Cette semaine, une coalition de groupes
d'entrepreneurs, de responsables syndicaux et de politiciens du Parti démocrate
ont parrainé plusieurs rassemblements sous le slogan « Keep it made in
America » [Gardez la production en Amérique] dans diverses villes du Sud
et du Grand Ouest des États-Unis. Ces événements visaient à détourner la colère
populaire due aux massives réductions de personnel, de salaires et de retraites
dans l'industrie automobile et à mettre l'opposition des ouvriers sur la voie
réactionnaire du nationalisme économique et du militarisme.
Des rassemblements se sont tenu dans le
Michigan, l'Ohio, le Missouri, l'Indiana et d'autres Etats où des dizaines de
milliers d'emplois sont menacés à cause des restructurations organisées par le
gouvernement chez Chrysler et General Motors et de leur effet sur l’industrie
des pièces détachées et de la sidérurgie. Ces événements – qui n'ont attiré
chacun qu'une audience de quelques centaines de personnes au mieux – ont reçu
une couverture favorable de la part des médias d'information qui les ont
présentés comme une montée du soutien populaire en faveur du protectionnisme et
des campagnes « achetez américain ».
Ces rassemblements étaient parrainés par
l'Alliance pour la production américaine (qui comprend US Steel, une compagnie
qui a licencié, rien que l’an dernier, des milliers de travailleurs aux
États-Unis et au Canada) et le syndicat United Steelworkers, qui a déjà à son
actif une longue liste de trahisons, collaborant à la réduction des emplois,
des salaires et des retraites. Bien que le syndicat United Auto Workers [UAW]
ne soit pas mentionné comme commanditaire officiel, plusieurs de ses
représentants à l'échelon local ou régional y ont participé.
Les travailleurs qui se sont rendus à ces
rassemblements, croyant par erreur qu'ils pourraient y trouver un moyen de
défendre leurs emplois, se sont vus proposer une perspective de droite,
favorable aux employeurs. Le but des organisateurs était de prévenir toute
lutte indépendante des travailleurs de l'automobile en les liant pieds et
poings liés au gouvernement Obama et aux constructeurs en faillite.
Cette coalition du « Keep it made in
America » qui comprend également divers responsables démocrates de
municipalités frappées par les fermetures d'usines, milite pour des incitations
fiscales en faveur des industriels de l'automobile et de la sidérurgie, des
exigences plus strictes quant au « contenu national » des entreprises
qui bénéficient des aides d'Etat et des mesures de guerre économique contre les
concurrents des États-Unis.
Jesse Jackson et divers démocrates membres du
Congrès ont pris la parole à ces rassemblements pour donner un alibi politique
au gouvernement Obama, lequel est l'organisateur de ces attaques contre les
travailleurs de l'automobile, et pour perpétuer le mythe selon lequel les
démocrates parlent au nom des travailleurs.
Au rassemblement qui s'est tenu lundi à
Sterling Heights, dans la banlieue nord de Detroit, où Chrysler fermera une de
ses principales lignes d'assemblage l'année prochaine, Virg Bernero, le maire
de Lansing dans le Michigan, a fait un discours démagogique dénonçant
« l'alliance impie » entre Washington et Wall Street. « On
renfloue Wall Street et on se fout de l'homme de la rue » a-t-il déclaré,
oubliant de dire que c'est le président démocrate qui donne des milliers de
milliards à l'élite financière tout en exigeant des salaires de misère pour les
ouvriers de Chrysler et GM.
Ces appels pseudo populistes s’accompagnaient
de chauvinisme américain et d’efforts pour inciter à la haine contre les
travailleurs en Chine, au Mexique et dans d’autres pays, parce qu’ils
« volent » les emplois américains. Sander Levin, sénateur de longue
date du Michigan a expliqué qu'une industrie automobile installée sur place
était cruciale parce qu'on ne peut pas faire confiance aux pays étrangers pour
construire du matériel militaire, sous-entendu parce que l'Amérique pourrait
être en guerre contre eux. « Les chars et les véhicules blindés ne peuvent
pas être produits en Chine, en Allemagne ou au Japon », a-t-il martelé.
