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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

GM et Opel : une lutte pour la domination du marché automobile mondial

Par Ulrich Rippert
1er septembre 2009

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Le conflit pour l’avenir d’Opel s’intensifie. Selon des articles de presse, General Motors, la maison mère américaine envisage de garder Opel et sa filiale britannique Vauxhall. Selon le Wall Street Journal, le directoire de GM a demandé au comité exécutif d’étudier les options pour la vente de GM-Europe.

L’article cite trois sources anonymes qui ont rapporté que le directeur exécutif de GM, Fritz Henderson, avait été chargé d’élaborer pour la prochaine réunion du directoire début septembre un plan de restructuration pour GM-Europe, y compris un concept de financement de 4,3 milliards de dollars.

Peu de temps avant la réunion du directoire de GM le week-end dernier, le gouvernement une fois de plus avait souligné sa préférence pour le rachat de GM-Opel par l’équipementier autrichien-canadien Magna. Comme son rival, le fonds d’investissement belge RHJ International, Magna a fait campagne durant des mois pour le rachat des activités de GM en Europe. La chancelière allemande, Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU) avait téléphoné au président Barack Obama tandis que le ministre des Affaires étrangères, Frank Walter Steinmeier (Parti social-démocrate d’Allemagne, SPD) avait parlé à la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton.

Le gouvernement allemand s'est montré exaspéré par la nouvelle selon laquelle la direction de GM à Detroit avait à nouveau ajourné la décision concernant l’avenir de GM-Opel. La chancelière, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Economie et les premiers ministres des Länder où Opel est implanté, ont regretté le « nouveau retard » et ont fermement demandé à GM de prendre une décision immédiate. Merkel a qualifié les négociations d’Opel de « test pour les relations transatlantiques ».

Mardi, le vice-président de GM, John Smith, s’est rendu à Berlin pour calmer le jeu mais sans faire de concessions. En tant que propriétaire d’Opel, General Motors devait garder toutes les issues ouvertes, a-t-il souligné. Les deux offres, de Magna et de RHJ International, sont restées sur la table et il était aussi nécessaire de vérifier l’éventualité de GM de conserver Opel sur la base de conditions révisées. Ce nouveau plan prévoit que GM reçoive environ 3 milliards d’euros pour Opel et Vauxhall des gouvernements américain, britannique, espagnol ainsi que d’autres Etats européens. Aucune décision n’a été, toutefois, prise à ce jour, a répété Smith.

Suite à la requête de la chancelière allemande que le gouvernement américain use de son influence pour accélérer la décision, Obama a diffusé depuis son lieu de vacances un communiqué insistant qu’une telle décision relevait uniquement de GM et que le gouvernement s’abstenait d'intervenir.

Aucune confiance ne devrait être placée dans les propos d’Obama. Durant ces derniers mois, le gouvernement américain a investi 50 milliards d’euros dans General Motors en devenant ainsi l’actionnaire majoritaire de l’entreprise. Subventionné par l’argent du contribuable, le gouvernement a expédié les procédures d’insolvabilité pour GM qui ont coûté des milliers d’emplois. En étroite collaboration avec les syndicats, il a libéré l’entreprise des coûts élevés liés à la retraite et à d’autres prestations sociales. Toutes ces mesures sont destinées à établir de nouveau comme pôle mondial capable de reconquérir des marchés sur un marché mondial de l’automobile hautement concurrentiel, ce qui était une fois le plus gros groupe automobile du monde.

Cette tactique dilatoire de la direction de GM concernant ses négociations avec Magna et RHJI, ainsi que la nouvelle option de garder GM-Europe dans le giron du groupe GM, a été décidée au plus haut niveau du gouvernement américain. On ne sait toujours pas clairement quelle sera la décision de GM. Ce qui est clair, toutefois, c’est que le « conflit pour Opel » est un élément de la lutte internationale pour la domination du marché automobile mondial.

Trois nations industrielles dominent présentement le marché. Le Japon possède le plus grand groupe automobile du monde, Toyota. L’allemand Volkswagen est le plus grand constructeur européen et vient d’avaler Porsche dans l’idée de faire avancer ses propres projets de dominer le marché mondial. L’Allemagne dispose également de deux autres acteurs mondiaux, Daimler et BMW, tandis qu’aux Etats-Unis les entreprise autrefois nommées les « Big Three » [« les trois grands », Ford, Chrysler et General Motors (GM)] font tout leur possible pour étendre leurs propres parts du marché mondial sur les nouveaux marchés en Asie.

La forte intervention du gouvernement allemand en faveur d’un rachat de GM-Europe par Magna ne fait pas simplement partie de la campagne électorale menée actuellement par les différents partenaires impliqués dans la grande coalition gouvernementale et n’a certainement rien à voir avec la « sauvegarde des emplois. » Les concepts mis en avant à la fois par RHJI et Magna prévoient des réductions d’emplois à grande échelle dans tous les sites européens.

