amériques.

Les travailleurs aux Honduras et dans toute l’Amérique latine pourront trouver un appui non dans les manœuvres impérialistes de l’administration Obama, mais dans la classe ouvrière américaine, qui est elle-même poussée par la crise économique à entrer en lutte avec le capitalisme.

(Article original paru le 8 juillet 2009)

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