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Détroit : 50 000 personnes font la queue pour une aide au logement

Par Jerry White
17 octobre 2009

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Environ 50 000 résidents de Détroit ont fait la queue mercredi à l’extérieur du centre des congrès de Cobo Hall afin d’obtenir de l’aide pour payer leurs factures de services publics et empêcher d’être expulsés de leurs maisons. Les officiels municipaux, qui attendaient autour de 3000 personnes, ont été submergés par le nombre de gens qui se sont présentés.

Dans un spectacle évoquant les foules de chômeurs qui faisaient la queue pour de la soupe gratuite durant la Grande Dépression, la file de dizaines de milliers de travailleurs et de chômeurs entourait l’aréna du centre-ville. Des jeunes mères poussant des landaus, des travailleurs en fauteuils roulants, des personnes âgées et une multitude de jeunes travailleurs et d’enfants ont attendu des heures durant. Nombreux étaient ceux qui avaient dormi sur les trottoirs la veille pour être les premiers servis.

Plusieurs personnes se sont évanouies durant l’attente et ont été prises en charge par le personnel médical sur place. A 11h30, le maire de Détroit, David Bing, a demandé aux citoyens de cesser de se présenter au Cobo Hall. Des centaines de policiers, y compris des officiers de l’escouade antigang de Détroit, surveillaient les entrées pour retenir la foule.

Plusieurs personnes auraient été blessées dans la bousculade qui est survenue après que les policiers eurent finalement ouvert les portes aux environs de midi. Ceux qui attendaient se sont alors précipités vers une table où des formulaires leur furent remis. On leur dit qu’ils devaient les remplir et les déposer dans des boîtes avant l’heure limite de 14h00.

Les résidents avaient jusqu’à mercredi pour s’inscrire au Programme de lutte contre l’itinérance et de relogement rapide (Homeless Prevention and Rapid Re-Housing Program, HPRP) de la ville. Ce programme, financé par une subvention de 15,2 millions de dollars du programme de stimulation de l’administration Obama, ne pourra venir en aide qu’à environ 3400 personnes selon Constance Bell, une porte-parole du programme. En plus des 50 000 formulaires d’adhésion distribués mercredi, 30 000 autres avaient aussi été distribués précédemment, a ajouté Bell. Cela signifie que, parmi les personnes inscrites, environ une sur 23 va recevoir de l’argent.

Des rumeurs voulant que la ville offrait 3000 dollars aux familles à faible revenu ayant besoin d’aide se sont répandues rapidement et a expliqué la présence d’un si grand nombre de personnes. Le désespoir économique est tel dans la municipalité (le taux de chômage officiel se situe à 29 pour cent et plus du tiers de la population vit en-deçà du seuil de pauvreté officiel) que des dizaines de milliers de personnes se sont présentées.

La vaste majorité ne va pas se qualifier pour l’assistance, a admis la porte-parole de la ville. Le programme HPRP fournira seulement une aide temporaire pour payer les factures de services publics pour ceux qui sont déjà sans-logis ou qui font face à des évictions ou saisies en instance. De plus, elle sera versée seulement à ceux qui sont en mesure de continuer à faire leurs paiements sur leur maison après avoir reçu l’aide. Aucune somme ne pourra servir à faire des paiements sur l’hypothèque.

Plutôt que d’informer ceux qui se présentaient que leurs efforts seraient probablement vains, les responsables de la ville ont continué à remettre et à recueillir les demandes pour le programme. Leur principale préoccupation était de prévenir une explosion de colère, beaucoup étant indignés d’avoir attendu pendant des heures et d’avoir été malmenés par les policiers.

Le manque de préparation et la désorganisation lors de l’évènement est une indication de la distance qui sépare les responsables du gouvernement de la réalité à laquelle est confrontée la classe ouvrière et montre aussi combien étendue est la crise sociale. Les 80 000 ménages qui ont appliqué pour de l’aide représentent environ le tiers de la population de la ville.

Le véritable taux de chômage à Detroit est beaucoup plus élevé que le chiffre officiel de 29 pour cent, vu que des dizaines de milliers de personnes ne sont pas considérées comme chômeurs parce qu’ils ont cherché un emploi qui n’existe pas. Cette crise a été exacerbée par les restructurations et les faillites de General Motors et de Chrysler forcées par l’administration Obama qui, avec l’appui des Travailleurs unis de l’automobile, a détruit des milliers d’emplois et a coupé les salaires et les avantages sociaux des travailleurs de l’automobile et des retraités.

