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WSWS : Nouvelles et analyses : Economie mondiale

Plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim

Par Tom Eley
21 octobre 2009

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Deux organismes des Nations unies ont rapporté mercredi que plus d’un milliard de personnes, soit un sixième de l’humanité, souffriront de sous-alimentation en 2009. Le nombre d’affamés a grimpé de quelque 100 millions de personnes en un an, le résultat de la plus sévère crise économique depuis la Grande Dépression.

L’état de l’insécurité alimentaire, produit par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), explique que l’augmentation marquée de la faim dans le monde n’est pas le résultat de mauvaises récoltes ni de désastres naturels, mais bien des prix élevés de la nourriture, de la hausse du chômage et de la baisse des salaires, causés par l’homme.

Au même moment, la réduction des dons au PAM, qui totalisent à présent 58 pour cent du financement de l’année dernière, le force à restreindre ses opérations d’aide alimentaire.

Le rapport indique que la hausse marquée de la sous-alimentation représente une intensification d’une tendance à long terme. La faim dans le monde est en augmentation depuis le début des années 1990. « Même avant les crises alimentaire et économique qui se sont succédé, le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde a augmenté lentement, mais constamment », note le rapport.

La majeure partie de l’augmentation de la sous-alimentation a pris place dans les régions les plus pauvres du monde (l’Asie, l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine et les Caraïbes ainsi que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord). « Aucune nation n’est épargnée et, comme toujours, ce sont les pays les plus pauvres – et les populations les plus démunies – qui en pâtissent le plus », affirme le document, qui a été rendu public tout juste avant la Journée mondiale de l’alimentation le 16 octobre.

Les pays pauvres ont été touchés par une série de problèmes, notamment un manque d’aide et d’investissements étrangers, une baisse des salaires et une multiplication des licenciements, une réduction mondiale sans précédent des transferts de fonds des émigrants vers des parents demeurés sur place, et des prix systématiquement élevés pour la nourriture, notent les organismes basés à Rome.

Les plus démunis souffrent toujours des effets de la spéculation de 2006 à 2008 sur les denrées qui a fait grimper les prix de produits de base tels que le riz, le blé et le maïs hors de la portée de centaines de millions de personnes. Même si les prix ont quelque peu reculé avec la crise économique de 2009, ils demeurent en moyenne 17 pour cent plus élevés qu’en 2005.

Les prix élevés de nourriture ne causent pas seulement la faim. Selon le rapport, la difficulté à se procurer de la nourriture force des familles à adopter plusieurs « mécanismes d’adaptation », dont « le remplacement d’aliments nutritifs par des aliments moins nutritifs, la vente des moyens de production », et « le renoncement aux soins de santé ou à l’éducation ».

Le rapport mentionne aussi que les outils qu’utilisent généralement les gouvernements des pays pauvres pour faire face à une crise alimentaire (la dévaluation de la monnaie, les emprunts et l’aide internationale) ont été rendus inefficaces par le caractère mondial de la crise économique. Par le passé, les crises économiques ont été concentrées dans une seule nation ou région, souligne le document.

Même si la faim extrême est plus grave dans les pays moins développés, la misère sociale est en hausse parmi les travailleurs et les pauvres des économies avancées, où le rapport estime que 15 millions d’individus souffriront de sous-alimentation en 2009.

Cette statistique est plutôt une sous-estimation de la crise alimentaire dans les pays avancés. Aux Etats-Unis seulement, 36,2 millions d’individus vivaient dans des ménages faisant face à « l’insécurité alimentaire » en 2007, c’est-à-dire avant le début de la crise économique. Parmi eux se trouvaient 12 millions d’enfants, selon l’analyse statistique des données du département américain de l’Agriculture et du Bureau de recensement. (voir « US: 12 million children face hunger and food insecurity »).

La crise sociale dans les économies avancées a été mise en relief par un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), aussi publié cette semaine, sur le chômage. Le rapport a établi que, parmi ses trente états membres, le taux global de chômage a grimpé de 0,1 pour cent en août par rapport au taux de 8,6 pour cent en juillet et il était de 2,3 points plus élevé qu’en août 2008. Il est prévu que les taux de chômage augmentent pour une autre année et demeurent élevés pendant plusieurs années.

Le chômage en hausse dans les économies avancées a affecté, de manière disproportionnée, certaines couches de la population comme les jeunes, les travailleurs non-qualifiés et les immigrants. Conséquemment, les immigrants ont réduit leurs transferts de fonds, aggravant la crise de la faim dans les pays plus pauvres.

