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Besancenot en Pologne

Une analyse de Ulrich Rippert, tête de liste du Parti de l'égalité socialiste d'Allemagne pour les élections européennes
26 mai 2009

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La participation d'Olivier Besancenot à la Convention électorale du Parti polonais du travail (PPP), samedi 16 mai, à Katowice donne une idée claire des objectifs  réels du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA.)

Derrière tout ce discours anticapitaliste et les appels à la lutte sociale, le NPA poursuit un programme politique complètement réactionnaire et il est tout à fait prêt à travailler aux côtés d'organisations ouvertement de droite. A Katowice, Besancenot est intervenu dans une réunion du PPP qui inclut dans ses rangs des sympathisants de l'ancien dictateur polonais Pilsudski et d'anciens permanents du parti populiste de droite, Samoobrona.

L'un des principaux intervenants au congrès était Bogdan Golik, vice-président de la Chambre de commerce polonaise. Il y a cinq ans, Golik avait été élu au parlement européen sur la liste électorale de Samoobrona et occupe maintenant un siège dans le groupe parlementaire social-démocrate au parlement européen. En juin dernier, il avait fait sa première apparition à Lodz en tant que tête de liste du PPP pour les élections européennes.

Alors qu'en France Besancenot ne cesse de répéter qu'il ne coopèrera pas avec le Parti socialiste, cela ne le gêne absolument pas en Pologne de s'afficher auprès d'un homme qui siège à Strasbourg avec les socialistes français dans un groupe parlementaire, travaille à temps complet comme lobbyiste économique et est un nationaliste forcené. Dans son discours à Katowice, Golik a dit à plusieurs reprises qu'il était le seul homme au parlement de Strasbourg à représenter avec sérieux « les intérêts polonais ».

Samoobrona dissimule ses positions politiques droitières en disant qu'il a pour objectif de trouver une « troisième voie » entre le capitalisme et le communisme. Besancenot a évité toute critique de ce slogan droitier, célèbre pour avoir été utilisé par Michael Gorbachev afin de justifier la restauration du capitalisme dans l'Union soviétique. Le mot socialisme n'a pas été prononcé dans son discours. Au contraire, lui aussi a parlé des efforts du NPA pour trouver un « troisième modèle ». Il a clamé sous les applaudissements des délégués du PPP que ce n'est pas seulement le capitalisme, mais aussi « la domination de la bureaucratie » qui est hostile aux travailleurs.

L'alliance de Besancenot avec le PPP polonais est totalement en contradiction avec le développement d'une perspective socialiste dans la classe ouvrière polonaise qui est train de se radicaliser progressivement sous les effets de la crise économique internationale.

En 1980, le mouvement Solidarnosc avait démontré la force énorme du mouvement ouvrier polonais. Suite à la grève des travailleurs du port de Dantzig, une vague d'occupations d'usines avait eu lieu et en très peu de temps 10 millions de travailleurs s'étaient organisés dans le syndicat Solidarnosc.

Mais il manquait aux travailleurs polonais une perspective politique. Durant les décennies de répression stalinienne, ils furent complètement coupés des expériences du mouvement trotskyste qui s'opposait au stalinisme depuis 1923 en se fondant sur une perspective socialiste de gauche.

Léon Trotsky, l'Opposition de gauche et plus tard la Quatrième Internationale ont montré absolument clairement le fossé infranchissable entre socialisme et stalinisme. Staline n'avait réussi à consolider son régime de terreur dans l'Union soviétique des années 1930 qu'en détruisant physiquement l'opposition marxiste et en organisant le génocide des défenseurs de la Révolution d'octobre.

La direction de Solidarnosc était finalement tombée entre les mains d'éléments droitiers proches de l'Eglise catholique et s'était accommodée avec la clique dirigeante stalinienne afin de préparer l'ouverture du pays au capitalisme. Pour les travailleurs, il en résulta un désastre social. La plupart des usines qui avaient été occupées en 1980 ont depuis été fermées.

