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France : le NPA tente de canaliser le mécontentement contre les syndicats

Par Anthony Torres et Alex Lantier
19 octobre 2009

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L'impuissance des manifestations syndicales du printemps contre la politique gouvernementale, et la défaite des grèves contre la fermeture d'usines touchées par la crise, suscitent une vague d'opposition populaire contre les syndicats et des partis politiques en France. Au sein du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), dont la direction refuse toute critique du syndicat CGT, des courants minoritaires tentent de faire écho à ce mécontentement. C'est le cas du collectif Prométhée et de Tendance Claire, liée au PTS (Parti des travailleurs socialistes) argentin.

Leur position, qui reflète avant tout le soutien du NPA pour les syndicats, se distingue par son absence de perspective politique et son incohérence primaire. Obnubilés par l'organisation de manifestations syndicales, ils proposent paradoxalement de répéter le même type d'initiative dont ils commencent par dénoncer les conséquences.

Dans sa déclaration « Priorité à un programme d'union et de combat », le groupe Prométhée dénonce les journées d'actions organisées par les syndicats le 29 janvier et le 19 mars : « La "politique d’unité" des huit confédérations et leur plateforme revendicative du 5 janvier ont ouvert – avec la victoire symbolique de l’UMP aux élections européennes – un boulevard pour la politique du gouvernement et de la classe capitaliste. » 

Il ajoute : « La classe ouvrière et la jeunesse sont entrées dans cette période de crise — confrontées à une offensive de la classe capitaliste — avec des organisations faibles, dispersées, et pour la plupart décidées à collaborer avec le président. »

Ceci est une référence au fait que les syndicats ont organisé des journées d'action largement espacées dans le temps contre la politique du président Nicolas Sarkozy, après s'être concertés avec lui et ses représentants dans de multiples réunions tripartites et pourparlers, sur la politique qu'ils allaient suivre. Ceci a permis aux syndicats d'épuiser la résistance des travailleurs en lutte contre la politique d'austérité et le sauvetage des banques, tout en prétendant avoir mobilisé leurs forces. Le silence maintenu sur cette tactique par les partis politiques, tels le NPA, a joué un rôle central dans cette mauvaise farce anti-ouvrière.

Dans son numéro de septembre 2009, qui recueille force critiques de la direction nationale de la CGT par des délégués syndicaux, Tendance Claire dénonce « l'isolement et l'orientation traître des syndicats ». Elle continue en disant que les directions syndicales ont « boycotté la manifestation appelée par les travailleurs de New Fabris le 31 juillet à Châtellerault, refusé de soutenir les travailleurs de Continental poursuivis devant les tribunaux... »

Tendance Claire critique aussi l'hommage rendu par le dirigeant du NPA, Alain Krivine, le 30 juillet dans le Nouvel Observateur, à l'ancien préfet de police de Paris pendant les grèves de 1968, Maurice Grimaud. Krivine l'avait présenté comme « un type bien », « un républicain de gauche ».

Tendance Claire commente: « Il est plus que troublant qu’Alain Krivine prenne la pose, à l’instar d’un Cohn-Bendit, du vieux combattant qui a su ne pas aller trop loin. [...] Affirmer que "nous savions jusqu’où il ne fallait pas aller", c’est donner à penser que nous ferions partie de ces gens "raisonnables" sur lesquels Grimaud comptait pour contenir le mouvement. »

En fait, c'est précisément ce que Krivine laisse entendre par ses louanges adressées à la police : la direction du NPA est du côté de l'Ordre.

Ces articles constituent un aveu dévastateur — car provenant de l’intérieur — sur l’orientation politique du NPA. Les luttes ont été trahies, organisées sans aucune perspective de victoire, et les travailleurs se sont retrouvés isolés face à des organisations syndicales et politiques qui leur étaient hostiles. Les idées reçues charriées par les médias, selon lesquelles la CGT est « combative » et le NPA « révolutionnaire », n'étaient que mensonges au service de la bourgeoisie.

Sur quelles bases Prométhée et Tendance Claire veulent-ils donc bâtir une nouvelle politique pour les travailleurs ?

Le collectif Prométhée propose de créer des comités « unitaires » englobant tous les appareils — les partis politiques, les syndicats, et le milieu associatif. Il propose de reprendre un vieux slogan du NPA et de son prédécesseur la Ligue communiste révolutionnaire, celui de « l’interdiction des licenciements ».

Dès le départ, le slogan pour « l’interdiction des licenciements » sonne creux. Aucune perspective n’est élaborée pour orienter les travailleurs dans une lutte révolutionnaire qui pourrait imposer une entrave si fondamentale aux privilèges de la bourgeoisie et aux prérogatives de l'Etat. Proposer une telle initiative dans des collectifs « unitaires », réunissant des membres de partis institutionnels tels le Parti communiste français (PCF) ou le Parti de Gauche (PG), et même le PS, est dérisoire.