La semaine dernière, l'UAW, qui a marché au
pas derrière Obama, demandant elle aussi que les travailleurs de l'automobile
acceptent des pertes d'emplois massives et des concessions sur les salaires et
les retraites, a dénoncé GM pour son plan de restructuration qui fermerait des
usines aux États-Unis tout en maintenant la production en Chine, au Mexique et
en Corée du Sud.
Ce thème a été repris par l'orateur suivant,
Bill Parker, président du local 1700 de l'UAW à l'usine d'assemblage de
Chrysler, à Sterling Heights. La tirade nationaliste de Parker est
particulièrement importante en regard de son passé, notamment de son
appartenance à l'International Socialist Group dans les années 1960 et 1970.
Comme bon nombre d'ex-radicaux petit-bourgeois
qui défendent l'UAW, il a trouvé une position dans l'appareil de cette
organisation, dans son cas, en tant que directeur du comité national des
négociations de Chrysler. Dans cette fonction, il a récemment négocié l'accord
au rabais qui sacrifie les acquis de plusieurs générations de travailleurs en
échange de l'obtention pour l'UAW de 55 pour cent des parts dans Chrysler après
la restructuration.
Parker a feint la surprise au sujet de
l'annonce par la compagnie de la fermeture de huit usines, dont la sienne,
moins d'un jour après avoir « voté un contrat de concessions visant à
garder les usines de Chrysler ouvertes ».
Il n'a pas mentionné les affirmations de l'UAW
selon lesquelles accepter ces concessions empêcheraient Chrysler d'enregistrer
une banqueroute et « sauverait » des emplois. Il a préféré, comme les
autres orateurs, détourner l'attention du rôle de l'UAW et du gouvernement
Obama en blâmant les travailleurs étrangers.
Parker a mentionné plusieurs des usines
visées, dont celles de St. Louis dans le Missouri, Kenosha dans le Wisconsin,
et Sterling Heights, et s'est plaint qu'elles étaient en train de fermer alors
que la production était maintenue à Windsor au Canada ainsi qu'à Saltillo et Toluca
au Mexique.
« Il n'y a pas une seule usine Chrysler
qui ferme en dehors des frontières des États-Unis » s'est-il plaint,
suggérant qu'il était dans l'intérêt des travailleurs de l'automobile des
États-Unis de demander que les travailleurs canadiens et mexicains soient
licenciés à leur place.
Ce poison nationaliste est destiné à séparer
les travailleurs américains et leurs frères et sœurs des autres pays qui ont
devant eux une lutte commune contre les atteintes à leurs emplois et leurs
niveaux de vie. La reprise prévue de Chrysler et GM en Europe par Fiat devrait
entraîner plus de 10 000 pertes d'emplois à travers l'Europe. Les
analystes prédisent que la baisse mondiale des ventes de voitures – qui
devraient tomber de 70 à 50 millions de véhicules – entraînera une nouvelle
vague de fusions et de banqueroutes, ne laissant que six géants de l'automobile
dans le monde et des centaines de milliers de travailleurs du secteur au
chômage.
Depuis qu'elle s'est jointe aux patrons de
l'automobile dans les campagnes « Achetez américain » des années 1970
et 1980 l’agitation de drapeaux nationaliste de l'UAW n'a pas sauvé un seul
emploi. Au nom de la « sauvegarde des emplois américains » l'UAW a
réprimé toutes les luttes contre les licenciements massifs, les concessions et
l'accélération des cadences, déclarant que toute résistance aux employeurs
saperait la compétitivité des constructeurs automobiles américains. Le résultat
en a été la perte de 750 000 emplois à Chrysler, Ford et GM au cours des
trente dernières années.
Si les travailleurs ne veulent pas être
réduits à une lutte fratricide pour savoir qui gardera un emploi à très bas
salaire et aux pires conditions – pour être en fin de compte entraîné dans une
nouvelle guerre mondiale – ils doivent rejeter le programme nationaliste des
syndicats aux États-Unis et internationalement, et monter une lutte commune
pour défendre les emplois de tous les travailleurs dans chaque pays, en
s'appuyant sur une perspective socialiste.