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France : Que se cache-t-il derrière le projet de primaire présidentielle du Parti socialiste ?

Par Kumaran Ira
7 septembre 2009

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Le Parti socialiste (PS) a avalisé le principe du système d'une primaire ouverte de type américain qui permet à tout électeur qui se dit de gauche d'élire celui, parmi une série de candidats PS, qui devrait être le candidat PS à l'élection présidentielle. Comme le montrent les documents produits par ceux qui prônent cette mesure, il s'agit d'une initiative réactionnaire visant à rassembler le soutien populaire derrière le PS malgré la désillusion populaire grandissante face à sa politique en faveur des patrons.

Ce principe de primaire ouverte a longtemps été associé à la candidate PS vaincue lors de l'élection présidentielle de 2007, Ségolène Royal. Lors des élections qui s'étaient tenues au sein du PS, elle avait reçu un nombre significatif de voix de la part de nouveaux membres qui avaient adhéré au PS via internet avec des cotisations réduites à 20 euros lors de sa nomination en 2006. Lors du congrès de Reims du PS en novembre dernier, elle avait parlé de « l’ouverture du parti aux masses  » et de «  la transformation de notre parti en un grand parti populaire. »

Le 26 août, le quotidien Libération a publié une « Pétition citoyenne pour une primaire populaire à gauche! » initiée par Terra Nova, un groupe de réflexion lié au PS. Depuis, la proposition de Terra Nova a été adoptée par quasiment l'ensemble de la direction du PS.

Tandis que la proposition de Terra Nova circulait, d'autres dirigeants en vue du PS ont eu tôt fait de rejoindre les rangs. L'ancien premier ministre Laurent Fabius a qualifié les primaires ouvertes d' « inévitables. » Le maire de Paris, Bertrand Delanoë a dit, « Je crois effectivement qu'il faut ouvrir les portes et les fenêtres et inviter tous les citoyens de gauche. »

Finalement, la première secrétaire du PS Martine Aubry, la dirigeante de la faction la plus ostensiblement en faveur de l'interventionnisme de l'Etat au sein du PS et principale rivale de Royal, a accordé son soutien à cette proposition. La veille de la conférence annuelle du parti qui s'est tenue à la Rochelle du 28 au 30 août, la première secrétaire du PS a écrit un éditorial dans le journal Le Monde prônant que « Réinventer la démocratie, c'est changer profondément les pratiques et les règles politiques au sein de notre parti, » notamment  par « l'organisation de primaires ouvertes pour la désignation de notre candidat. »

Ces changements ont été rendus officiels à la conférence de la Rochelle. Dans son discours d'ouverture, Aubry a appelé à « un changement du PS de A à Z. » Elle a annoncé que « Il sera demandé aux adhérents leur accord sur le principe de primaires ouvertes pour désigner le candidat à l'élection présidentielle de 2012. »

Royal a déclaré, « J'ai toujours pensé que le PS devait s'ouvrir, s'élargir. Je vois que les bonnes idées font leur chemin. Mais il faut que les décision soient prises rapidement pour passer à autre chose. »

Comme le montrent clairement les documents produits par la fondation Terra Nova, l'objectif de cette primaire ouverte est de réparer le déclin électoral du PS. Dans les périodes successives où le PS était au pouvoir, la présidence de François Mitterrand (1981-1995), puis le gouvernement de la Gauche plurielle du premier ministre Lionel Jospin (1997-2002), le PS s'est discrédité devant les masses avec ses mesures d'austérité, ses coupes sociales et ses privatisations d'entreprises publiques.

Depuis la défaite de Jospin à l'élection présidentielle de 2002, le PS a subi de nombreux revers dont sa récente défaite à l'élection présidentielle de 2007 et un score très bas à l'élection européenne de 2009. Des divisions internes au sein du parti ont pris de l'ampleur lors du dernier congrès du PS qui s'est tenu à Reims en novembre dernier. La faction Royal a publiquement accusé Aubry d'avoir truqué les élections lorsque cette dernière a été élue dirigeante du parti à Reims.

Dans un rapport intitulé « Pour une primaire à la Française », Terra Nova a écrit: « La succession de Lionel Jospin n'est toujours pas assurée. La cause est structurelle: il n'existe aucune procédure institutionnelle pérenne pour permettre la sélection entre les candidats à la succession. Dans ces conditions, seule l'émergence d'un leader 'naturel' permet de résoudre la crise. »

Traditionnellement, la nomination du candidat PS à la présidentielle se fonde sur le vote des adhérents du parti. Néanmoins, Terra Nova défend l'idée que la nomination devrait être ouverte à quiconque se dit électeur socialiste: « Nous appelons à une primaire populaire, ouverte au vote des sympathisants, afin que les citoyens de gauche et de progrès puissent choisir leur candidat à l'élection présidentielle. »

Terra Nova explique ensuite la motivation politique de ce changement: « Il s'agit de privilégier l'effet de la modernité et de dynamique qu'offre la primaire ouverte. Dynamique électorale: la primaire ouverte aboutit d'abord a une légitimité forte du candidat. La force de l'investiture de Prodi par 4 millions de citoyens, ou d'Obama par 35, est incomparable à la désignation par 200.000 socialistes français. »

En bref, l'objectif consiste à donner au candidat PS à la présidentielle un coup de pouce pour attirer l'attention des médias et donner un semblant de légitimité politique à un candidat PS qui mettra en place des mesures droitières contre la classe ouvrière.