Prométhée veut « des collectifs unitaires pour l’interdiction des licenciements (collectifs qui doivent décider de tout, slogan, textes, matériels, date de réunion et de manifs) et l’organisation d’une manifestation nationale (là encore décidée collectivement) ». Ayant commencé par critiquer l’impuissance politique des journées d’action syndicale, Prométhée finit ainsi par en proposer une de plus.

Quant à Tendance Claire, elle propose également « une manifestation nationale contre les licenciements », signalant que la direction nationale du NPA a défendu cette revendication « au premier semestre ». L’apport principal de Tendance Claire est de proposer un « courant intersyndical ». Celui-ci « devrait regrouper les militants et les équipes de lutte de classe au-delà des différentes sensibilités politiques » — c’est-à-dire, représentant tous les partis.

On entrevoit un parti qui s'irrite de son propre opportunisme, qui sombre dans l’incohérence — proposant de continuer une pseudo-protestation syndicale tout en dénonçant les effets de cette politique, pour défendre son flanc gauche contre les travailleurs.

Les travailleurs se retrouvent dans une situation politique difficile, trahis par toute l’armature des syndicats et des partis politiques qui ont dominé la politique française au 20e siècle. Ce qui est indispensable au prolétariat, c’est la construction d’un nouveau parti révolutionnaire de masse, résolument hostile aux syndicats et aux partis existants, qui pourra orienter les travailleurs dans une lutte globale pour le pouvoir. La lutte pour le trotskysme, c’est-à-dire pour la continuité avec les luttes révolutionnaires des marxistes, est l’élément essentiel de toute politique ouvrière.

Né au mois de février en appelant à « dépasser » le trotskysme qu’il dénonçait comme « ringard », le NPA ne peut se transformer en parti révolutionnaire ni lutter pour en construire un. Même ceux qui critiquent la direction du NPA ne font que proposer davantage de manifestations isolées, qui s'alignent fondamentalement sur la stratégie officielle du gouvernement de relance de l'économie par d'énormes transferts de l'argent du contribuable aux banques et à la grande entreprise.

Le manque d’indépendance critique de Prométhée et de Tendance Claire vis-à-vis de l’opinion publique bourgeoisie ressort de leur traitement de la crise iranienne, après la ré-élection de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Le candidat malheureux, Mirhossein Moussavi, a organisé des manifestations de la moyenne bourgeoisie urbaine, avec l’aide de l’élite cléricale y compris le multimilliardaire Akbar Hashemi Rafsanjani. Ceux-ci voulaient mener une politique de libéralisation de l'économie et d’ouverture envers l’impérialisme américain et européen, qui occupent l’Irak et l’Afghanistan, deux pays voisins de l'Iran.

Le NPA a qualifié Moussavi de « démocrate » à l'instar de la diplomatie française, et les mouvements de protestation comme étant peuplés de travailleurs aspirant à la démocratie. Sur cette question, il n’y a aucune différence réelle entre l’analyse de Prométhée ou de Tendance Claire et celle du NPA et de l'impérialisme français.

Dans un article du 24 juin, Prométhée dénonce sans preuve l’élection d’Ahmadinejad : « Le peuple iranien descend dans la rue pour dire non aux résultats truqués par la clique d’Ahmadinejad et pour le respect de son vote, c’est-à-dire pour le respect de la démocratie qui est incompatible avec la dictature. »

Prométhée décrit ainsi le mouvement pro-Moussavi : « Une puissante vague qui vient de loin, un peuple qui descend dans la rue, un pouvoir qui ne peut plus dominer comme avant, on a là les ingrédients d’une révolution qui commence. » Le fait que ce serait une « révolution » visant à imposer un joug impérialiste sur le peuple iranien, entouré de toutes parts d'armées de l'OTAN, semble échapper à Prométhée.

Dans son numéro de juin, Tendance Claire explique même que le mouvement pro-Moussavi était « favorable à une ouverture économique et à une "normalisation" des relations avec l'impérialisme pour développer ses propres affaires ». Cependant, Tendance Claire propose aux travailleurs de participer à ce mouvement, espérant enclencher à terme un « processus d'auto-organisation » sur les lieux de travail.

Comme si Total ou ExxonMobil, ayant pillé le pétrole irakien, accepteraient de partager les ressources de l'Iran avec les travailleurs iraniens, une fois que Moussavi aurait négocié ses arrangements avec les gouvernements et les grandes sociétés occidentales!

Le contexte iranien démontre clairement le contenu réactionnaire des tentatives de mobiliser les travailleurs dans des manifestations sans perspective et derrière quelque organisation que ce soit. Ayant aidé les « réformes » réactionnaires de Sarkozy en France, l'effet de la politique de Prométhée et de Tendance Claire en Iran serait une capitulation encore plus criante aux intérêts de l'impérialisme. Quel que soit leur lexique légèrement mâtiné de termes marxistes, ce sont des « révolutionnaires » à la traîne de la CGT, de l’Elysée et du Quai d'Orsay.

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