Le spectacle de milliers de jeunes travailleurs qui faisaient la queue pour avoir de l’aide était particulièrement frappant. Il y a trente ans, une grande partie de ces jeunes auraient été embauchés dans une des nombreuses compagnies d’automobiles de la ville. Depuis 1970 cependant, la ville a perdu les trois quarts de ses emplois du secteur manufacturier, 250 000 emplois étant éliminés. Aujourd’hui, il ne reste plus que des emplois à bas salaire sans la moindre sécurité économique pour les jeunes travailleurs.

Le mois dernier, des dizaines de milliers de travailleurs ont fait la queue à Détroit après que la compagnie régionale de gaz naturel et d’électricité, DTE Energy, eut annoncé qu’elle offrait de l’aide aux propriétaires et aux locataires en détresse. Selon un rapport paru le mois dernier dans le Detroit News, les deux plus grandes compagnies énergétiques du Michigan, DTE Energy et Consumers Energy, ont coupé le chauffage à un total de 181 000 clients l’année dernière. Depuis le début de l’année, DTE a déjà coupé le courant à 115 000 ménages, un rythme qui va de loin surpasser les 142 000 coupures de l’année dernière.

Detroit, qui s’est déjà enorgueilli d’avoir un des plus haut taux de propriétaires de maison des Etats-Unis, a connu le plus haut taux de reprise de maison pour cause de non-paiement de l’hypothèque en 2006 et en 2007 et se trouve toujours dans le peloton de tête des villes américaines.

Le déclin économique de Détroit est processus qui a débuté il y a longtemps. Le niveau de vie gagné de haute lutte par les travailleurs de l’auto a fait de la « ville de l’automobile » celle qui avait le plus haut revenu par habitant aux Etats-Unis dans les années 1950. Durant les trois dernières décennies, dans un processus qui a commencé avec le sauvetage de Chrysler en 1979-80, on a vu un assaut continuel de la grande entreprise et le gouvernement sur la classe ouvrière, assaut qui a culminé avec la restructuration de Chrysler et GM par Obama. La désindustrialisation de Détroit est un symbole criant du virage du capitalisme américain qui a abandonné la production industrielle pour embrasser plutôt la spéculation financière, adoptant ses formes les plus parasitaires.

L’état du Michigan connaît le plus haut taux de chômage des Etats-Unis, soit 15,2 pour cent. Au cours des derniers dix ans, alors que l’industrie de l’automobile était laminé par un processus continue de rationalisation, le Michigan a perdu 870 000 emplois. On s’attend à ce que ce nombre dépasse le million d’ici la fin de l’année prochaine.

Bien que la demande pour les services sociaux augmente, le gouvernement de l’État et la municipalité sabrent dans l’habitation, l’éducation et les soins de santé pour tenter de juguler leurs immenses déficits budgétaires. Si l’administration Obama a allongé des billions à Wall Street, elle est loin d’avoir fait la même chose pour les états américains ou encore pour les 15 millions de chômeurs que compte le pays.

L’état du Michigan, qui a eu déficit de 2,8 milliards, coupe de façon généralisée dans tous les programmes. Le jour même où des milliers de personnes faisaient la ligne pour obtenir de l’aide au logement, le maire de Détroit, David Bing, du Parti démocrate, un homme d’affaire multi-millionnaire a annoncé un plan pour contrer le déficit prévoyant des coupes budgétaires de 500 millions $ au cours des deux prochaines années. L’effectif des employés municipaux sera réduit de façon permanente, des actifs de la ville seront vendus, des services publics seront privatisés et coupés et plus de 1000 employés de la ville seront mis à pied.

L’impact de la crise économique sur le pays est comparable à ce que l’on voit à Détroit et au Michigan. Les scènes de désespoir économique sont de plus en plus courantes de par tout le pays. Par exemple, des cliniques gratuites ont attiré les foules en Californie, au Texas et dans d’autres états et des milliers de personnes font la file lorsqu’une poignée d’emplois sont offerts.

Les Etats-Unis vivent une crise sans précédent depuis les années 1930. Face à cette crise, l’administration Obama n’offre aucune aide substantielle aux dizaines de millions de travailleurs qui font face à la ruine.

La scène tragique qui a eu lieu à Détroit mercredi dernier expose le caractère dérisoire des soi-disant plans de stimulation et de sauvetage d’Obama. La Maison-Blanche a rejeté du revers de la main tout programme de travaux publics pour donner de l’emploi aux chômeurs. Plutôt, toutes ses politiques, du sauvetage de Wall Street aux attaques contre les travailleurs de l’auto, en passant par ses plans pour sabrer dans les coûts de la santé, ont pour but de protéger la richesse et le pouvoir de l’élite financière.

(Article original anglais paru le 8 octobre 2009)

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