Terra Nova poursuit: « Il y a aussi une dynamique démocratique: une telle primaire répond au désir de participation citoyenne. L'exemple de la 'primaire Veltroni' en Italie - 3.5 millions de votants pour une élection sans enjeu réel - est révélateur de cette jubilation participative. »

Cette remarque est au coeur du contenu antidémocratique de l'initiative de la primaire. L'initiative cherche à manipuler de façon cynique l'intérêt populaire pour la politique, en encourageant les électeurs à soutenir le candidat pro-patronat du PS. La méthode leur propose un spectacle électoral qui rappelle la situation italienne, à savoir, « sans enjeu réel. »

Les modèles étrangers que Terra Nova présente pour la primaire du PS sont hautement significatifs. Dans les deux cas, Prodi en Italie et Obama aux Etats-Unis, les candidats ont remporté les élections parce qu'ils étaient faussement promus par les médias et l'establishment politique comme représentant une rupture d'avec leurs prédécesseurs droitiers. Cela correspond à la situation de la France, où le PS cherche à déloger le président conservateur en exercice, Nicolas Sarkozy.

Dans les primaires italiennes de 2005, une coalition de partis politiques de centre gauche (l'Unione) avait choisi Romano Prodi comme son candidat. Prodi allait par la suite battre le premier ministre de l'époque Silvio Berlusconi lors des élections de 2006. La primaire avait été utilisée pour créer un climat politique où Prodi, politicien pro-patronat ayant des projets de droite à mettre en place une fois aux affaires, était mis en avant comme un représentant légitime de l'opinion de la classe ouvrière en Italie.

En fait, le gouvernement Prodi, avec la collaboration de l'ensemble de la gauche italienne, y compris des organisations ayant succédé au Parti communiste italien telles Rifondazione comunista, a continué la politique de Berlusconi. Lorsqu'il était au pouvoir, le gouvernement Prodi a supervisé le déploiement de soldats italiens en Afghanistan et au Liban et les projets d'extension d'une base aérienne américaine en Italie. En politique intérieure, il a privatisé des entreprises publiques, réduit les retraites et mis en place des mesures d'austérité fiscale.

La tentative de présenter Walter Veltroni comme le successeur de Prodi aux primaires de 2007, bien qu'applaudi par Terra Nova pour son spectacle creux, a été un échec. L'Unione a subi une défaite cinglante aux élections de 2008, marquées par un taux d'abstention important des électeurs issus de la classe ouvrière. Il en a résulté le retour au pouvoir de Berlusconi et une augmentation significative de la fortune politique de l'ultra droite, notamment l'élection du maire néo-fasciste de Rome.

Terra Nova revient aussi maintes fois sur l'exemple du président américain Barak Obama. Il dénigre le fait que, étant donné la condition actuelle requise du candidat PS à la présidentielle qu'il obtienne le soutien de 15 pour cent du comité national du PS, « dans la situation actuelle, un Barak Obama français n'aurait aucune chance d'émerger. »

Par cette remarque, Terra Nova en dit peut-être plus qu'il ne le souhaite. La campagne de Barak Obama était en grande partie une création de l'establishment politique et médiatique américain, qui a hissé rapidement à la fonction publique la plus élevée un candidat précédemment inconnu et relativement peu expérimenté. Faisant campagne avec le slogan ambigu du « changement », Obama a remporté une élection qui a été largement interprétée comme une répudiation populaire du précédent gouvernement, celui de Bush.

Mais depuis son accession au pouvoir, Obama a poursuivi et poussé plus loin la politique réactionnaire de son prédécesseur Bush. L'occupation américaine de l'Irak se poursuit, et le nombre de soldats américains déployés en Afghanistan a doublé. Il a accordé plus de mille milliards de dollars aux banques et à l'aristocratie financière tout en mettant en place un programme d'austérité sociale massif en supervisant la faillite des entreprises automobiles américaines, en détruisant l'éducation et les prestations sociales par le refus d'accorder le financement nécessaire aux Etats, en préparant une « réforme » de santé réactionnaire dont les effets seront de limiter les soins de santé  pour les travailleurs.

Il en résulte un effondrement catastrophique du niveau de vie de la classe ouvrière américaine.

Le fait que de tels précédents sont cités comme la norme à laquelle le PS devrait aspirer est une indication de plus qu'en 2012, le PS et ses partis alliés vont chercher à poursuivre la politique anti-ouvrière de Sarkozy.

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