Les transferts de fonds comptent pour plus de 6 pour cent du produit intérieur brut (PIB) dans la plupart des pays en développement selon L’état de l’insécurité alimentaire. Pour certains pays, la statistique est beaucoup plus élevée. Au Tadjikistan, les transferts de fonds comptent pour 46 pour cent du PIB ; au Honduras et au Liban, pour environ 25 pour cent. Environ le cinquième de tous les ménages en Albanie, aux Philippines, au El Salvador et en Haïti dépendent des transferts de fonds comme source de revenus.

Dans les pays d’Asie du Sud, les transferts de fonds comptent pour bien plus que la moitié de toutes les entrées de capitaux étrangers. De manière surprenante, cela est particulièrement vrai pour l’Inde qui est vu comme ayant un rôle de premier plan dans la nouvelle économie mondiale — où les transferts de fonds comptent pour plus des trois quarts de toutes les entrées d’argent, éclipsant les investissements étrangers directs.

Cependant, la baisse des transferts de fonds n’est qu’une partie d’une contraction marquée de tout le capital allant vers les pays pauvres. Citant un exemple, le rapport explique que dans les 13 plus grandes économies d’Amérique latine, les entrées de capitaux ont chuté de plus de trois quarts, de 184 milliards de dollars à environ 43 milliards en 2009.

L’aide étrangère a aussi rapidement diminué. Le Fonds monétaire international (FMI) a estimé que 71 pays connaîtront en moyenne une diminution de 25 pour cent de l’aide étrangère cette année. Cette diminution, elle-même la conséquence de la crise économique dans les pays développés, aura le plus grand impact précisément sur les pays les plus pauvres, particulièrement ceux de l’Afrique subsaharienne.

Face à cette crise mondiale de l’alimentation, les organisations  d’aide tirent la sonnette d’alarme et demandent des gestes immédiats. La crise est d’autant plus incompréhensible que les ressources ne manquent pas et que la capacité de production alimentaire est amplement suffisante.

« Nous avons les moyens économiques et techniques pour éliminer la faim », a déclaré le directeur général de la FAO, Jacques Diouf. « Ce qui manque, c’est la volonté politique d’éradiquer la faim pour toujours. »

Cette déclaration n’est vraie qu’à moitié. Alors qu’il est certainement exact de dire que la science et la technique ont permis une augmentation de la productivité de l’agriculture permettant de nourrir facilement toute la population mondiale, ce n’est pas la « volonté politique » qui est le principal empêchement à l’éradication de la faim dans le monde. Il s’agit plutôt du système d’organisation sociale, le capitalisme, qui subordonne le besoin social à la recherche du profit pour les riches.

L’an dernier, le PAM a obtenu 5 milliards en dons pour nourrir les affamés du monde. Cette année, les pays et les riches donateurs ont resserré les cordons de leurs bourses, ne donnant que 2,9 milliards au PAM.

C’est une somme misérable.

Selon le magazine Forbes, il y a 224 familles dans le monde qui possède une fortune de plus de 2,9 milliards. La totalité des ressources allouées au PAM pour nourrir les pauvres de par le monde ne représente que 2 pour cent de ce que les grandes banques de Wall Street donneront en salaires et en bonus aux banquiers américains de haut rang, qui ont provoqué avec leur spéculation la crise économique qui a poussé des dizaines de millions de personnes de plus dans la faim. (Voir A record year for Wall Street pay”.)

Et, naturellement, les 2,9 milliards donnés pour contrer la faim mondiale n’est qu’un pourcentage infinitésimal des milliers de milliards de dollars que les gouvernements ont mobilisé pour sauver les plus grandes banques du monde.

« Les dirigeants mondiaux ont réagi avec vigueur pour empêcher le développement de la crise financière et économique et ont réussi à trouver des milliards de dollars en un temps très court, a noté Diouf. Il faut maintenant faire preuve de la même vigueur pour combattre la faim et la pauvreté. »

Ce n’est pas seulement que ces sauvetages des grandes banques d’une ampleur pratiquement inimaginable et les fortunes individuelles qu’ils servent à protéger représentent une mauvaise allocation des ressources. Ces ressources auraient pu être en effet plutôt utilisées pour satisfaire des besoins sociaux, par exemple, pour assurer que chaque personne puisse manger à sa faim.

La richesse de l’élite financière vient directement de l’appauvrissement de la grande majorité de la population mondiale au moyen de formes prédatrices de spéculation sur la dette, les marchandises essentielles, la propriété foncière, la monnaie et les fermetures d’usines. Et aujourd’hui, il faut ajouter le pillage au grand jour des gouvernements mondiaux à cette liste.

Ces processus provoquent une opposition de masse. Déjà, le prix élevé des aliments de base a provoqué des émeutes de la faim dans 60 pays depuis 2007.

(Article original paru le 15 octobre 2009)

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