Par contre, le soutien du gouvernement allemand pour Magna est directement lié à ses intérêts de politique étrangère avec Magna servant d’intermédiaire pour la Russie. Le concept de Magna prévoit que 55 pour cent des parts de GM-Europe aillent au second plus grand constructeur automobile russe GAZ et à la banque d’Etat russe Sberbank.

German Gref, le directeur de la Sberbank, est un ancien ministre de l’Economie de Moscou et un proche de l’ancien président russe et actuel premier ministre, Vladimir Poutine. Selon le journal Die Zeit, Gref fait ce que Poutine « lui dit de faire », c’est-à-dire, « Agir géo-stratégiquement. Se procurer par une coopération internationale le savoir-faire pour ses propres industries. Ouvrir de nouveaux marchés. Acheter Opel. »

La conclusion de l’affaire Magna-Opel serait un pas important pour le gouvernement allemand en intensifiant sa coopération avec Moscou. Les questions de sécurité énergétiques jouent un rôle important dans cette coopération. Selon des estimations de l’Union européenne, la demande en gaz naturel devant être satisfaite par des importations passera de 60 pour cent présentement à 80 pour cent dans les vingt prochaines années. Le principal fournisseur de l’Europe est la Russie et les relations commerciales germano-russes ont considérablement augmenté depuis que la coalition SPD/Verts dirigée par Gerhard Schröder (SPD) a pris le pouvoir en 1998. Schröder joue à présent un rôle influent dans l’entreprise russe Gazprom qui est en train de construire le principal oléoduc traversant la mer Baltique.

Tout ceci est diamétralement opposé aux intérêts de Washington. Lorsque GM s’était trouvé en difficultés financières et confronté à la faillite, la vente des usines européennes de l’entreprise avait en effet été une option pour la direction à Detroit. Cependant, suite à l’intervention massive du gouvernement américain qui est déterminé à récupérer ses parts de marché, toutes les options sont une fois de plus ouvertes.

Le marché automobile mondial requiert que les entreprises opèrent sur le plan international et soient partout présentes. C’est pourquoi, GM ne veut pas céder aussi facilement son marché européen. De plus, une majeure partie des développements techniques des modèles américains vient d’Allemagne et Detroit tient à garder le monopole de ce savoir-faire. Mais avant tout, la direction de GM et le gouvernement américain veulent s’assurer qu’un potentiel concurrent en Russie n’exploite pas un tel savoir technologique. Detroit pourrait aussi intervenir sur le marché russe. GM dispose déjà d’une usine de montage près de Saint Petersbourg.

Quelle que soit la décision définitive sur l’avenir de GM-Europe, elle sera dominée par le conflit d’intérêts entre les Etats-Unis et l’Allemagne. Dans ces conditions, les travailleurs de l’entreprise ne peuvent que perdre. Les travailleurs de GM et d’Opel ne doivent pas devenir le jouet des intérêts impérialistes de leur gouvernement respectif. Ils doivent adopter un point de vue indépendant.

Ceci requiert une rébellion contre la bureaucratie syndicale. Depuis le début du conflit le syndicat allemand de la métallurgie IG Metall et ses comités d’entreprise n’ont cessé de promouvoir les intérêts allemands et ceux de Magna, au point même que le principal dirigeant de l’IG Metall, Berhold Huber, s'est rendu à Moscou pour avoir une entrevue personnelle avec Poutine. Quant aux comités d’entreprise, ils ont fait connaître clairement leur volonté d’accepter des réductions de salaire, la suppression des chèques vacances et d’autres coupes sociales s’élevant à 1,3 milliard d’euros.

Face aux récents développements, le principal dirigeant syndical du groupe, Klaus Franz, a invoqué la menace d’une « résistance substantielle » des salariés d’Opel. Il a déclaré récemment à la presse qu’il envisageait à court terme d’appeler à une manifestation de masse devant l’ambassade américaine à Berlin.

Les travailleurs ne doivent pas se laisser exploiter pour une manoeuvre minable de la bureaucratie pour le soutien des intérêts impérialistes allemands. Ils doivent refuser de suivre Franz et l’IG Metall. A l’occasion du 70e anniversaire du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale la question suivante doit être posée : où conduira une telle politique ? La politique a une logique implacable. L’histoire a montré que ceux qui battent le tambour le plus fort pour les intérêts économiques allemands et la guerre commerciale finissent infailliblement comme les plus virulents avocats de la guerre armée.

Dans la lutte contre la direction de GM, l’allié des travailleurs allemands n’est pas le gouvernement allemand, mais les travailleurs américains et européens. Il est nécessaire d’établir le contact avec les travailleurs des autres sites de GM indépendamment de l’IG Metall et des comités d’entreprise. Les travailleurs doivent s’organiser pour la défense des emplois, des salaries et du niveau de vie comme point de départ d’un vaste mouvement politique fondé sur une perspective socialiste internationale.

(Article original paru le 28 août 2009)

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