La Ligue communiste révolutionnaire (LCR), prédécesseur du NPA, avait eu sa part de responsabilité quant à la conduite des ouvriers polonais dans une impasse en 1980. A l'époque la LCR et son organisation internationale affiliée, le Secrétariat unifié, pabliste, sous la direction de Ernest Mandel, disait encore adhérer au trotskysme, bien qu'ils aient dans les faits rejeté le programme de la Quatrième Internationale bien des années auparavant. Son adhésion de façade au trotskysme était nécessaire pour tromper les travailleurs qui savaient que Trotsky était un opposant acharné de Staline. 

Les pablistes applaudirent Lech Walesa, s'adaptèrent à sa perspective nationaliste et soutinrent les forces qui plus tard promurent la voie de la restauration capitaliste. Ils qualifièrent de « trotskyste » Jacek Kuron, dirigeant de la fédération stalinienne des étudiants qui en 1964 dans une « Lettre ouverte au Parti » avait appelé au renversement de la bureaucratie, bien que son évaluation du stalinisme n'ait rien à voir avec l'analyse faite par Trotsky.

Kuron devint par la suite proche conseiller de Walesa. Il s'opposa absolument au renversement du régime stalinien par les travailleurs et invoqua les négociations et la coopération avec le gouvernement de Varsovie. Durant la période de la restauration capitaliste, Kuron siégea avec des représentants du gouvernement à une soi-disant table ronde pour organiser une passation en douceur du pouvoir d'Etat et empêcher toute intervention indépendante par la classe ouvrière.

Entre 1989 et 1993, Kuron occupa le poste de ministre des Affaires sociales et du Travail (avec une brève interruption) et était directement responsable de la mise en place de ces attaques politiques et sociales qui découlaient de la restauration du capitalisme. Kuron fait partie de toute une cohorte de politiciens de droite qui ont émergé du mouvement Solidarnosc. L'absence d'une perspective trotskyste a eu des conséquences dévastatrices pour la classe ouvrière polonaise.

Besancenot poursuit aujourd'hui le travail commencé par le Secrétariat unifié en 1980. Une fois encore la tâche consiste à faire capoter un puissant mouvement social. A cette fin, Besancenot considère que l'étiquette du trotskysme est une entrave. Alors qu'en 1980 la tâche était de décrire Walesa et Kuron comme des opposants inébranlables de Staline, aujourd'hui il s'agit de supprimer toute discussion sur les leçons de 1980 et le rôle du stalinisme. Mentionner Trotsky soulèverait inévitablement ces questions.

Lors de son congrès fondateur, le NPA avait déjà décidé d'éliminer de son programme toute référence à l'histoire et aux perspectives de la Quatrième Internationale. L'effondrement de l'Union soviétique a mis fin à toute une époque, ne cesse de répéter Besancenot. Cela rend hors de propos toutes les expériences du vingtième siècle. Aujourd'hui tout ce qu'on peut faire c'est de choisir ce qu'il y a « de meilleur » dans les différentes traditions politiques, stalinienne, maoïste, réformiste, anarchiste et syndicaliste, autrement dit un pot-pourri complètement chaotique.

Mais ni la classe ouvrière polonaise ni la classe ouvrière internationale ne peuvent avancer d'un pas sans tirer les leçons des événements des années 1980 et du rôle du stalinisme. Les crimes monstrueux perpétrés par Staline au nom du socialisme servent aujourd'hui de munitions à tous les opposants au socialisme et sont une énorme source de confusion dans la classe ouvrière. Le but réel du voyage de Besancenot à Katowice était d'empêcher toute clarification d'une telle confusion et de renforcer ces forces réactionnaires qui une fois de plus se préparent à conduire les travailleurs polonais dans une impasse nationaliste.

(Article original allemand paru le 21 mai 2009) 

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